Le Four de Trance 2022

Quand j’étais gosse, entre huit et quatorze ans, avec cinq ou six copains on faisait du vélo, pas de dérailleur ou, pour les plus aisés, une chaîne qui alimentait trois pignons. J’étais alors un gamin assez grassouillet, mais dans les côtes alentour je soufflais et grimpais comme les autres, qui chevauchaient des biclous plus ou moins identiques au mien. Nous accomplissions souvent des boucles de trente kilomètres, avec deux cotes, les parents nous laissaient libres de partir ainsi sur ces petites routes que traversaient les poules et, où souvent les chiens endormis près des portails ouverts des fermes nous coursaient. Nous donnions alors des coups de pédales, véritables sprints, pour sauver nos mollets d’éventuelles morsures.

Avec la canicule, je me suis réfugié dans un canapé pour regarder les forçats de la route du Tour de France. Les étapes de montagne me ravissent, enfin me ravissaient. Désormais c’est un ennui profond qui m’envahit. Les images me deviennent insupportables. Voir cette masse de péquenauds courant derrière les coureurs avec les T shirts à deux balles lancés depuis la caravane publicitaire (blancs à pois rouges), les bagnoles et les motos qui suivent et filment en continu leurs coureurs, les commentaires constants des journalistes, les panneaux publicitaires qui bordent la route accrochés aux barrières de sécurité, les innombrables camping-cars garés au bord de la route, et les forçats qui grimpent, tatoués de publicités du short au casque dont n’émarge que le dossard, les oreillettes individuelles pour envisager la stratégie à suivre, tout cela et plus encore m’agace au plus haut point. Le sentiment devenu constant que l’étape est quasiment jouée d’avance et que le spectacle de l’épreuve en devient un produit éminemment commercial, du marketting.

Où est passée la « gagne » des coureurs d’avant, que racontait Antoine Blondin, et ce féru de Tour qu’est Christian Laborde, raconteur de véritables récits que l’Histoire oublie au profit de la pub, des noms que les équipes ont scotché partout, la grande démonstration de la pourriture d’un sport magnifique où la souffrance est reléguée aux quelques mots d’un commentateur, d’une course poursuite entre un leader et ses challengers.

La foule s’amasse sur les bas-côtés, mais le peloton passe si vite qu’on ne peut distinguer qui est qui, sauf la couleur du maillot (sauf le blanc à pois rouges car beaucoup de spectateurs ont le même). Pas de nom, juste des logos. Les équipes (AG2R, Quick step,Movistar, FDJ…), Quant à la route, quand ce ne sont pas les barrières et les peintures au sol, ce sont de gros encarts publicitaires, ballons de baudruche ou totems indiquant le kilomètre restant, soit avant un sprint, ou le final d’un col. Mais ces sportifs pratiquent les lieux en toutes saisons, ils savent où ils sont, sentent où mener potentiellement une attaque ; pourquoi tant de tralalas, d’indications supplémentaires pour un parcours maintes fois arpenté. Pour la pub , le commerce, l’exportation de l’image nationale…

Je fais ici complètement abstraction de la caravane publicitaire, qui est en elle-même le prélude à l’asservissement des masses. Par ailleurs, je note que dans les Pyrénées le public est beaucoup plus calme (étape Lourdes-Hautacam).

22 07 2022

AK

(remise en route de mon nouvel ordi)

5 commentaires sur “Le Four de Trance 2022

    • Pour les spectateurs, je persiste et signe ! Les cols alpins étant plus hauts que les cols pyrénéens la connerie monte en intensité avec l’altitude. 😁😎🚲🚲🚲

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  1. C’est la course à l’argent… Dommage pour le sport qui y perd son âme. Le côté festif n’y est plus. Chez nous c’est Skoda qui balançait ses maillots verts salade au public… Heureusement la dernière montée des cyclistes était spectaculaire !

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