Le Diable et la Pravda (Vérité, en russe)

Jusqu’à la semaine dernière je ne croyais ni en Dieu ni au Diable ni aux Maîtres, fussent-ils russes. En bon gaulois je pensais que seul le ciel pouvait nous tomber sur la tête. Or le Diable a pris figure humaine, ou n’en a-t-il que l’apparence, je ne sais, mais ce qui est sûr c’est qu’il menace la planète entière d’anéantissement, et le mot est faible. La folie destructrice d’un seul fou n’est plus un film et le docteur Folamour a pris corps dans la réalité. Si, dans le film de Stanley Kubrick, la folie paranoïaque venait des Etats Unis, (Tourné en pleine guerre froide, le film raconte le déclenchement d’une frappe nucléaire massive sur l’Union soviétiquepar un général de l’armée de l’air américaine atteint de folie paranoïaque, et les efforts réalisés pour tenter de rappeler tous les bombardiers B-52partis effectuer cette mission, sous risque d’holocauste planétaire.), cette fois c’est l’inverse, avec le même scénario. Nous assistons, consternés, à une partie d’échecs bien réelle.

Du coup, comme je ne suis ni courageux ni suicidaire et que tout ce chantage m’effraie, j’ai cherché une ligne de fuite et un endroit sur lequel, pour les quelques années qu’il me restent à vivre (une dizaine), me réfugier. Je le connaissais ce lieu de longue date (1980?) pour avoir envoyé ma candidature, à l’époque où l’on cherchait des volontaires pour y passer quelques mois (c’est vrai). C’est un lieu très petit, perdu dans le Pacifique, mais sur lequel je pourrai planter le drapeau bleu blanc rouge national. Il s’agit d’un atoll dont voici la géographie sommaire 😦lien en bas d’article)

Entouré par une ceinture de corail, l’îlot possède en son centre un lagon d’eau douce mais saumâtre, imbuvable. La végétation y est sauvage et aucun arbre n’y poussait alors. Il était soumis aux tempêtes tropicales fréquentes de l’océan et, comble de misère, logeait des millions de crabes rouges réputés immangeables, dévorés depuis par des rats qui ont investi les lieux. Qui viendrait alors s’installer ici, dans ce petit paradis infernal ? Je n’en connais qu’un : Grigori Efimovitch Raspoutine .

Il devrait arriver dans une corvette de l’armée mexicaine d’ici quelques heures. Le monde entier a eu vent de sa notoriété :

«En 1907, jouissant d’une réputation de guérisseur, il est invité pour la première fois par le couple impérial au chevet du jeune Alexis, héritier du trône atteint d’hémophilie. Raspoutine gagne en influence, en particulier pendant le conflit mondial. La tsarine et sa famille le considèrent comme un guérisseur, un mystique, voire un prophète. Ses ennemis le décrivent comme un charlatandébauché, mû par un appétit sexuel démesuré et même comme un espion. Sa présence contribue ainsi à jeter le discrédit sur la famille impériale et constitue l’un des rouages de la chute des Poutinoff,assassinégrâce à un complot fomenté par des membres de l’aristocratie. »

Grigori était certainement le plus sympathique de mes cauchemars : jouisseur, charlatan, aventurier, ne craignant pas les ogives nucléaires, je savais que dans la corvette mexicaine qui le débarquerait se trouveraient également quelques femmes joyeuses ignorées de la solitude du tsar moscovite.

A Odessa, les marins du cuirassé Potemkine se mutinent, pendant que je me goberge sur la plage envahie de détritus marins et de filets de pêche ennemis. La guerre engendre la paix, mais jamais un dictateur ne foutra la paix aux hommes qui la vivent. Fouteurs de merde croulant sous l’or de leurs demeures clinquantes et leurs tables de marbre à rallonges. Et voilà maintenant que la tempête shakespearienne s’abat sur la petite île du Pacifique nord. Raspoutine ne viendra pas, l’ONU dormira ventre offert, le cul nu dans les vents turbulents de l’Histoire.

« Ni Dieu ni Diable ni Maître » me susurre à l’oreille une geisha. Lave-toi à l’eau froide accroupi sur ton petit siège en plastique, puis plonge dans le bain brûlant, avec les hommes. Les femmes font la même chose, un peu plus loin. Pourquoi fuir sur ton îlot du Pacifique quand un cinglé veut annihiler toute vie sur terre ? Es-tu devenu stupide ? Raspoutine est mort assassiné, grâce à un complot fomenté par des membres de l’aristocratie. Le nouveau tsar périra par l’oligarchie qu’il entretient depuis des décennies. Ici, nous avons connu Hiroshima et Nagasaki. Alors, Étranger, si un jour le ciel te tombe sur la tête, ne la perds pas. Combats avec tes bras, ton esprit et ta poésie, chante tout ce qui fait de toi un être vivant. Toutes ces guerres sont faites pour que plus personne ne puisse entamer un chant de liberté. Mais ne chantes pas des prières à Dieu, au Diable, au Maître quel qu’il soit, non, chante le récit de ton cœur, et peut-être c’est sur les dictateurs que le ciel tombera, dur comme du béton (armé).

04 03 2022

AK

Liens en relation avec cette chronique : (Wikipedia)

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_Clipperton

les rescapés de Clipperton

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Grigori_Raspoutine

3 commentaires sur “Le Diable et la Pravda (Vérité, en russe)

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