Les mardis de la poésie : Philippe Jaccottet (1925-2021)

Paroles dans l’air

L’air si clair dit : «
Je fus un temps votre maison,

puis viendront d’autres voyageurs à votre place,

et vous qui aimiez tant ce séjour, où irez-

vous?
Je vois bien de la poussière sur la terre,

mais vous me regardiez, et vos yeux paraissaient

ne pas m’ètre inconnus; mais vous chantiez parfois,

est-ce donc tout?
Vous parliez même à demi-voix

à quelqu’un qui était souvent ensommeillé,

vous lui disiez que la lumière de la terre

était trop pure pour ne pas avoir un sens

qui échappât de quelque manière à la mort,

vous vous imaginiez avancer dans ce sens,

et cependant je ne vous entends plus : qu’avez-

vous fait?
Que va penser surtout votre compagne? »

*

Elle répond à’ travers ses heureuses larmes :

«
Il s’est changé en cette ombre qui lui plaisait.

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Portovenere

La mer est de nouveau obscure.
Tu comprends,

c’est la dernière nuit.
Mais qui vais-je appelant?

Hors l’écho, je ne parle à personne, à personne.

Où s’écroulent les rocs, la mer est noire, et tonne

dans sa cloche de pluie.
Une chauve-souris

cogne aux barreaux de l’air d’un vol comme surpris,

tous ces jours sont perdus, déchirés par ses ailes

noires, la majesté de ces eaux trop fidèles

me laisse froid, puisque je ne parle toujours

ni à toi, ni à rien.
Qu’ils sombrent, ces « beaux jours »!

Je pars, je continue à vieillir, peu m’importe,

sur qui s’en va la mer saura claquer la porte.

poèmes tirés du site : https://www.poemes.co/

Biographie de Philippe Jaccottet (même site) : https://www.poemes.co/philippe-jaccottet.html

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[SOIS TRANQUILLE, CELA VIENDRA !]

Sois tranquille, cela viendra ! Tu te rapproches,
tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin
du poème, plus que le premier sera proche
de ta mort, qui ne s’arrête pas en chemin.

Ne crois pas qu’elle aille s’endormir sous des branches
ou reprendre souffle pendant que tu écris.
Même quand tu bois à la bouche qui étanche
la pire soif, la douce bouche avec ses cris

doux, même quand tu serres avec force le nœud
de vos quatre bras pour être bien immobiles
dans la brûlante obscurité de vos cheveux,

elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux,
de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille,
elle vient : d’un à l’autre mot tu es plus vieux.

Tiré du site : https://terresdefemmes.blogs.com/

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