les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Quand un mort frappe à la porte, on hésite toujours à lui ouvrir. Mais quand il est allongé dans ton lit, tu n’hésites pas : tu sors sans demander ton reste. Avec ses papiers, son portefeuille et le billet d’avion qu’il a réservé à ton nom. Tu atterris à Los Angeles, et comme tu viens du Japon, le crime n’a pas encore été commis. Les fuseaux horaires constituent ton meilleur alibi.
Alors qu’au pays d’Hokusaï les flics découvrent le cadavre, tu dors tranquillement à l’hôtel Hilton, à quelques 6000 kms de là. Ta chambre a été réservée au nom d’Hélène Dancourt, celui même qui est inscrit sur le passeport biométrique délivré par le département d’État des États-Unis le 15 mai 2015, jour anniversaire de tes 35 ans. De l’autre côté du Pacifique l’homme qui dort désormais éternellement se nomme Li Pong. Déjà connu des services de police pour meurtre, chantage et liens mafieux. Il a quarante ans, une cicatrice sur la tempe gauche qui obère une partie de sa chevelure brune. C’est un bel homme natif de l’île d’Hokkaïdo, donc plus grand que la plupart des hommes d’Honshu ou d’Okinawa, mais c’est un détail.
Vous avez fait connaissance dans le parc Sumida de Tokyo, quand les cerisiers fleurissaient. Parmi tous les occidentaux qui se baladaient là, Li Pong t’a repérée ; c’est normal : une occidentale seule avec son Pentax K3 en main, flânant sous l’ombre parfumée des arbres constituait pour lui une cible idéale. Il s’est approché de toi, s’est baissé pour ramasser quelque chose : une bague. Il te l’a tendue et a dit : « mademoiselle, vous avez perdu cette bague. ». Bien entendu, tu lui as répondu par la négative, mais ainsi vous avez entamé la conversation, ce qui était son but. Vous avez déambulé dans le parc puis êtes allés manger un kakigori, cette glace pilée parfumée très populaire au Japon. De fil en aiguille, votre conversation a dérivé et vous vous êtes embrassés. Il t’a demandé où tu logeais, et tu lui a dit « je ne sais pas exactement, c’est un ryokan du quartier Shinjuku, à côté du Bespoke Hotel, sur l’avenue Meiji-Dori. ». Il a éclaté de rire. « c’est loin d’ici ! En métro, il faut plus d’une heure, sans compter l’affluence des sorties de bureaux. » Tu as acquiescé dans un sourire un peu niais.
C’est sans doute pour ça que quand il a fini par te demander ton nom, tu lui as répondu : »Agnès Girard ». « Tu parles excessivement bien l’américain, a admis Li Pong, si je le compare à mes maigres connaissances. » Il t’a de nouveau embrassé et tu as senti que l’aventure avec lui ne faisait que débuter. Il t’a dit qu’il était représentant et venait rarement à Tokyo consulter les stocks de marchandise qu’il devait distribuer entre Osaka et Kyoto. Que tu lui donnais l’occasion de changer d’hôtel et de quartier, qu’il allait te raccompagner au ryokan et prendrait une chambre simple au Bespoke Hôtel, afin de profiter de votre proximité pour te faire visiter la mégapole, les zones d’Asakusa, Ueno, Ginza, Roppongi, bref (mais il le garda pour lui) le temps qu’il finisse avec toi dans le même lit…
(à suivre)
AK
20 07 2020
Dis donc on s’embrasse vite au Japon !!! 😀
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les cerisiers, comme les geishas, ne restent pas longtemps en fleur, il faut se hâter !
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Ping : un récit très kakigori (suite et fin) – le petit karouge illustré
Déjà la fin?!
Je lirai en rentrant, bona sera
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Juste avant de m’endormir je découvre ce qu’est un kakigori, c’est fou!
Je vais suivre l’affaire avec grand intérêt, le début est prometteur.
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suite et fin demain matin, vers 10h! 😉 (programmé wordpress)
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