les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
(« –Ils commencent à m’emmerder ces animaux ! » s’exclame John en martelant du poing le volant. Il tire d’un des porte-cartes un paquet de cigarettes, en extrait une qu’il allume.
« – Ils ne sont pas plus chiants que les autres »lui dis-je en prenant la cigarette qu’il me propose.)
« On dirait des gosses ! repart-il
« -Oui, c’est vrai.
« – En avez-vous ?
« – Pas encore, je suis célibataire
« – Moi aussi. Et avec ma vieille mère grabataire…
« – Eh bien ?
« – C’est déjà difficile de joindre les deux bouts.
« – Mais ça devrait pouvoir s’arranger ; vous ne travaillez pas ?
« – Si, un boulot épuisant. Je travaille dans la doublure.
« – C’est intéressant, vous devez en connaître, des stars !
« – Vous me comprenez mal, je pense.
« – … ?
« – Je suis petite main, et souvent à temps partiel.
« – Vous doublez au pied levé, alors ?
« – Voilà, en intérim.
« – Et votre chien, c’est un épagneul, n’est-ce pas ?
« – Un épagneul breton de saint Brieuc, un Jourdhui pour être précis (ndr).
« – Le mien, c’est un setter irlandais.
« – Ils devraient s’entendre, ces chiens adorent laper en paix, d’ailleurs regardez-les !
« – Le mien parle couramment celte.
« – Où a-t-il appris ?
« – A l’université de Crock, au sud de l’Irlande.
« – Ah, le mien a suivi des cours par correspondance. Nous n’avons pas les moyens, ma mère et moi, de l’instruire en lui faisant faire des séjours à l’étranger. Le seul qu’il connaisse c’est celui qui sépare la cuisine de la salle à manger. De plus, on aurait trop peur qu’il attrape la rage.
« – Ce n’est plus de son âge !
« – Croyez-vous ! Une voisine avait envoyé son scottish terrier à Edimbourg. Il en est revenu fort amoureux de l’Hydre de l’Erse : intenable ! D’ailleurs, j’interdis au mien de le fréquenter, surtout que l’on a rétréci les squares et transformé les lampadaires en urinoirs pour drogués.
« – Vous faites bien, par les temps qui courent !
« – Que voulez-vous dire par là ?
« – Eh bien… Tout ce terrorisme international, tous ces attentats (et pas seulement à la pudeur) partout, il suffit de lire le journal, c’est effrayant !
« – J’avoue que je n’ouvre jamais les journaux.
« – Moi non plus, c’est dire !
« – Ce sont toujours les mêmes nouvelles.
« – Les mêmes faits divers, et ça fait tant de peine, ces chiens écrasés qui remplissent les colonnes des unes !
« – Vous avez bien raison. Tenez, c’est comme la misère dans le monde, on ne voit que ça et on ne fait rien.
« – Jusqu’au jour où ce seront nous qui crèverons de faim.
« – Et qui l’écrira dans les journaux, hein ?
« -Je ne sais pas, moi…
« -Remarquez, votre chien parle celte et le mien suit des cours par correspondance.
« – Et ils sont bien nourris, nos animaux chéris !
« -Ce sont les témoins de notre déchéance, allez !
« – Excusez-moi, je dois partir maintenant. Je dois aller lui acheter quelques boîtes. A Roccalito.
« – A Roccalito ? Puis-je vous accompagner ?
« – Avec plaisir.
« – Chic, à Roccalito ! »
Nous partons d’un grand fou rire, énorme, , qui oblige John à me céder le volant, tout en roulant. Les clients doivent se poser des questions sur notre aptitude à conduire un autobus. Ce n’est pas la première fois. En fait, il n’est pas rare que nous nous interpellions avec des dialogues absurdes, John et moi. Toute une journée de route n’est pas une sinécure et la cogitation permanente, liée au défilement de la bande centrale nous force, parfois malgré nous, à de temps en temps bifurquer vers d’autres chemins que ceux de la raison.
AK
Note : les (ndr) sont de petits rajouts de 2021
Encore une fois excellent, illustre Karouge.
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J’avais zappé çuilà hier. Dialogue surréaliste 🙂 au suivant mais je vois que la fin se rapproche 😦
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Sache que tu n’as pas fini de souffrir (ou d’en rire) en continuant cette lecture ! J’en suis à la page 47 du tapé-à-la-machine (sur 100), et comme toi et d’autres je découvre au fur et à mesure ce texte de 1982…Parfois ça me démange d’y ajouter des « ndr » de 2021. Alors je tagatape pour en finir avec ce récit, mais la fin est encore lointaine, je pense !
Bonne après-midi sous les îles! Ici c’est pluie frisquette et les chats se sont planqués dans la grange à l’abandon du voisin…
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Fais beau ici, ça compense de l’été pourri qu’on a eu.
Je croyais qu’il y avait 16 chapitres mais ravie que ça continue 🙂
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En fait, il n’y a pas de chapitres dans ce texte (juste deux parties). Le problème c’est le saucissonnage que je dois opérer pour ne pas faire des séquences trop longues . Tout comme Dominique, j’ai du mal à lire sur écran, et je comprends sa réflexion. Je retape ce texte pour l’imprimer sur papier et le biffer, le raturer à loisir tant il est rempli d’imperfections ! De quoi passer l’hiver avec des lunettes à double foyer…
PS: j’ai souscris pour Simoniu, mais en réservant un exemplaire papier. Pas un E.Bouc (n’exagérons rien, les chèvres corses ne sont pas des princesses sur internet !)
Bonne journée !
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Déjà le 13èm épisode et moi je n’ai pas encore lu le premier ! La route est longue et je suis découragée car je n’m pas à rester lire devant mon ordi, sauf les « shorts ». Pauvre de moi !… Il y a encore beaucoup d’épisodes ?
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Tu peux toujours imprimer les pages et les lire quand tu veux ! 😎
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Good idea !
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