Josiane, quelle guerre est-elle perdue ?

Josiane était nue sous la couette du lit aucun corps étranger, ne pouvait pénétrer l’entresol qui régit habituellement l’usage du matelas et du cocon duveteux. C’était une règle que ni elle ni lui, Robin, ne pouvaient transgresser. Quand il est venu se coucher, la place était prise par un natif du village d’à-côté qui puait l’alcool et cet art de vivre qui rend les poètes accessibles aux populations qui ne lisent et ne chantent que les imprécations du curé le dimanche, avant midi, quand les burettes montent au ciel pour louer le Paradis des âmes perdues. Quelle était cette bête qui musardait dans le lit nuptial se demanda Robin. Sa journée avait été épuisante et il n’avait rapporté qu’un lièvre de sa chasse. Un lièvre qui souriait malgré les plombs qu’il avait reçus dans les dents (qui font la fortune des dentistes, tant elles repoussent maladroitement). C’était sans importance, on ne mange pas la tête des animaux et leurs pattes sont de parfaits grigris pour nous protéger des affres de la vie. L’entreprenant allongé dans le plumard s’appelait Poutiluche, (ce n’était qu’un pseudo), car il avait des poils à nettoyer une terrasse de mauvaises herbes gigantesques ou à remplir un seau de serpillières nucléaires avec ses moustaches pour se débarrasser des chats qui dormaient sur le canapé. Mais point de chats ce soir-là. Le misérable velu les avait fait fuir.

Robin se résolut à préférer la tendresse du canapé, comme dans le film autant en emporte l’occis sans dent. Et qui eut pu deviner que le poilu y avait installé, derrière le paravent, sa femme, avec son collier connecté qui ornait son cou épais, voire goitreux. Mais l’obscurité efface l’efficacité des lanternes quand l’homme se colle à la peau sauvageonne d’une bête amoureuse mal léchée et combien même dirait-t-on, ce proverbe présidentiel désormais sur toutes les lèvres : « ne m’en parlez-plus, léchez mes promesses et caressez mes fesses. De toute façon, vous l’avez dans le cul. »

Cela faisait bientôt un an et demi que le velu tentait de sauter chaque nuit Josiane dans le lit, avances qu’elle refusait sans cesse, lui disant : « sors d’ici c’est mon lit ! ». Robin, quant à lui, s’allongea sur le canapé, collant son corps contre celui de la poilue, sur le cou de laquelle était gravé à la faucille sur son collier : Babouchka. Dans ces campagnes reculées où sévissent parfois les pénuries alimentaires, la misère sociale et la vodka, (mais jamais le caviar), les nuits sont longues et, par effets collatéraux, les enfants y naissent nombreux. Quand la faim sévit, on envoie les plus âgés creuser les tranchées où l’on louera plus tard le souvenir patriotique, avec quelques formules fleuries, sonnantes et trébuchantes au profit paradisiaque des prêtres couronnés de tiares et d’or.

Cependant, Robin comprit qu’il ne fallait pas se débarrasser du velu avant de l’avoir tondu. Et c’était plus difficile à faire que de renouveler le principe d’Archimède dans un bain de sang ou de sanglots longs, avec ou sans Verlaine. La haine n’étant qu’un cache misère planqué dans un vaste palais regorgeant de mets subtils et de caviar d’extrême orient ( au-delà du fleuve Amour les îles Sakhalines), quand le train s’arrête au dernier fuseau horaire là bas, au fin fond du pays. Peu à peu les langues se délièrent, notamment celles de Robin et de Babouchka. On en vînt à évoquer, outre que la planète était plate (sauf les seins de B.) et que les égyptiens avaient l’électrifié les pyramides, contrairement aux mineurs charbonniers qui se contentaient de lampes à acétylène comme d’une auréole divine, unique étoile qui brillait sur leur tête ne scintillant pas comme celles des généraux qui les portaient aux épaulettes, on en vint à reconsidérer la connerie des uns pour falsifier le contenu des bocaux vides.

Il fallait un temps pour la guerre, songea Robin. Un autre pour satisfaire Babouchka, puis un autre encore pour que Josiane planque un explosif dans sa robe de chambre quand le velu viendrait s’allonger près d’elle ce soir encore. Ce qui n’empêcha pas Poutiluche de survivre à son propre désastre.

13 04 2023

AK

2 commentaires sur “Josiane, quelle guerre est-elle perdue ?

  1. c’est une fausse fable, simplement une histoire habillement revisitée, chapeau bas !
    pour info : il arrive que l’on mange les têtes d’animaux (pour les humains je ne sais pas), celles de singe en particulier, de façon très barbare, le veau, le cochon; personnellement il m’arrive de me payer la tête des gens sans les bouffer, par vice

    Aimé par 1 personne

    • « il arrive que l’on mange les têtes d’animaux (pour les humains je ne sais pas), celles de singe en particulier, de façon très barbare ».
      Je sais cela par mon père, un ancien d’ Indochine. Il y avait aussi le canard de Cholong, pour un autre usage (étant gosse, je ne comprenais pas, Du même acabit (de cheval) la chèvre et le légionnaire comme autre exemple).
       » personnellement il m’arrive de me payer la tête des gens sans les bouffer, par vice ».
      Ah ah, je vous y prends, monsieur Maillard, vous vous payez » la tête des autres « !

      « Le procureur Maillard rentre chez lui tout content d’avoir obtenu la tête d’un accusé. Sa femme, ses amis, Roberte sa maîtresse, épouse du procureur Bertolier, se réjouissent de son succès. Celui-ci d’ailleurs s’écrie : « Dites donc, Maillard, c’est votre troisième tête. Pensez-y bien, mon cher. Votre troisième tête. A trente- sept ans, c’est joli. »
      Mais, coup de théâtre : le condamné à mort s’est échappé et surgit au milieu de la charmante réunion. De plus, il reconnaît en Roberte la femme avec laquelle il a passé la… (Marcel AYMÉ)

      Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :