Nouveaux jours (à l’avenir, laisse venir)

Gina me demande si écrire me provoque un orgasme, quand je suis complètement absorbé entre la multitude des touches du clavier, que je glisse des mots entre les « alt » et les « ctrl ». Je ne peux que lui répondre que seules les cartouches d’encre de l’imprimante nous unissent encore tant notre relation s’altère. En fait, j’opine du chef et me tais. L’ancre des fredaines ignore la poésie, mais il faut retenir les accents amoureux, graves ou aigus, ou circonflexes avant qu’ils ne s’écrasent sur les récifs de matelas moelleux. Il faut vivre, entre la désuétude des manuscrits et l’anonymat des ordinateurs, entre un « je t’aime » de plumitif et un azertyuiop électronique.

Et toi, Gina, qui pianote à longueur de journée sur ton smartphone, jouis-tu entre tes emoticones et ton langage haché réduit au minimum de tes ongles repeints ? Les cartouches d’encre impriment de drôles d’unions sur le jaune TikTok, le verbe se corrompt et l’ancre des fredaines noie sans le savoir les relations humaines. Doux matelas de l’ abandon des sentiments palpables. À quoi servent nos mains, que deviennent nos corps, quand la réalité s’abandonne et que la virtualité se donne le pouvoir d’aimer par contumace ? Une farce concrète dans le cul dévasté de nos chairs ravagées d’images et de langages interminablement stériles.

Une mouche s’est posée sur le clavier. D’un revers de main je l’ai balayée sur la table de la cuisinette. Puis, armé de ma tapette, vlang ! Sans un bruit, sans un cri de sa part, écrabouillée la bestiole. Cela faisait une heure qu’elle m’enquiquinait, à tourner sous la lampe, à lécher mes cheveux. Comme Gina le faisait durant nos lunes de miel. Des années qui couraient 365 jours par an, avant que les nouvelles technologies nous décervellent et que nos doigts prennent le pouvoir sur nos désirs et nos caresses, nos illusoires nouveaux mondes.

L’imprimante clignote, il n’y a plus d’encre. Plus de papier. Le smartphone est déchargé. Gina me dit : cesse de râler, ne sois pas si rétif, nous avons encore en commun le matelas moelleux. Bon, pour l’orgasme, on en discutera sous la couette, non ?

09 01 2023

AK

6 commentaires sur “Nouveaux jours (à l’avenir, laisse venir)

  1. De temps en temps, je jette l’encre et écris au crayon (autrefois nommé « crayon de papier »), c’est plus facile avec des doigts gourds et un oeil torve que sur un clavier triste malgré la multitude des lettres disponibles (toutes, je crois). J’admire l’abondance de ton cheptel dans le clapier, comment fais tu pour les distinguer entre elles ? Tu n’aurais pas dû prendre la mouche !

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