les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Je n’attendais de moi qu’une main féminine
Pourtant ce sont deux poings qui s’ouvrent
Il faut des souvenirs pour ouvrir sa chemise
Des chemins de vie pour se vêtir de nus
Des sentiers d’inouï où les traces de nuit
M’ont apprises à rêver qu’enfin le paradis
N’avait de sens comme autant de maudits
Taisaient leurs cœurs dans l’enfer des ventres
Le silence s’est endormi l’argent des paroles
Traîne à grands bruits ses casseroles
La nuit s’endort dans des rêves imparfaits
Quand règne aux palais les dentiers corrompus.
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Tu me diras je t’aime comme un romain ses ruines
Et ton amant rira, comme l’enfant qu’il est
Devant ce qu’il croyait et qui voit ce qui est
Il fera beau à Rome, ce qui est coutumier,
Le fascisme enverra son peuple aux cimetières
A la messe on dira des versets pour les morts,
Dehors on masquera les récits de l’Histoire,
Chacun surveillera le mot de trop de l’autre,
Toutes les stratégies changeront pour, à nouveau,
Vaincre l’ignominie.
J’ouvrais toujours des portes qui me claquaient au nez
A coups de poings j’ai gagné ma place sur les quais.
Tu ne sais pas ce que c’est de marcher
Quand démarrent les trains et fument les bateaux ;
Tu ne sens que le parfum des femmes et la sueur des hommes,
Tu reconnais les pauvres, l’artifice des riches
Mais moi j’ouvrais toujours des portes insensées
Aux enfants aux vieillards aux veuves , à coups de poing fermés,
Je m ‘en souviens encore, quand mes yeux balayaient
L’aveuglement des foules, l’horizon des vitesses,
L’étranglement sordide d’un penne dans la serrure
Dont j’avais en main la clef mais ne s’ouvrait jamais,
C’est en tendant ma main que s’est la porte ouverte,
Sans rien demander, le train a démarré, le bateau
Quitté le quai, m’emmenant dans ses vagues insensées
Dans le parfum des femmes et la sueur des hommes.
Je croyais, bien à tort, être un enfant des ruts,
Livré aux bons vouloirs d’immeubles érectiles
Engendré par le foisonnement de cuisses commerciales,
Un enfant qui en valait un autre, réduction comprise,
Un ange dont les bras tendent le bleu des cartes
Sans pour autant voler d’un coup d’aile le fonds de caisse
Un misérable en fait qui serait né entre l’oubli et le besoin
Un de ces êtres qui ont troué leurs poches
A trop y laisser s’y réchauffer leurs mains
Et en toute saison, caresser la paresse
Quand elle se pare de magnifiques fesses,
Aussi souvent que dans le piaulement des bébés
On comprend mieux la différence,
Enfants des ruts, enfants des rues,
La vie s’incline et se morfond, un seul morpion :
L’indifférence.
Interview d’un écrivain (aujourd’hui Wilfrid Guinguelone) :
-ça fait longtemps que vous écrivez ?
-depuis ma plus tendre enfance.
-c’est-à-dire ?
-dès mon premier biberon.
-étonnant !
-certes, mais très vite, car mes parents semblaient rétifs à mes écrits, ou du moins ne savaient pas tout à fait les décrypter, je n’ai conservé que les virgules. J’en ai encore quelques réminiscences, bien que cela soit très ancien.
-qu’est-il advenu par la suite ?
-eh bien, adolescent, quelques jeunes filles ont changé ma vision de la littérature. J’ai pratiqué les ombres blanches, ce qui fut enrichissant pour mon style d’écriture, dont mon œuvre actuelle en porte encore la trace. Sinon, je ne serais pas là pour en discuter avec vous.
-effectivement, et je vous en remercie.
-c’est moi.
-qu’est-il advenu par la suite ?
-vous venez de me poser la question, mais je vais vous répondre, car je suis là pour ça. Voyez-vous, j’ai beaucoup voyagé depuis qu’écrire est devenu ma passion. J’ai visité le palais du facteur Cheval, lu l’œuvre de Jacques Vaché, celle de Thoreau, me suis enivré de sucs dans la tisane de l’abbé Soury, bref j’ai parcouru tous les parfums du monde pour mieux exploiter le mien.
-en relisant vos divers romans, tels l’âne qui battait sa femme, ou l’ogresse qui a connu Jésus, il apparaît comme une contradiction dans la plupart de vos récits. Les uns sont pigmentés d’anecdotes, mis en valeur par une ponctuation donnant une certaine intensité à vos récits, et a contrario vos textes parus ailleurs incitent le lecteur à l’art vraiment extraordinaire du contrepet. Est-ce le reflet de votre jeunesse ?
-cher monsieur, c’est tout l’art du littérateur. Tout comme l’est l’art du politique, tenez, si je vous disais : « quand Trump pète, Jéricho tremble. » Cette remarque n’amuserait personne. Rajoutez une virgule, hors dialogue, et référez-vous à une partition musicale, fin d’une phrase ou d’une partie. Cela peut sembler être un humour du troisième degré, c’est vrai.
-cependant, maintenant que vos vieux jours dorment dans votre lit, quel message laisseriez-vous aux jeunes talents qui ne veulent (absolument) pas mener votre carrière ?
-c’est facile : qu’ils se la pètent, et ils verront plus tard sur leur lit de mort ce qu’ils auront laissé comme traces sur leur passage terrestre. Mais qu’ils s’essuient les pieds avant de se coucher.
-je vous remercie, cher monsieur Guinguelone.
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