les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Derrière ses barreaux le condamné regardait son bourreau. Il avait l’air jovial, comme le sont ces gens qui vous font avaler des couleuvres tout en vous passant la corde au cou. Si l’on avait nourri le condamné de hamburgers et de sucreries, ce n’était que pour faire progresser la science du nœud coulant. Un simple fil suffirait-il à expédier en enfer cent cinquante livres de chair, ou faudrait-il se contenter d’utiliser l’électricité, comme la pratique depuis des décennies en fondait l’habitude. La graisse du condamné pouvait-elle avoir dans la société un impact positif telle une source de profit exonérée de toute pensée morale. Tout le laissait présager. La logique des puissants l’avait inscrite dans ses dogmes : faire notre gras sur la mauvaise vie des pauvres est d’une logique imparable. Cuisinons nos recettes pour mieux en tirer les feux de leurs misérables châtaignes.
Et dans cette logique le bourreau se joignait à cette idée. Il entretenait le feu charbonnier, faisait sauter les castagnes dans le poêle perforé, buvait dans la cave quelques vins bourrets, vins neufs d’une idéologie qui le saoulaient sans qu’il en modérât l’usage pervers et permissif. Il était heureux de participer à cette démarche du monde qui, pour en sauver peu, en condamnent beaucoup. Si maintes fois le bourreau raviva la flamme de l’enfer jamais pour autant il ne regarda en retour le condamné. Rien n’est pire pour un homme que de regarder son frère, qui va mourir, quand il ne peut rien faire face à la société des abrutis instruits des ministères, ces saccageurs de la belle misère, cette misère à laquelle on distribue des cordes pour se pendre , do it yourself, la seule liberté qu’ont bâti condamné et bourreau, ce sont ces barreaux qui respectent en toute légalité cet espace de vie, cette graisse des corps qui glisse et luit sur la ferraille , ces serpentins multicolores qui clignotent à Noël dans les rues des capitales en peine.
01 11 2019
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