Les mardis de la poésie : Dominique Sampiero (1954-…)

 

Poème tiré du site : https://www.recoursaupoeme.fr/

Le Bruit de la page blanche

J’use doucement l’amour
en frottant ma peau au papier
pour passer de l’autre côté
ouvrir les portes cachées
dans les plis du silence

Je n’éteins pas
Je m’enfouis

Ma parenté tourne la tête
aux alphabets

J’attends la décision des lampes
des flammes d’encre

Et ce que l’on prend pour un rêve
ou un cauchemar
c’est ce départ

Ceux que j’aime arrivent
à m’extraire

Ruines de l’air
glissées sous la lymphe
cachée des livres

C’est ici l’ailleurs
que l’on a toujours craint
dans le ventre de la nuit

Je gagne ma vie en transvasant
le sable pur des phrases
dans ce blanc de poche du néant
je gagne mon souffle de langue

à chaque mot
je perds mes yeux
dans mes veines

L’arbre du papier
pense à ma place

pas de preuve, aucune
ni sur la mort
ni sur l’infini

Juste un entassement de brindilles

la brindille des yeux, celle du corps
la brindille de l’âme
celle du silence

et un tas d’autres innommables
cueillies du bout des doigts
mot à mot, assis sur la paille morte
des chaises

Puis un grand feu
un grand vent bousculent
la chair de ces écorces

À chaque plein chaque délié
la cendre invite
sa part d’ombre et d’ortie
cachée dans la volonté grise
des ténèbres

L’air fredonne
des présences insoupçonnées
en les projetant dans le vide
de la page blanche

Nous craignons cette légèreté
qui attend notre corps
au détour d’un silence

Ne sachant plus où aller
ni ou finira le nuage de nos gestes
on supplie le poème d’écarter
les branches de l’ombre
au passage d’une phrase

On se faufile entre les herbes hautes
du mouvement d’écrire
on survit

On consent au mouvement d’ouverture
où tout se renverse à mains nues

À l’espérance, je préfère
le doux sentiment de la chute

Dans chaque mot, tombe
un peu de cet amour qui prend la forme
de ce qu’il regarde

Je ne vous oublie pas
j’apprends à

En dispersant le souffle
sous la peau blanche de l’ici
la danse des images
confie la volonté de nos atomes
à l’expérience crue de la matière

Chacune des phrases
soulève la sensorialité de la chair

Qu’allons-nous devenir 
s’éteint doucement dans le cerveau du poème
qui pense la mort à notre place
nous soulageant
de son bourdonnement d’abeille

Les mots se souviennent que leur étoile
est une crémation consentie.

Dominique Sampiero

https://www.dominiquesampiero.com/

4 commentaires sur “Les mardis de la poésie : Dominique Sampiero (1954-…)

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