les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Comme mon Burger n’était plus chaud, vu que le livreur s’était ramassé sur le macadam j’ai mangé des frites faites maison dans ma vieille friteuse (avec du ketchup). Et puis j’ai ouvert une boîte de nourriture pour chats (marque Canaillou) et l’ai dévorée à la petite cuillère. Je me suis couché tôt ce soir-là, car je ne voulais pas être en retard à l’ouverture de huit heures de l’hypermarché. Des promos d’enfer seraient proposées aux premiers clients qui se présenteraient. Cette nuit-là, vers trois heures, j’ai ressenti des ballonnements dans le ventre. Puis ils sont lentement montés dans mes poumons. Je ne souffrais aucunement mais ce charivari dans mon corps devenait inquiétant. Jusqu’au moment où pensant éructer j’ai entendu un drôle de bruit ; j’ai alors compris que j’avais un chat dans la gorge. Un putain de matou qui m’avait poursuivi depuis le fast food où j’avais passé ma commande avec mon Iphone. Tout d’abord, je me suis tu. J’ai réfléchi. Est-il possible que ce sale chat se soit planqué dans mon téléphone et ait suivi la trace de ma commande ? Puis l’idée me traversa qu’il était planqué dans la carte SIM, avec une application Tic Tac Toc qui enregistrait tout de ma vie privée et de mes fringales. Pour l’heure le matou se taisait, je sentais ses poils dans mon gosier qui frissonnaient contre mon larynx sans pousser la chansonnette. Un temps de répit. J’ai par expérience appris que les chats ne mangent pas de frites, sauf quand elles sont bien salées, mais adorent lécher le ketchup (comme les humains se précipitent faire un checkup quand ils se croient malades).
Vous me direz que c’est absurde, bien que ce soit la pure vérité : je me suis rendu dans la salle de bain afin de pratiquer mon diagnostic personnel qui vaut bien celui d’un Diafoirus : brossage de dents, rasage aléatoire (éviter la moustache pimpante), gargarisme sommaire, et par amusement (ou dépit vue ma tronche) devant le miroir embué, je me suis tiré la langue. Eh bien, je n’ai pas reconnu cet appendice. De fait, c’était la langue du chat, râpeuse, d’un rose pâle de socialiste (comme celle du temps où j’aimais bien Jack Lang, ce qui remonte à loin). Visiblement, le minou me narguait, ou se vengeait d’avoir pris sa nourriture. Je réfléchis rapidement, saisis mon sac à provisions et sautais dans le premier tramway qui se rendait en ligne directe à l’hypermarché. Je tenais ma revanche mais la partie n’était pas pour autant gagnée.
Je filais illico vers les rayons d’aliments pour animaux domestiques. Une profusion de produits s’étalait sur une quinzaine de mètres linéaires: à gauche les chiens, à droite les chats. Les cochons d’Inde, les lapins, les canaris et tout le toutime ne prenaient qu’une place marginale. Je sentis ma langue s’humidifier et ma gorge me chatouilla, balayée par le mouvement d’impatience du chat, qui ne voyait que par mes yeux tous ces mets ensachés sur le long rayonnage. Lui les sentait par son subtil odorat, moi subjugué par les couleurs chatoyantes des emballages. Les chats voient en noir et blanc, paraît-il, contrairement à nous qui nous éblouissons dans l’artifice des coloris et des prix promotionnels.
Plus ce remue-ménage balaie mon larynx et ma gorge, plus je le sens monter dans la cervelle de mon porte-monnaie ; une voix me susurre dans un ronron étrange « tu sais bien que je ne sais pas lire alors que toi tu lis ce qu’il est écrit sur les étiquettes, même si ce n’est pas plus gros qu’une crotte de souriceau, alors, dis-moi tout ! ». Je tousse, crachote et éternue sur le premier paquet, du Nestlé (marque Purina-Friskies), puis continue la lecture sur d’autres étiquettes écrites en tout petit -les ingrédients et constituants analytiques- que privilégient les trois industriels qui régissent la nutrition animale en se partageant les croquettes dorées. Il y a tant de choix (bœuf, poulet, saumon, végétarien) pour les chatons, les chats constipés, les mémés, des friandises (pour les mêmes) que le matou finit par me dire : » merci, tu as été bien gentil, pour te remercier, dans une ultime éructation, je vais sortir. Mais ferme les yeux, et ce pour deux raisons : la première sera que mes poils sont encrassés et gluants, vue la vie que je menais dans ton appartement, la seconde, c’est que par la même occasion tes poumons de fumeur vont aller s’oxygéner à l’extérieur de ton corps rond comme un Burger.
Alors qu’une télé en continu vadrouillait dans l’hypermarché pour un reportage concernant l’augmentation des coûts dans l’alimentaire (16%), j’ai senti l’odeur d’un micro que personne ne me tendait. J’avais complètement oublié que j’avais donné ma langue au chat et que ce saligaud non seulement frottait ses hanches poilues contre la journaliste lorsqu’elle baissa son micro pour interviewer le chat. Ce salopard en profita pour raconter pis que pendre sur mon compte, qu’il se moquait bien de l’inflation vu que je lui volais sa gamelle, ne lui laissant que la salaison des frites et le ketchup à lécher.
Une heure plus tard, il passait à la télé. J’en eus les vibrisses toutes retournées , d’autant qu’avec le logiciel Chat GPT ce n’était pas le chat qui parlait, mais moi, avec ma tête de couillon aussi photogénique qu’un cancer du poumon sur un paquet de tabac à rouler.
31 03 2023
AK
il faut, pour surmonter les turpitudes de ces animaux inhumains, danser le cha cha cha, les trois t perdus les renvoient à la place qu’ils n’auraient jamais du quitter : dans une boite de conserve (le chili con chat né, c’est sublime)
J’aimeAimé par 1 personne
C’est pas le tout, va falloir se remuer les fesses !
J’aimeAimé par 1 personne