les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Je me présente, je m’appelle Henri (Caud), j’ai tout raté dans ma vie. Je pense que c’est sans doute parce que je menais une vie normale. J’avais des rêves plein la tête : vendre des robes avec mon pote Nino Ferrer, partir en voiture (Citroën) avec Nicolas Bouvier, ou en goélette avec Victor Segalen, mais comme l’albatros sur le pont de ces navires gris que l’on nomme destroyers, j’ai pris la fuite, désertant le temps présent, quittant ma nation mes amis et mon passeport périmé.
Mais dites-moi d’où vient cette lueur moscovite. Frappez frappez frappez ! Éteignez les lumières, annihilez les radiateurs, faites que la nuit gouverne ce pays de nazis, nous qui sommes au chaud dans nos datchas et nos palais aux murs tapissés de dorures nanties de médailles criminelles. À une époque, je voulais être russe, j’ai même fait des stages de pâtisserie entre deux babouchkas. Puis j’ai voulu être un de ces héros du cuirassé Potemkine, mais surtout pour jouer le rôle du gosse dans la poussette dévalant le grand escalier d’Odessa. Maintenant je reçois sur internet des spams qui m’offrent des nuits d’amour avec de jeunes ukrainiennes. Pourquoi tant de pourritures se sont-elles installées dans ce que nous pensions naïvement être la liberté d’échanger et de s’instruire sur internet, dans un monde qui serait ouvert, multipolaire, sans limite, à cette utopie de rendre les gens heureux, multiples dans leurs cultures, leurs couleurs de peau.
La vie, l’amour, la mort. La dystopie de l’Homme heureux s’est répandue sous le joug des décérébreurs, et la corruption a pris le pouvoir sur le peuple infantilisé. À dix sept ans je commençais à fumer, conscient de vivre à mes risques et périls, moi, Henri Caud, et si j’ai quitté le lycée, à vrai dire, c’était pour mieux plonger dans ce monde libre. C’était encore une vie normale. Elle est partie. L’hiver a mis ses griffes de grizzli et ses médailles sur la poitrine du général Cornuto (dit Hiver), sur la bataille des communications, des tweets et d’instagram, de télégram, des réseaux sociaux qui se nourrissent de mots frelatés, de courtes phrases agressives, qui n’engendrent que haines et menaces de morts. J’aurais aimé être un artiste, mais Laziza ne voulait pas, et vous savez, les femmes sont plus autoritaires que les hommes quand le garde-manger vous scrute au fond du réfrigérateur, et qu’il ne reste qu’une demie fesse de la belle mère dans le congélateur et que la sœur supérieure a battu le beurre bondieusard.
Comment se dire alors qu’appartenir au genre humain est supportable ? À qui parler sous le manguier, avec qui manger quand des salauds tentent de faire table rase sur une nation qui ne demande que vivre en pleine indépendance, et pourquoi en sommes nous arrivés là, si ce n’est pas le silence la peur et l’abnégation initiée par notre ignorance crasse. Éternel jardin des Hespérides, la Terre refuse de livrer ses fruits savoureux car personne, sauf Hercule (soutien du vent d’OTAN), n’a le courage de tuer ces faux dieux pour enfin les cueillir à pleines mains. Pas de Tantale, pas de scandale dit le Zeus du Kremlin. L’hiver approche, nous avons un peu de temps pour punir les innocents aux mains vides.
Les dieux punirent Tantale d’une condamnation qui deviendra le célèbre « supplice de Tantale » : passer l’éternité dans le Tartareà souffrir un triple supplice : Homèredans l’Odyssée20et Télèsdans ses diatribesracontent que Tantale est placé au milieu d’un fleuve et sous des arbres fruitiers, mais le cours du fleuve s’assèche quand il se penche pour en boire, et le vent éloigne les branches de l’arbre quand il tend la main pour en attraper les fruits.
Et moi, Henri Caud, qui a tout raté dans ma vie, qu’est-ce que je suis ? Désormais, je suis tel un vieux croûton jeté dans la marmite d’un monde immangeable, attendant que la demie fesse d’une belle-mère cuise à feu doux, sous l’œil attentif de Laziza, drapée du haut en bas par d’infâmes mollahs…Supplique de la dalle et faim de liberté.
23 10 2022 AK
Ah, le supplice de Cancale : être immergé jusqu’au cou dans une bourrache d’huitres,et chaque fois que l’on baisse la tête pour essayer d’en gober une, le niveau des huitres baisse. Tintin pour le gobage !
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Les bourriches d’Arcachon rigolent, mais les plaideurs se taisent ! Et pourtant…
Une terrible farce qui plonge le spectateur dans l’univers de la justice corrompue du XVIIe siècle.
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Mais je goberais bien quelques huîtres, moi aussi !
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Je te conseille celles d’Arcachon, probablement plus près de chez toi que celles de Cancale. Et puis, toi, je ne sais pas, mais moi, je n’ai jamais entendu parler du supplice d’Arcachon!
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petit k, ça suffa comme ci, je suis, encore plus que d’autres fois, obligé de vider mon clapier, ne gardant, comme une autre fois, qu’un couple reproducteur, dit de redressement, qui, si la photocopieuse à lapin dysfonctionne, m’obligera à courir deux lièvres à la fois (espérant trouver des lièvres lippus comme ta Laziza); l’utopie est éphémère et mes applaudissements continus
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