les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Il est quatre heures trente à l’horloge,
La gare de Vintimille est déserte
Les autres sont partis quand ils ont entendu
Le ronflement des hérissons qui patrouillent
Chaque soir vers minuit dans le hall
La salle d’attente était fermée à clé
J’étais déjà dedans, sous un des bancs,
Transparent comme un caméléon
Qu’on ne distingue pas entre la sciure et le bois
Maigre et silencieux comme une vermine
Ainsi que nous appellent les vigiles.
J’avais un banc offert à ma fatigue
Un sommier de fortune dur comme ma vie
A quatre heures du matin les aiguilles du rêve
Les caresses et les puces des hérissons
Léguées en sauf-conduit parcouraient mon échine.
Une belle vie m’attendait là-bas, une ville
Pleine de lumières et de gens bienheureux
Qui, pour certains, me tendraient les bras
M’aideraient à comprendre pourquoi
Le monde traversait tant de déraillements
M’accueilleraient sans savoir d’où je viens
A qui je pourrais dire sans peur aucune
Je viens de loin , d’un pays d’infortune
Aidez-moi à redevenir l’homme que j’étais
Alors vous comprendrez que je vous suis utile
Je suis votre chemin et notre vie commune
Transparent comme le miroir qui se brise
Et perd ainsi le masque de ceux qui s’y reflètent.
L’horloge de la gare a pointé ses aiguilles
A cinq heures un homme habitué à l’aube
Vêtu d’une tenue réglementaire a débloqué
La porte de la salle d’attente, m’a trouvé
Assoupi sur le banc, ronflant comme un hérisson,
Il m’a gentiment remué, sans un mot, doux
Comme le sont ceux qui viennent d’un pays d’infortune
Et à l’oreille m’a glissé : je viens d’un pays
Plus lointain que le tien, alors maintenant file
A cette heure-ci les carabiniers dorment encore.
Il a pris ma main sans rien dire, m’a fait comprendre
Que j’avais toutes les chances de survivre
A une condition : rester dans la peau du caméléon.
03 11 2021
AK
« Elle est à toi, cette chanson, toi l’auvergnat, qui sans façons, … »
Bonne journée, illustre Karouge.
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Le titre de votre poème m’a fait frissonner : j’ai immédiatement songé à ces caméléons que les petits Malgaches arrachaient de leurs arbres pour les revendre à des Blancs qui en amuseraient leurs enfants…. Il ne fait pas bon être un caméléon par ces temps de faim! Voyez-vous, ce n’est pas confortable non plus, d’être un caméléon! D’ailleurs, le poème non plus n’est pas confortable, mais c’est plutôt bien qu’un poème déloge de quelque part….
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J’avais en tête cette idée de passer les frontières (pas seulement physiques) en jouant sur l’invisibilité et donc l’anonymat des gens pour qu’ils puissent se fondre dans le quotidien sans être pourchassés…par toujours les mêmes, ici comme ailleurs.
Bonne journée ! (et ne me dites pas qu’il fait beau chez vous, je finirai par ne plus vous croire !) 🙂
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