Faut-il empailler les chiens quand on veut faire ripaille ?

C’est décidé, demain je tue notre chien. Il est vieux et a vidé toutes nos réserves de vin (blanc) dans la cave qu’il devait surveiller. On y avait même installé sa niche. Pas question pour autant me dit Ninette de faire appel à un taxidermiste. Ce chien a pourri notre vie, les voisins nous ont fait des procès et le facteur a eu droit à six semaines d’ITT (cumulées sur deux ans), alors basta ! Pourtant,il était gentil, notre Ralfy, tu te souviens comme il nous léchouillait les pieds quand on faisait la sieste, et cette fois où il grimpa sur le lit avec tous ses attributs en éveil, quel animal c’était, hein, Julien !

Demain je tue le chien. Je m’appelle Julien, et me comparer à Ralfy m’est insupportable. Ninette me regarde alors droit dans les yeux : « et si nous le mangions ? » Je reste coi. « Quoi qu’il en coûte, je ne goûterai pas à cette alternative consumériste. J’ai beau eu aimer Ralfy, jamais je n ‘en mangerai un cuisseau, surtout du fait de l’odeur qu’il a conservé des mollets du facteur, qui sont comme le parfum des fines herbes dans un lapin chasseur, mon plat préféré après les rognons de porc que préparait ma grand tante, qui montait encore aux arbres à 85 ans. S’il te plaît, Ninette, finissons-en une bonne fois pour toutes ! »

Ninette opina du chef, mais il faut bien avouer que question cuisine, c’était elle la cheffe. Le chien ne se souciait plus de nous, c’est vrai, vu qu’il était raide mort dans la cave. Ce que nous se savions pas, c’est qu’il avait écrit un testament avec des rognures de griffes plantées dans le sang de quelques rongeurs. Il léguait sa niche à ses descendants (de l’escalier généalogique), ou elle serait mise en vente si aucune offre se présentait. Les tonneaux étant vides, personne ne se présenta pour le rachat, pas même les chats du rez-de-chaussée, qui préféraient la bière clairette aux deuils canins.

Cependant, Ninette et Julien se posèrent la question. Fallait-il consommer le chien sans son consentement ? Faudrait-il interdire la sieste entre nous ?

Ce qu’il faut rajouter à ce récit, et qui n’a pas encore été développé, c’est que Ralfy, censé surveiller la cave, dormait en chien de fusil, et qu’à sa mort restait le fusil. Or le canon de celui-ci fumait encore. Était-ce la part des anges, cette émanation de l’âme du vin blanc dont tant de chiens abusent en loucedé dans les caves vaticanines, ou simplement le résultat de la jalousie de Julien, dont Ralfy était l’incarnation ? Pour se justifier, Julien déclara à Ninette que le fautif était très certainement le facteur, qui avait agi par pure vengeance. Ninette resta dubitative face aux arguments de son époux, chercha des indices dans la cave, des empreintes de doigts et de pieds, une haleine volage, et ne trouva pas une seule lettre recommandée dans la niche du chien.

C’est en remontant l’escalier qu’elle trébucha sur une marche branlante. Calé entre deux planches, elle découvrit un morceau de papier : c’était le testament de Ralfy, rédigé comme dit précédemment avec les rognures ensanglantées des surmulots. Mais il n’était pas question, dans ce document, de vendre la niche ou d’en faire hériter sa descendance, non, seulement d’y enfermer Julien et de clore l’ouverture avec des planches et des clous. Le codicille en finalisait la raison : pouvoir faire la sieste avec Ninette, sans ce vieux con de Julien. Ce qui échoua, car le facteur était déjà mentalement dans le lit de l’épouse, impatiente de lire le courrier du cœur qu’il lui apportait à chaque tournée, tournée qu’elle lui servait avec un verre de vin blanc, ce qui disculpait Ralfy mais coûta la vie à son mari, prisonnier dans la niche jusqu’à que mort s’ensuive, et que le nouveau couple mangea rôti, agrémenté de rognons de porc et de petits oignons.

Si vous avez compris quelque chose à cette histoire, ne m’en parlez jamais !

06 10 2022

AK

Pas moi !

9 commentaires sur “Faut-il empailler les chiens quand on veut faire ripaille ?

    • Quand on voit le chien qui pose pour la photo, on a du mal à différencier le veau du gros gibier !
       » ne faut pas le confondre avec le cuissot qui ne comprend que la cuisse de gros gibier3.

      Toutefois, depuis les réformes orthographiques de 1990, la même orthographe « cuisseau » peut être utilisée dans ce cas, lesdites réformes mettant à mal la fameuse dictée de Mérimée, laquelle distingue soigneusement les deux orthographes.
      🦌🐪🐂🐘🦔

      Aimé par 2 personnes

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