Les poèmes (?) saugrenus de Chinou : les lièvres et le chasseur

Il ne faut pas courir deux lièvres à la fois dit le proverbe

Mais oublions cela. Courir ne sert à rien (sauf si coup de fusil)

Soyons sérieux : au Canada, certes, faire un bec à un lièvre

N’a aucun sens chez nous, si ce n’est un gros défaut des lèvres.

Alors le chasseur se réveille, arme son fusil et part chercher

Un baiser dans les bois, les prairies matutinales : embrasser

Un lièvre, qu’il a sorti du lit à la même heure que lui.

Cependant, le chasseur est connu pour être un chaud lapin,

La semaine dans son clapier, le week-end aux aguets.

L’homme est solitaire : pas de chien, pas de compagnons.

Il suit dans les buissons les sentes des animaux, repère

Les crottes du lièvre, minuscules boulettes noires

Que sème l’animal vers des toilettes arbustives, sent

L’aube tragique qu’il réserve à ce mammifère poilu

Avance dans le silence, l’arme prête à le dégommer.

Dans un sous-bois le bestiau apparaît : c’est une fée velue

L’étonnant est qu’elle parle français, estonien et grec ancien.

Le chasseur est soudain foudroyé : la beauté l’ensorcelle

Il se met à genoux devant un tel miracle, balbutie

Ô madame qu’avec vous j’aimerais tirer un coup de dais

Lorsque soudain la fée se retourne et le diable apparaît.

Toi, mon gentil chasseur, je crains qu’il ne faille, pour ta survie,

Aimer deux lièvres à la fois ! En es-tu capable ?

Le chasseur répondit : un bec chacun, ça suffira ?

Le diable se mit à rire : ce con nous prend pour des tantes canadiennes !

Pas du tout, répondit le chasseur. Je peux aussi

Vous chatouiller les oreilles, lécher vos larmes et votre accent

Et les tétons de la fée, et vous, diable célèbre de par le monde

Je puis par mon fusil vous faire goûter ma poudre d’escampette !

Le diable regarda la fée, lui murmura à l’oreille ; je te le laisse,

Un imbécile pareil qui parcourt les bois, c’est un lapin posé

Dans les alcôves de l’amour pauvre. Prends donc un oreiller

Ma jolie, tu y trouveras joie et plus d’un coup de fusil !

Ainsi s’acheva l’histoire du chasseur qui espérait courir

Deux lièvres à la fois et épousa une louve sans dents ni enfants.

18 08 2020

AK

7 commentaires sur “Les poèmes (?) saugrenus de Chinou : les lièvres et le chasseur

  1. Un coup de dais non tiré jamais n’abolira le hasard, comme me le rappelait encore il n’y a guère mon pote Mallarmuche.
    Beau texte, en tout cas.
    Je te souhaite une bonne journée, Karouge.
    (Et mes amitiés à monsieur LaFée, aurait rajouté Boby Lapointe).

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