les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
par Michel Leiris
Cette chose sans nom
d’entre rire et sanglot
qui bouge en nous,
qu’il faut tirer de nous
et qui,
diamant de nos années
après le sommeil de bois mort,
constellera le blanc du papier.
Le bel âge des vacances
L’âge des croisées ouvertes des pores illuminés par le bain
L’âge des cœurs sans lest autre que le sable mouillé à chaque battement de marée sculpté en château-fort
Le bel âge de sable
à chaque seconde illuminé par la marée
allégé par le bain
L’âge des cœurs ouverts
que ne grave ni ne mouille
l’eau-forte d’aucun remords
L’âge du sable répandu
à profusion
par les créneaux du château-fort
L’âge des cœurs
que la mer sculpte grain par grain.
Les hommes
torturés dans leurs corps
et pourris jusque dans leurs mots
dont tant sont aujourd’hui déviés
de leur pôle naturel
Les choses
vidées de leur contenu
et devenues oripeaux
de la puante comédie
où le monde sue sang et eau
Le son singeant le pain
le bois changé en laine
la couleur rouge en vin
alors que le sang blêmit sur les murs des prisons
ou brunit en se mêlant à la boue
La terre prise pour tanière
la lumière obscurcie
la femme faite nuée de larmes
et l’homme mué en pierre
dont chaque jour comme chaque nuit accroissent le silence
Faudra-t-il
ô victimes
être à votre tour bourreaux
pour rendre à leur destin les essences?
Poèmes titrés du site : https://www.poemes.co/
Biographie : Michel Leiris est né le 20 avril 1901 au sein d’une famille bourgeoise cultivée habitant au 41, rue d’Auteuil dans le 16e arrondissement de Paris. Sa famille le pousse contre son gré à faire des études de chimie alors qu’il est attiré par l’art et l’écriture. Il fréquente les milieux artistiques après 1918, notamment les surréalistes jusqu’en 1929. Il se lie d’amitié avec Max Jacob, André Masson, Picasso, etc. Son œuvre a marqué les recherches ethnographiques et ethnologiques.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Leiris

A la croisée du temps rongé
et de l’espace mercenaire
si je suis neige qui tombe
braise qui s’éparpille
mon grief sans visage
ce n’est pas contre vous que je l’articulerai
oh non
Méduses (Michel Leiris)
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