Catherinette

Elle était plutôt replète, ma Catherinette, et avait des accointances certaines avec deux gros bonnets, ni frileux ni mafieux, ce qui me rendait admiratif mais aussi très volage. Elle travaillait dans les voilages, ma Catherinette, les moires et les damas, et ses petites mains cousaient des cols claudine, des jacquards de soie, des robes brodées de sequins, des ourlets de plaisir soyeux et mordorés, la passementerie, les perles et les dentelles prenaient entre ses doigts de haute-couturière l’aveu d’une beauté dévoyée sur l’estrade en pleine nudité. Ses heures ne comptaient pas, seuls les fils du rêve œuvraient avec souplesse pour l’ultime élégance de la robe parfaite. Elle gagnait peu, travaillait à domicile, et on ne la voyait jamais Faubourg Saint Honoré, ma Catherinette.

Comme toutes ses copines de moins de vingt cinq ans, son célibat durait: elle ne sortait jamais. Quand vînt le 25, en ce mois de novembre, elle était dans sa chambre quand je dus la livrer. Je sonnai. Il me fallut attendre. Elle ouvrit enfin. Elle était perturbée, la fermeture de grandes maisons de couture l’inquiétait et, sans faire attention à moi, elle prit ses ciseaux et ouvrit le colis. Elle était plutôt replète, ma Catherinette, et ses doigts potelés rirent tout seuls en prenant le bibi, la coiffe. Tout de fantaisie et de couleurs exquises, portant fruits et fleurs, galons et rubans fins, en forme de gâteau, onctueux, un tantinet fondant, sa surprise fut telle qu’elle me sourit et l’amour fit le reste. Ses lèvres avaient le goût de l’inconnu, et j’étais celui-là. Chassant par notre flamme son célibat infâme, elle me prit pour époux, et devint donc ma femme.

Depuis, le temps a passé. Nous couturons nos jours loin des points de suture. Je porte le chapeau, elle porte la culotte, mais sur le gâteau toujours est la cerise.

AK Pô

23 11 09

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