Bureau de tabac, poème de Fernando Pessoa
Publié le 3 mars 2019
par karouge
5 commentaires
J’ai eu l’occasion de me rendre à Lisbonne dans l’effervescence qui a suivi la révolution des œillets, en 1974, et d’être allé dans ce café, O Brazileiro, dans lequel semble-t-il, Pessoa trouvait l’ivresse qui ensuite le menait, tel un clochard qu’il était, à vagabonder dans les rues, les ruelles de la ville. Un drôle de type. Dans ces années 70, il y avait encore dans ce café quelques gueules cassées, qu’un ami plus âgé que moi croquait avec talent. Trente ans plus tard, une statue de bronze est scellée devant le fameux bistrot : bourgeois et touristes s’y attablent, au soleil, les prix sont haut de gamme, les places rares. Les enfants jouent et montent sur la statue de l’homme assis. Mais il est absent de ces modes temporaires qui en ont fait un miroir de Lisbonne, lui dont la prose fut, paraît-il retrouvée dans une malle en bois de 27000 feuillets, dont très peu étaient signés de MA main (bon sang! je suis encore passé à côté des infortunés!)…
A écouter l’émission de ce dimanche 3 mars (pousser le curseur à 25 minutes et 35 papillons :https://www.franceinter.fr/emissions/remede-a-la-melancolie/remede-a-la-melancolie-03-mars-2019)
Voici un extrait de cet assez long et beau poème de Fernando Pessoa, dont on peut lire la suite sur le lien (dont je me suis permis de copier une partie du texte) mis en bout de l’extrait proposé :
»
BUREAU DE TABAC, PAR FERNANDO PESSOA.
Je ne suis rien
Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.
Fenêtres de ma chambre,
de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée
(et si l’on savait ce qu’elle est, que saurait-on de plus ?),
vous donnez sur le mystère d’une rue au va-et-vient continuel,
sur une rue inaccessible à toutes les pensées,
réelle, impossiblement réelle, précise, inconnaissablement précise,
avec le mystère des choses enfoui sous les pierres et les êtres,
avec la mort qui parsème les murs de moisissure et de cheveux blancs les humains,
avec le destin qui conduit la guimbarde de tout sur la route de rien.
Je suis aujourd’hui vaincu, comme si je connaissais la vérité;
lucide aujourd’hui, comme si j’étais à l’article de la mort,
n’ayant plus d’autre fraternité avec les choses
que celle d’un adieu, cette maison et ce côté de la rue
se muant en une file de wagons, avec un départ au sifflet venu du fond de ma tête,
un ébranlement de mes nerfs et un grincement de mes os qui démarrent.
Je suis aujourd’hui perplexe, comme qui a réfléchi, trouvé, puis oublié.
Je suis aujourd’hui partagé entre la loyauté que je dois
au Bureau de Tabac d’en face, en tant que chose extérieurement réelle
et la sensation que tout est songe, en tant que chose réelle vue du dedans. »
… la suite est à lire ici : http://dormirajamais.org/bureau/
d’où j’ai sorti cet extrait…
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Pessoa relégué au rang de mobilier urbain, ignoré de la plupart ou assurant un folklore de bon aloi faisant la fortune des boutiquiers dans l’indifférence générale. Sans doute que notre société consommatrice l’a accaparé en le vidant de sens, comme tant d’autres poètes et artistes dans toutes les villes du monde pour donner aux tourisme de masse une nostalgie dont il ne connait pas les origines. Un gâchis culturel mais il existe encore quelques endroits où Pessoa est rendu à son talent comme ici.
Jolies photos.
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Merci pour votre commentaire. En vous lisant, je pense à Antonio Lobo Antunes, né et vivant encore(je n’en suis pas sûr) du côté de Benfica, un auteur à lire parmi d’autres (« le livre des chroniques », plusieurs volumes). Quand au tourisme de masse, je pensais en écrivant les quelques mots de l’article, à Chartier, un restaurant populaire du faubourg Montmartre, à Paris. Il y en avait 3 dans la ville. S’y brassait une population hétérogène, servie par des garçons de restaurant équilibristes, le tout dans un rythme effréné. Maintenant, c’est touristes and co. Comme est en train de devenir Lisbonne…
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Je suis à la recherche d’un poème que tu as écrit il n’y a pas longtemps et que j’avais trouvé très beau… Je n’avais pas pu mettre de commentaire parce que j’étais sur mon tél. et que je ne parviens plus à aller sur les blogs sans y mettre un mot de passe que j’ai aussi perdu, donc me voilà sur mon ordi et je cherche…
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je suis allé chercher dans le grenier de ma cervelle et voici ce que j’ai trouvé (parus en 2019 ou presque):
-ode à Charlotte D.
-Temps perdu, temps vécu
-la poésie la femme et l’homme anéanti
-nuit blanche, nuit noire
-dernières trouvailles descendues du grenier
Il vous suffit de copier coller chaque titre ci-dessus dans « recherche » tout en haut à droite. J’espère que vous trouverez le bon, au risque de lire les quatre autres précédemment cités! Merci à vous d’apprécier mon petit site!
Bonne journée
AK
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Belle découverte. Merci
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