les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Dans son petit monde, celui qui enferme les individus les plus fragiles, Josette régnait en parfaite maîtresse. Elle ne possédait comme bagage ni le comment ni le pourquoi, mais les quelques abrutis qui l’entouraient, et dont j’étais alors, se satisfaisaient d’un rien ou de néant complet. Il serait simple de croire que seules sa physionomie, son exquise corpulence, nous faisaient en tant qu’adeptes, croquer son discours comme du chocolat aux amandes En fait, nous avions ouvert notre puérilité d’adolescents, jusque là enclins à compter nos poils sur nos pubis et ceux de la moustache sous le nez, poils qui ne poussaient pas plus vite en les oignant de crottes de pigeons comme le certifiaient les magazines parisiens qui se répandaient dans la campagne pour mieux nous ignorer. Nous fumions la barbe du maïs en toussant et Josette, qui venait de fêter ses seize ans, relevait sa jupe, sa culotte rouge et nous montrait l’état où en était alors l’origine d’un monde, celle qu’elle portait en elle, même si Courbet et ses pinceaux l’ignoraient.
Dans son petit monde, celui qui engendre les grandes paix, Josette laissait parler les ignorants, les gamins de seize ans qui regimbaient sur le sens de la vie inculqué par leurs parents et désiraient pourtant suivre son cours, mais sans se sentir piégé. Josette insistait là-dessus : aimez-vous mais ne vous mariez jamais ! Beaucoup râlaient : oui, mais la réception à la mairie, à l’église, puis l’apéro et les cadeaux de la liste de mariage, les toasts, les petits fours, le champagne à gogo, la confrérie des buveurs et les larmes des parents, puis l’animation, les flonflons, la fête qui dure jusqu’à l’aube. Inoubliable. Mais cinq ans plus tard, on divorce. Encore du pognon dans l’escarcelle des avocats.
Josette sait de quoi elle parle. Dans son petit monde elle a connu des gens heureux, d’autres qui attendaient de se remémorer au bas de la rue le code pour remonter dormir dans le lit conjugal. Pourtant dans l’ espace réduit de sa tête elle s’est éprise d’une raison sans nuance : la nuit est devenue soleil. Parce que son esprit, ce sanctuaire idéologique, a explosé dans l’univers de son mensonge, de sa compréhension des monstres adolescents qui l’entouraient. On la vit ainsi parcourir les rues des beaux quartiers, composant des sonates sur les touches des digicodes, jouer du xylophone sur les clôtures métalliques ; et les gredins en sarabande qui l’accompagnaient finirent tous en maison de correction, et pour certains à l’orphelinat de Maisons-Alfort ou au zoo de Vincennes, qui venait de perdre son singe, âgé de 98 ans, qui cessa de soliloquer en glissant sur une peau de banane expédiée par un des jeunes voyous de Josette.
Deux ans passèrent et les gosses découvrirent que Josette finalement ne possédait pas le charme ni le charisme d’un smartphone, et que sa pilosité masquait de fait l’écran de leurs fantasmes. Plutôt que de compter les poils de leur pubis, ils en firent pousser un dans la paume de leur main , celle qui ne tenait pas le portable, et le photographiaient chaque jour pour montrer aux autres imbéciles qui avait le plus long, le plus frisé, le plus splendide, bref, le plus crétin, mais bon, Pépère là tu crois pas que c’est ton texte qui est carrément con ?
J’admets, je ne veux pas chercher la bagarre, surtout quand, à leur âge, je fumais la barbe du maïs sous la tribune en bois du stade municipal et que Josette en fait était déjà un fantasme, vu que les seuls poils que j’avais vus étaient ceux de Marcelle, qui en avait plein les jambes à quinze ans et ceux de ma grand-mère qui parsemaient son menton…
29 06 2022
AK
(les petits bruts non remaniés!)
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