les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Îles de la désolation, après Madagascar : Haïti. Un éditorial de Pierre Raymond Dumas paru dans le quotidien « Le Nouvelliste » du 25 10 2021 :
Notre génération est, sans aucun doute, en train de vivre la fin d’un cycle qui peut se transformer en une explosion sociétale. La raison ? L’effondrement de l’Etat auquel nous assistons présentement est un phénomène que les Haïtiens sont incapables de freiner. La messe est dite ! La prise en charge frontale du pays par la communauté Internationale est désormais une question de temps.
Cette tutelle ou protectorat passera-t-elle avant par un bain de sang collectif, un suicide inévitable, un chaos généralisé pour faire taire les nationalistes de tout acabit, les opposants à toute forme d’occupation ? Interviendra-t-elle dans le cadre d’un plan Marshall ou sous l’égide d’une intervention militaire régionale ?… Ces questions, aussi dramatiques soient-elles, renvoient à la faillite totale de la vieille Haïti qui a survécu à l’après-Duvalier dans une série de pouvoirs intérimaires et de crises sans cesse répétés, comme une malédiction, faute d’élites dirigeantes et possédantes éclairées.
L’assassinat du président Jovenel Moïse n’a rien résolu. Au contraire, les problèmes de gouvernance et de l’insécurité ont pris une ampleur monstrueuse alors que l’opposition, plus éclatée et impuissante que jamais, n’arrive à imposer aucun projet cohérent et satisfaisant de sortie de crise. Nos opposants endiablés se retrouvent en face des portes de l’enfer. Tout cela fait que l’apocalypse est proche, pour eux et, malheureusement, pour le pays tout entier, pris dans l’engrenage des enlèvements en série, de la décapitalisation, de la fuite des cerveaux, de l’inflation, de la rareté des carburants, ect. Cet enfer est le produit de choix politiques néfastes, de l’ingérence étrangère ouverte, de l’absence d’un capitalisme concurrentiel, de l’échec du système des partis, avant tout. On est arrivé au bout du rouleau. La criminalisation de notre vie publique est, pour ainsi dire, le résultat de ce que l’on peut appeler « l’effort dans le mal ». Il est important de reconnaître le caractère moral et cognitif de cette déchéance spectaculaire : le nerf du mal haïtien, c’est la cupidité, le culte de l’argent facile et sale au détriment de l’intérêt général. Tous les moyens sont bons pour s’enrichir. Le pouvoir en est un, pas le seul. Lorsqu’un pays est aussi envoûté par la corruption et les formes y afférentes, l’impunité en est le corollaire, on ne peut s’attendre qu’à ce tas de ruines, une terre en voie d’extinction où la jeunesse n’a aucun avenir, où la politique devient une activité honnie, où la violence inhérente aux gangs reflète l’irresponsabilité et l’incompétence des élites.
Ni la formule transitoire ni la démocratie électorale ne peuvent guérir Haïti de cette septicémie dont elle souffre. Seul un traitement-choc, une sorte de «révolution » au sens systémique du terme peut stopper l’hémorragie. Car les remèdes précédents (intervention onusienne pour restaurer la démocratie, 1994, ou pour rétablir la sécurité nationale, 2004) ne serviront pas à grand-chose, en tous cas, pas à implémenter l’État de droit de façon irréversible dans un pays où l’on enregistre des taux élevés d’analphabétisme, de chômage, où les inégalités socioéconomiques ne font que s’accroître, en présence d’un appareil judiciaire et sécuritaire dysfonctionnel…
Si le diagnostic de ce grand malade est connu, le traitement le plus efficace, le plus approprié ne l’est pas au juste. À certains égards, les solutions nationales sont encore possibles mais les acteurs nationaux, toutes catégories confondues, n’ont pas eu les mains heureuses par le passé. Le spectacle offert par « les protagonistes du chaos » est stupéfiant de pessimisme. Fustigée pour ses ingérences partisanes, maladroites même, la communauté internationale, alliée de circonstance de tel ou tel groupe ou président mal élu, n’est plus pressée à intervenir aujourd’hui. Cette dernière qui peut être accusée de non-assistance à pays en danger est probablement, elle aussi, divisée sur les modalités de la meilleure opération chirurgicale. Cependant, le mal est en train d’empirer à un rythme diabolique …
Pierre Raymond Dumas (Le Nouvelliste, HaÏti)
Et nous, absents. Debussy s’en fout…(et les États Unis encore plus !)
On ne s’en fout pas, non, on a bien lu l’excellente analyse des raisons de l’effondrement de Haiti, effondrement en marche depuis longtemps…. On ne s’en fout pas mais on ne sait pas quoi faire sinon se battre les flancs… De minuscules ONG, rafistolent avec des bouts de ficelles le toit d’une école ou envoient dans des containers du matériel qui arrivera ou n’arrivera pas… C’est juste suturer une petite plaie sur un corps à l’agonie.
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Autre éditorial, triste à pleurer, paru ce 28/10/2021 :
https://lenouvelliste.com/article/232440/que-dirait-kafka
Cependant, pour le peu que j’en comprenne, le rôle de certaines (grosses) ONG est assez critiquable (on rafistole jusqu’à la prochaine fois, séisme ou tempête, mais surtout pas de façon solide et durable, pourquoi ? Les subventions allouées au niveau international sont également sources de revenus pour celles-ci… Allez savoir !)
Bonne journée et vacances !
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Ça fait peur !
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Ça fait mal aussi ! La gangrène, quoi !
Bonne soirée Maëstro !
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Merci, bonne soirée, illustre Karouge.
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