les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
C’est toujours difficile de se sentir seul songeait Sergueï dans sa tranchée. Mais mourir jeune quand on n’a qu’une vie alors qu’on a appris que les clowns en ont neuf, voire plus, est désespérant pour les lutins tels que moi. J’ai cette vague impression d’abandonner mon Passé au profit d’une absence de Futur. Je suis devenu un combattant de l’inutile, dans une guerre insensée qui n’engage que des fous qui jamais, au grand jamais ne viendront prendre ma place ici. C’est un espace grandiose, entre le désert des Tartares et Tartarin de Tarascon : il n’y a pas plus d’ennemis que de lions, mais la Mort et le Temps régissent les discours et l’attente d’un conflit rend plus aveugle que l’œil de Polyphème. L’idée se propage dans les livres d’Histoire où les enfants ne regardent que les images, avant de partir à leur tour combattre dans les catacombes des temps nouveaux.
Sergueï regarde l’automne et les premières pluies qui, dès novembre, créeront le gel et les premiers flocons. Il comprendra alors ce que signifie la survie. Sa raison peu à peu deviendra déliquescente, la vodka plus nécessaire, la gâchette plus résolue et encline à tuer tout ce qui peut bouger. Attente, nom qui sonne dans le froid et l’infortune, tuer le frère que l’on nomme ennemi, mais surtout protéger une Patrie que nulle autre Nation n’a tenté d’envahir. Entretenir un rêve qui ne vient pas de lui, de ce type en faction qui attend qu’enfin cette farce sanglante finisse.
Toutes ces fables dont on lui a rabattu les oreilles l’ont rendu sourd. Il n’est pas de vérité dans le songe ni d’Été en Crimée, seules les vagues politisent les marées, et toi, Sergueï, pauvre albatros accroché au bastingage dans ce navire fou, tu te souviens des ailes que portaient tes désirs, d’études ou de vie simple, et te voilà plongé dans ces boyaux que parcourent les rats pour apprendre le langage des hommes perdus.
La solitude prendra des jours à s’incruster, mais des camarades viendront s’inscrire et prendre leur part, les Tartares enverront des nuées de poussières et les lions t’écriront des cartes postales de Tarascon pour réconforter les troupes, mais la vie sera devenue autre chose qu’un simple uniforme ou des rations militaires, elle sortira avec tes tripes pour en finir dans ce film pathétique où le héros finit en charpie, gueulant pour la dernière fois : « je suis Sergueï, mais qui peut me dire ce que je fous ici ? »
Une balle sifflera alors pour que ton cœur ressemble à un coquelicot à peine épanoui, au milieu des champs céréaliers, personne ne pleurera. Sergueï ? Connais pas. C’était quoi, son matricule ?
24 09 2022
AK
sensibilité + les mots pour le dire = émotion
je vide mon clapier (sauf un male et une femelle pour la reproduction et tes prochaines productions)
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Merci, mais conservez l’acajou du clapier, tout en restant un sympathique et bon sapajou!
( mais silence,le petit Souchon dort dans le poulailler)
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Requiem pour un Sergeï, embarqué dans une guerre stupide.
Bonne journée, illustre Karouge.
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