les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Moï Lioubov
Je viens à l’instant de découvrir pourquoi les dictateurs ont pris tant de dimension sur l’engeance humaine : ils ont un problème majeur. Ils ont de tout petits zizis. Complexés par la taille de leur quéquette, ils compensent leur atrophie par l’élaboration de missiles qui sont plus rapides que l’éjaculation précoce et la dimension habituelle d’un organe pacifique dans leur caleçon. Ils nucléarisent leur cornichon pour impressionner le monde en le faisant passer pour une courgette ou un concombre (masqué selon Mandryka ). Ainsi cherchent-ils paradoxalement à augmenter leur puissance sexuelle en étendant leur univers psychologique et leurs actes guerriers en compensant militairement leur physiologie, ignorant que même une petite zigounette un tantinet raide peut donner du plaisir, comme le dit le dictionnaire Vidal de 1914. (Comme disait mon grand-père : « dans les tranchées on mettait baïonnette au canon, mais certains ont du être amputés »). Mais j’ai appris bien plus tard qu’il s’était sectionné lui-même quelques phalanges de la main droite pour ne pas être apte au combat, étant incapable d’appuyer sur la gâchette. Il était pacifiste. Il a sauté sur une mine, en Ukraine, dans les années quarante, alors qu’il ne pouvait même plus se servir d’un crayon pour écrire à ses proches parents.
Et toi, Moï Lioubov, petite femme qui dort à mes côtés, avec Koschka notre chat qui nous réchauffe de son poil épais sous la couverture de survie, je sens ton cœur qui bat dans ce souterrain dont les bombes font trembler les parois bétonnées. Pour combien de temps encore, pour combien d’hectolitres de sang versés ? Sous le joug des ambitieux petits zizis aux missiles pleins de ce sperme qui champignonne pour baiser terre et ciel, opacité revancharde sur la sérénité de nos amours, cent Hiroshima, quelques Nagasaki dont même Al- Khwarizmi, l’inventeur de l’Algèbre, ne saurait comptabiliser les morts dans ses calculs universels.
Il ne faut désespérer de rien sinon de nous-mêmes. Cependant, le printemps est là. Il engluera les chars, désamorcera les bombes (les vers de terre gris s’en nourriront), il fera cesser les guerres quasiment fratricides entre peuples voisins. Hier soir, dans le jardin, de petites brigades de bestioles rondes et piquantes sont passées prendre dans les croquettes des chats leur dernier repas. Ils partaient vers l’Est au petit matin, ai-je compris, pour rejoindre les hérissons tchèques, ces croix de lourd métal qui empêchent les chars russes de passer dans les jardins meurtris des villes sous couvre-feu.
Moï Lioubov, je pense ce soir à ce film de Pasolini, « Salo ou les 120 journées de Sodome ». A la critique qu’en faisait alors François Chalais (1976), avec laquelle je ne suis pas du tout d’accord, mais qu’il faut intégrer dans cette petite chronique, film qui résume bien le fascisme des petites quéquettes, à mon avis. Ton bras s’enroule autour de mon corps fatigué, Koschka sur le drap couleur de flamme se lèche. Il fait encore froid mais le printemps est là. Nous sortirons quelques minutes dans les rues, et sur les arbres encore vivants nous verrons les bourgeons peu à peu émerger au bout des branches. Jusqu’au moment où les sirènes retentiront. Nous repartirons nous abriter en courant dans les endroits profonds qui nous sauvegardent, alors que jamais nous n’aurions pensé qu’ils fussent construits pour ça. MoÏ Lioubov, je te raconterai la légende des Walkyries, de la petite sirène d’Andersen, pour oublier quelques minutes les obus qui éclatent. Je sentirai tes doigts, entiers et capables d’appuyer sur la gâchette pour sauver ta liberté.
Alors viendra l’ultime feu d’artifice qui éclairera l’enfance que nous portons, et le vent de l’Histoire à nouveau balaiera de nos mémoires ces massacres sordides et nous pourrons chanter ensemble le renouveau du printemps, le renouveau de la vie.
28 03 2022
AK
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