les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Cette nuit là il n’y avait personne sur les quais de la Loire,
Personne à qui parler, personne avec qui boire
C’est alors que l’idée est venue de converser avec moi,
Ni ombre ni fantôme, seulement ce passant qui marchait
Dans le bruit de mes pas, ami de longue date s’il en est,
Ami d’enfance envers lequel je n’opposais nulle défiance,
Mais dont je m’étonnai qu’il parlât au passé, entre deux toux
Pendant que je crachais sur l’allée en gravier quelques mots
Qui avançaient au rythme de notre échange, voix rocailleuses
Du temps dont je sentais qu’il savait toutes mes aventures
Et moi, le frisson d’un avenir qui m’attendait au bout de la promenade.
La lune illuminait le fleuve. Aux abords des maisons troglodytes
Festoyaient les riverains, lampions et chansons, danses sensuelles,
Et l’homme du passé évoqua mille souvenirs oubliés, mille chemins
Que nous avions suivis ensemble et que ma mémoire avait enterrés.
A ce moment là une pluie fine s’est mise à tomber, rendant obscur
Le chemin que nous suivions, puis la pluie s’accentua, une averse
Me dit-il, tiens, prends mon parapluie, je n’ai plus de larmes,
Toutes ont rempli la Loire depuis des décennies, comme tu sais.
Je refusais son offre, les gouttes tombées du ciel rafraîchissaient
Ce semblant de mémoire qui me poussait encore à aimer l’avenir.
Comme elle était venue l’averse cessa. Nous fîmes une dernière halte.
J’allumais sur un banc une cigarette et toussais abondamment
Mon ami d’enfance me rappela que j’avais la même toux
Quand sous les tribunes en bois du stade j’avais fumé la barbe du maïs.
Bien entendu, j’avais oublié ma jeunesse, et il commençait
A m’agacer avec mes souvenirs qui remplissaient des charrettes
De paroles et de sentiments disparus à jamais. Il toussait, je lui souris :
Toi aussi, tu te fais vieux, mon vieil ami. Il baissa alors les yeux.
Une flaque luisait à nos pieds ; pourtant le réverbère était éteint
En ce 31 octobre 2020, et seule la pleine lune traînait dans le quartier.
L’homme qui parlait au passé me dit : penche-toi. Je m’exécutai.
Je vis alors mon visage se refléter sur le miroir d’eau calme,
Je sentis mes rides incapables à pousser le moindre gémissement,
Nulle plainte ne pouvait surgir de mes lèvres, de mes yeux,
Je saisis les mains de l’homme du passé et nous nous mîmes à rire.
Nous l’avions oublié, ce troisième comparse, sur le bord de la Loire,
C’est l’homme de l’avenir, qui chaque nuit nous sert à boire,
C’est notre histoire, celle qui écrit puis efface toutes les ardoises,
Qui chaque jour répète ce que nous nous sommes racontés,
Entre hier et aujourd’hui, nos toux et nos crachats, mais surtout
Notre envie de vivre, dans le crissement de nos pas, là,
Au bout de notre promenade.
31 10 2020
AK
J’ai pris bien du plaisir à lire ce que tu as pris du plaisir à écrire, illustre Karouge !
Bonne journée.
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Bon dimanche de Toussaint Maëstro !
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merci, j’aime beaucoup !
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Si celui qui écrit par plaisir partage le plaisir de celui ou celle qui le lit, eh bien, que dire de plus?
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Rien. C’est bien.
Bonne nuit.
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Commentaire lapidaire…Pourquoi pas, lundi est la fête des morts.
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