Les bruts de bruts de Pépère

Quand Luc tourna le robinet du lavabo après s’être retroussé les manches il se dit c’est une blague, merde : coupure d’eau, bordel, c’est pas le moment ! Il pesta contre la ville , le service d’eau potable, contre tout ce monde qui l’empêchait de frotter et savonner ses mains pour qu’il puisse enfin se débarrasser du sang coagulé de la femme qu’il venait d’assassiner, avec une certaine difficulté, une heure plus tôt car elle possédait une vingtaine de centimètres de plus que lui, sans talons. C’était une des raisons pour laquelle il avait acheté dans le supermarché près de chez eux (ils étaient mariés depuis deux ans à l’église évangélique de saint Glabour dans le comté de Lola Fridgida, Arkansas) un couteau qui signifiait à la fois leur différence de taille et la finesse du fil de coupe de cet instrument très répandu dans le monde entier. Il était dix heures trente lorsque le crime advint.

Qu’est-ce qu’une lame de vingt centimètres dans le mugissement d’une vague de violence ? Une énigme, comme l’était ce couteau qu’avait planqué Flora entre le matelas et le sommier. Certes, elle aimait Luc et jamais ne lui serait venue l’idée de douter de lui, de son amour pour elle ni de quoi que ce soit que l’on puisse inscrire plus tard dans un casier judiciaire ; non. Flora avait peur du noir, des ombres et des nuits sans lune. Dire qu’elle était folle n’était qu’un des aspects de sa personnalité, Sa jeunesse avait suivi quelque part les fétus d’épineux qui traversent les routes du Saskatchewan.

Luc ne savait rien d’elle, mais cela faisait deux ans qu’ils vivaient ensemble dans le petit appartement mansardé du sixième étage de Mouse street Est. Mais bordel, l’eau ne montait pas par la pompe et il n’y avait pas d’ascenseur dédié à l’eau courante. Un caillebotis séparait la douche de la lunette des WC à la turque. Le seul réconfort était le fait que tout dégringolait vers le bas.

Mes mains sont pleines de son sang, putain, elles puent plus fort qu’une pizza aux anchois, moi qui déteste ça . Je pense à ma mère, songea Luc, elle n’aimait que les nuggets de poulet sauce mexicaine. Elle en est morte, sous les balles de la mafia, il y a vingt ans. Luc, pense à toi, n’écoute pas ta conscience, le mal est fait, le couteau plus loin que ta pensée : Flora est morte ; baisse ses paupières sur ses yeux que tu aimais tant regarder. Ouvre le robinet, Luc, peut-être que la coupure d’eau est terminée. On dirait que c’est la voix de Flora qui en fait la demande, une étrange résonance dans le fil de cette histoire à double tranchant ;

Luc ouvre le robinet. L’eau qui coule est rouge.

05 06 23

AK

À bas le tchat, vive la tchache !

Un dimanche en pure impro !

les faits divers abusifs (nuage de sauterelles dans le petit pays)

Article repris dans le journal (la NRP du 65)et sur le facebook du coin.

Problèmes récurrents sur le petit pays avec les gens du voyage réunis dans la catégorie « évangélistes », qui essaiment sur tous les continents. Prévaricateurs d’une foi d’un côté et malfrats de l’autre poussant les moutons grégaires à les suivre …dans l’absolu dénuement financier et d’une pensée critique personnelle. Comme toujours, c’est la faute aux autres. Mais les autres font de sorte d’améliorer chaque année les lieux réservés, mis aux normes et entretenus par les municipalités, donc les habitants ; les nomades et les espaces réservés sont respectés et en général, tout se passe bien. Alors, merde!

Article :

« Article NR pyrenees 02/06/2023

Occupation du stade à Ossun (commune proche de Tarbes) par les gens du voyage: le tournoi des enfants annulé, le maire excédé annonce sa démission .

Les gens du voyage ont déplacé les plots en béton destinés à bloquer l’accès au stade

Contraints d’annuler le traditionnel tournoi de rugby au profit des enfants en situation de handicap « Rugby-Partage », après l’occupation illégale du stade d’Ossun par les gens du voyage ce vendredi 2 juin, les organisateurs crient leur déception quand le maire de la commune, exaspéré, annonce sa démission.

 » Je suis à bout. Je démissionne. » .

Entre tristesse, colère, et fatigue, le maire d’Ossun Francis Bordenave jette l’éponge.

Tôt ce matin, il a été réveillé par un coup de fil qui l’a assommé.  » On m’a annoncé qu’une cinquantaine de caravanes étaient installées sur les infrastructures sportives dans la nuit. » Problème: la commune était censée recevoir, ce samedi, le tournoi sportif et associatif au profit des enfants en situation de handicap « Rugby-Partage », un événement organisé depuis 1990 dans le département et qui devait réunir plus de 600 enfants issus d’écoles de rugby et d’Adapei de plusieurs départements.

Le maire a immédiatement contacté la préfecture des Hautes-Pyrénées avant de se rendre sur place, où des infrastructures gonflables et des chapiteaux ont été installés la veille par des bénévoles et des employés municipaux pour l’événement.  » Je suis allé au contact des gens du voyage pour leur expliquer qu’ils ne pouvaient pas rester, et leur ai expliqué pourquoi. Mais je n’ai pas été entendu », déplore l’édile.

Au même moment à Tarbes, un convoi composé d’environ 140 caravanes a bloqué l’accès de l’échangeur de l’autoroute A64 à Ibos. Blocus qui a engendré plusieurs kilomètres de bouchons sur les axes routiers tarbais.  » Les gens du voyage ont exigé l’autorisation de la préfecture pour s’installer sur notre stade. Et ils ont eu gain de cause. »

En fin de matinée, près de 200 caravanes ont été stationnées sur les terrains de foot qui jouxtent le stade de rugby municipal. Le maire et les organisateurs du tournoi ont dû prendre une lourde décision.

Le tournoi annulé .

 » On est douché. » La voix tremblante, le président de l’association Rugby-Partage, Serge Larré, annonce que le tournoi pour les enfants n’aura pas lieu.  » C’est une immense déception après tout le travail fournit depuis des mois par la centaine de bénévoles qui œuvrent au sein de l’association comme les médecins, kinés , infirmières… qui se mobilisent pour que les enfants puissent assister à cette journée qui leur est dédiée. Mais je suis surtout triste pour les enfants qui se faisaient une joie de partager ce moment avec nous. »

Sans compter les pertes financières pour l’association qui, en sus des frais d’organisation habituels, a engagé des magiciens et comédiens pour la journée.  » Trois spectacles étaient prévus samedi. Heureusement les artistes ont compris notre désarroi. Les sponsors de l’événement également. Mais le bilan sera de toute façon au rouge. »

Si Serge Larré dit en vouloir aux gens du voyage, il s’inquiète surtout pour son ami Francis Bordenave, maire d’Ossun.  » Jamais je ne l’ai vu dans un tel état. À l’origine, nous devions organiser Rugby-Partage à Louey, mais le terrain a été saccagé par une occupation des gens du voyage il y a quelques semaines. Francis m’a alors proposé Ossun, et a tout mis en œuvre pour que les infrastructures soient prêtes. Ce matin, lorsque nous avons dû démonter les chapiteaux, j’ai vu son désarroi. Je le soutiens, parce qu’il le mérite. » L’édile de son côté se dit découragé et abandonné par les services de l’Etat.

La limite du supportable

 » Nous avons des stades que l’on entretient toute l’année, et on ne peut pas s’en servir. Nous avons investi 12 000 euros pour installer des plots en bétons qui n’ont servi à rien. Je sais que je ne suis pas le seul maire de l’agglomération tarbaise concerné, mais on arrive à la limite de ce que l’on peut supporter. »

Cette colère, Francis Bordenave l’a clairement exprimée ce matin auprès des services de la préfecture, qui ont expliqué avoir dû traiter le problème en urgence.  » Face au blocage, nous n’avions pas d’autre choix que de trouver une solution afin d’éviter un trouble majeur à l’ordre public. Bien sûr nous comprenons la colère des élus et des collectivités. Mais il fallait prendre une décision. »

Habituellement très mesuré, Jean-Paul Gerbet, président de la Commission « gens du voyage » pour la communauté d’agglomération Tarbes-Lourdes- Pyrénées, se dit très agacé.  » Ces gens du voyage sont issus d’une mission évangéliste qui a réservé l’aire de grand passage depuis le mois de février. Ils étaient annoncés pour dimanche, et avaient indiqué qu’il y aurait 80 caravanes, ce n’est pas acceptable. J’ai une pensée émue pour l’organisateur de Rugby-Partage et pour le maire d’Ossun. »

Interrogés, les gens du voyage ont déclaré s’être installés à Ossun car l’agglomération tarbaise n’est pas en conformité avec la loi qui encadre leur accueil selon eux.  » Ils doivent nous proposer des terrains de 4 hectares, là il n’en faisait que 2. » Et Jean-Paul Gerbet de rétorquer:  » Nous sommes en conformité avec le schéma départemental d’accueil des gens du voyage. L’aire de grand passage fait 4 hectares, mais n’est pas dimensionnée pour accueillir 200 caravanes. »

Le maire d’Ossun conclut résigné: » il faut arrêter les frais. On donne 1 million d’euros chaque année pour l’entretien des aires d’accueil et de grand passage. Ça ne sert à rien puisqu’ils n’y vont pas. »

Benoit MournetMarc BegorrePréfet des Hautes-Pyrénées

j’ai retiré mon tablier de cuisine (menteur!)

Bon, c’est vrai. J’ai retiré mon tablier de cuisine quand en sortant le plat du four j’ai découvert une momie réduite à un carré d’agneau avec quelques os qui surgissaient de sa masse carbonisée. J’admets devant dieu (que j’avais invité pour amuser mes ami(e)s) qu’entre-temps je suis parti faire la sieste en oubliant d’éteindre le four, le temps de la cuisson sous thermostat climatique .

Il faut reconnaître que la Cuisine est un art. Surtout quand on regarde la télévision et son concours ( Top Chef sur M6), qui mène des professionnels à vous faire saliver devant l’écran, y compris quand des encore plus grands chefs plongent leur fourchette dans leur bouche, en établissent les touches parfumées, les mélanges subtils et le dressage (eux qui ont connu les âpres savanes des plaques au gaz et des humiliations de leurs patrons d’alors). Bref, les pupilles clignotent dans le palais de ceux qui regardent, nourris d’images et de mirages gustatifs. On salive dans la bouche d’un maître cuisinier qui s’en met plein les papilles par procuration et porte un jugement sur le mets proposé. On admet la technique et l’audace, la multitude d’outils mis à disposition des concurrents, le foisonnement des ingrédients présents dans les présentoirs et les frigos. En un mot, le spectateur se régale de cette magnificence. Bien entendu, entre deux pauses publicitaires, il (le spectateur) peut jouer et remporter de quoi nourrir sa petite famille en répondant à une question plus simple que celle que se poserait une amibe. Il suffit de cliquer. Pour reproduire l’amibe.

Sauf que ce soir j’ai retiré mon tablier de cuisine quand en sortant le plat du four. Henriette m’a dit : « mais tu fais ça devant ta mère ? »

Effectivement, j’étais cul nu sous mon tablier, moins épais certes que celui d’un sapeur. J’ai dit à Henriette « retourne t’allonger dans le caveau familial, oublie ma tenue, demain dans l’urne à mon tour je brûlerai mes braies dans la braise, ainsi que tu le fis, petite mère ! »

À cet instant une main saisit mon épaule gauche. Elle était raide, cliquetante, osseuse, mais je sentis qu’elle ne me laisserait pas la possibilité de me lâcher. Je me retournai : dieu me fit face. « Alors, mon cuistot, je croyais que j’étais invité pour amuser tes ami(e)s, non ? »

Dans un premier temps, je fus pétrifié de terreur, puis, reprenant mon souffle, je lui répondis : « la soirée a été annulée. En fait, il y a ce soir une soirée salsa chez le Démon, splendide et très dansante (comme disent les vieux zombies) »

Un temps passa, ainsi que quelques anges. Dieu me regardait, dubitatif. Je déchiffrais quelques minutes sa physionomie : une barbe de hipster, des cheveux longs et collants par manque d’hygiène (il me dit plus tard que les toilettes du Paradis étaient bouchées, et que la pluie qui tombait sur la terre…). Notre échange dura un bon quart d’heure lorsque dieu se mit soudainement en colère et frappa d’un éclair tous les branchements électriques du village. La panne fut heureusement réglée lors de la retransmission de l’annonce télévisuelle des deux finalistes en lice.

Je compris la colère de dieu quand je lui annonçais que j’allais remettre mon tablier bleu pour suivre en replay à la télé comment cuisiner une momie bien fagotée et admirablement embaumée par d’excellents cuisiniers.

02 06 2023

AK

Va te faire voir chez les grecs, Pépère !

Je ne sais par quelle magie mon esprit s’est lancé dans la construction d’un labyrinthe dans mon cerveau. Sans doute y avait-il en moi trop d’échappatoires aisément franchissables, d’idées tordues et de trous de mémoire qui rendaient impossibles le maintien de mes synapses dans ma boîte crânienne, je ne sais.

Maintenant, une seule chose est sûre : je suis coincé, semblable à un Minotaure absurde condamné à dévorer ses souvenirs, à ronger jusqu’à l’os tout nouvel ami, un Thésée à qui je lancerais un vulgaire taisez-vous (car il me restera deux ou trois jeux de mots) et à faire fuir les Ariane dès que le fil de la discussion sera rompu par mon radotage malvenu, voire prétentieux (« vous avez un joli Minos, par exemple »).

Et puis merde, comme dirait l’autre : « timeo danaos et dona ferentes ». Mon labyrinthe est mon royaume, et j’en suis l’unique bâtisseur, n’en déplaise aux aigris qui pleurent et mendient un cheval (Richard III à Vincennes) pour gagner la cinquième course sur laquelle a parié son vieux copain anglais William, qui va devoir manger des fish and chips si Richard perd. Je ne sais par quelle magie mon esprit soudain trouve sur l’échiquier un canasson qui bondit au-dessus des haies végétales de mon imaginaire, mené par des synapses qui font office de lignes 5G plus rapides, magnifique chevauchée, laissant sur place les casaques cosaques des autres concurrents et Richard III franchit la ligne en vainqueur, battant sur le fil Thésée , casaque rose et brune, son principal adversaire. Belle victoire en effet, mais qui a déchiré quelques correspondances dans le circuit de mon cerveau. Heureusement, Ariane me rejoint avec son fil à coudre et remet en route les circuits intégrés. Je lui dis, entre autre, qu’elle a un joli Minois, ce qui la fait sourire. Elle répond : je vous voyais mal en Minotaure, mais plutôt, quand je vois vos cheveux peignés en crête, pour un coq gaulois. Je ne peux qu’acquiescer.

Plus tard, nous nous lançâmes, Ariane et moi, dans la création de labyrinthes dessinés et taillés dans les champs de maïs, un peu partout dans l’Hexagone. Mais les grecs complotaient une stratégie qui ruinerait nos efforts, avec l’aide du cheval de Richard, comme le dit Laocoon le troyen (« celui qui comprend le peuple ») en son temps.

La prochaine fois, je ferai de la magie noire avec mon cerveau de poulet !

AK

(brut de brut!)

28 05 2023

Lavoirs et lignes d’eau (de vie)

Pour endiguer le flux de mes mots

Il faudrait tarir la source

Mais les larmes seront nues

Et nourricières en temps voulu

Quand les champs se dénudent

En des saisons de paroles sans actes

Il nous faudra baigner nos espoirs

Dans les bassines sèches des discours

Nos pleurs, le chant des lavandières,

Le ruisseau des commentaires

Sur l’ardoise épaisse des lavoirs

En silence alors tourneront les machines

Où se ruent tant de gens, nettoyage à sec

Argent des courses et passage aux caisses

Pour quelques euros de plus la lessive.

L’image est partie dans le ruisseau

L’enfance avec son bateau de papier

Pas un pécheur ne se souviendra

De ces mots, des écrevisses

Ni des sangsues dans la rivière

Qu’à bras nus les gamins saisissaient.

——-

Dessine sur ma main droite les lignes de ma vie

À l’aide d’un coutelas mène-les où tu voudras

Entre tes mains elles créeront mon repos

Maintiens bien l’outil car il tranche et dévie

Seul le sang garantit le parcours et les nuits

Quand mes doigts tremblaient devant elle

De ne pouvoir saisir l’aventure des lignes

Maintenant l’ennui a rejoint la rivière

Les nuits se sont taries, les courants d’air

Ont remplacé les pluies, la nudité l’engeance.

Dessine sur ma main droite le plus court des chemins

Je suis pressé, ma vie est déjà loin, elle m’aperçoit,

Elle ne dit rien mais ses gestes sont éloquents

Elle brandit deux mains adroites

Devant moi et je lui souris.

18 et 19 052023

AK

La vraie vie de Bernadette (Soubirou). (racontée à Charlène)

Si l’ennui est la mère de tous les vices, prends ton temps pour revenir à la maison, mon tournevis est las et mes mains engourdies. Le monde est si petit qu’un seul tour suffit à l’enserrer entre les doigts de l’oppression. Et Charlène riait, elle qui n’avait vu aucun homme lui sourire sauf peut-être Juan, qui coupait le raisin en automne et couchait avec des ourses étoilées en hiver, quand le froid cisaillait ses mains de vigneron que seule la paille réchauffait de son matelas dans l’étable où dormaient vaches et taureaux.

Charlène aimait les contes printaniers et les champs de colza qui inondaient sa chevelure aux reflets bleutés sous le soleil de l’aube.

Juan avait grandi dans l’Alentejo, sous les arbres éloquents qui laissent à l’ombre leur part de sécheresses et de prairies, quand la pluie cesse de tomber durant les mois d’été.

Mais la pluie avait migré vers le nord, très loin de son enfance d’alors. Il ne rencontra d’ourses que dans les hauteurs pyrénéennes, C’est ainsi qu’il trouva refuge dans une grotte dans laquelle s’abritait une bergère quand l’orage survenait, que les moutons faisaient un étrange cercle, serrés les uns contre les autres, la tête courbée vers le sol. Elle s’appelait Bernadette. Encore pubère, car l’âge est long à rendre les jeunes filles femmes, elle ne sentit pas immédiatement la texture de l’intrus, et à peine son odeur. L’eau ne bénissait pas encore les fourrures de ceux qui les portaient. Tout restait du domaine sensitif et olfactif, lui sentait l’ourse mais son étoile zodiacale respirait les grands espaces de l’Alentejo quand Bernadette sentait l’inégalable parfum de la jeunesse.

Ainsi finirent-ils par s’unir dans la grotte par une nuit d’orage intense. La foudre sourdait ses coups et la mignonne enfin connaîtrait l’extase. Alors qu’embrasés dans leurs rapports amoureux soudain s’alluma une lumière blanche d’une intensité semblable à celle de l’éclair. Apparut une femme, blanche, vêtue d’une longue robe translucide, portant un chemisier bleu, un voile qui masquait sa chevelure brune sans néanmoins l’obérer. Que venait-elle faire dans ces ébats amoureux ? Mettre un peu de modernité, ou simplement s’offrir à la sainte Trinité ? C’était un mystère.

« Je m’appelle Marie et il fait froid dans ce pays. Je cherche une pelisse plus adéquate pour me réchauffer et l’odeur des vôtres m’a attirée. Puis-je goûter de ce réconfort avec vous ? »

Bernadette soupira. « Bon, dit-elle, il n’y a pas de verrou dans l’amour. Juan récupère un peu de son souffle andalou, plus poétique dans ses gestes que l’Alentejo paisible, si proche et si lointain, et venez, Marie, coller votre corps blanc comme neige, il saura vous faire fondre sous sa pelisse et ses caresses. Quand on n’a que l’amour, faut bien le partager !  Je vais traire mes brebis en attendant, l’aube pointe ! »

Charlène ouvrit les yeux. Le matin avait déposé sa rosée en toute discrétion et les merles s’entretenaient en pépiant gaiement dans les arbres. Des bourgeons naissaient dans les branches encore nues de la nature. Quelques ourses donnaient naissance à de nouveaux tambourineurs de casseroles spatiales, les agneaux non encore découpés pour Pâques suçotaient les mamelles des brebis. Charlène ouvrit les yeux, sursauta en voyant que je n’étais pas rasé, malgré les tonnes de mousse qu’elle avait investi en achats prévisionnels dans le rayon spécialisé du supermarché. Pourtant, aucun commentaire ne remonta à ses lèvres, dont je devinais le fin duvet bleuté naître sur le haut de la fente buccale. Encore endormie malgré ses yeux ouverts, je me souvins de ma mère, de ses sévices, de l’ennui qui régnait en maître à la maison.

Mais je laissais Charlène finir sa nuit avant de l’égorger, comme le veut la tradition.

18 05 2023

AK

Ce peau-aime sera-t-il validé par Bercy? (mais merci quand même)

Rue des seins sans sexe

Rue des sexes sans seins

Court le voyageur

Et regarde la nuit

Sexe planté dans

Une serrure à dents

Libidineuse ouverture

Vers l’amour à Touteure

Il se marre il est gris

Les yeux bleus

Dans un ciel de lit

Elle est grise

Les yeux bleus

Dans un boulot, salit

Son corps

Et son temps

Il débraguette

Son vieux futal

Et bande avec peine

Envie d’aimer amère

Il débraguette

Son pays sans conquêtes

Elle s’endort

Son temps, son corps,

Modicité des prix

Concurrence des lits

Court le voyageur

Et tente le bonheur

Sexe planté dans

Une serrure à dents

Libido, ivresse dans le dos

Vers l’amour à Touteure

Il se fend il est gras

Les yeux las

Dans un ciel de mardi

Elle lui brise

Les rotules et le dos

Son corps et son temps

Il débraguette

Son vieux paletot

Se bidonne avec joie

Envie de fille, de mère

Il débraguette

Son costaud

Elle l’adore

Son corps, son temps

Suspend ses lèvres

À son instant,

L’attend.

Rue des seins sans sexe

Rue des sexes sans seins

Court le voyageur

Et regarde la nuit

Sexe planté dans

Une serrure à dents

Livides courbatures

Vers l’amour à Touteure

Il s’étend sur le drap

Les yeux cernés

Par d’intenses orgelets

Dans un ciel de mercis

Elle lui frise

Les couilles, le bide,

C’est son boulot

De Madone

Son corps et son temps

Il débraguette

Son vieux caleçon

Lui pousse la chanson

Envie de jouir

Érection elle : succion

Son corps son temps

Elle le passe en passes

Mais sans amour

Rue des sexes sans saints

Rue des saintes sans sexe

Tout ce qui compte

Pour que poussent ses ailes

C’est le pognon.

(écrit vers 1988 vues les taches d’humidité-eau- sur le cahier?)

AK

Les fonds de tiroirs : CNED 1988 n°2 (et fin)

CNED devoir 5 (1988)

Sujet : compte-rendu de la réunion du 17 septembre 1997 en la mairie de Champlieu-Allaronde (Auvergne)

La réunion avait pour but le rachat par la commune de Champlieu-Allaronde de cent hectares de terrain boisé à des propriétaires demeurant sur la commune et en d’autres communes du département, voire de la région.

De telle sorte il a été envisagé et déterminé une réunion d’enquête et d’information sur les buts que la commune se fixait après l’achat de ces territoires ainsi que sur les modalités d’acquisition y afférent.

La réunion s’est tenue sous la présidence de monsieur A. Vialatte, maire de Champlieu-Allaronde (Auvergne) en sa mairie.Étaient présents :

Monsieur A. Lupin, délégué régional aux herbes folles (« des lupins bleus s’élevaient en colonettes minces » E. Zola) et à la cuniculiculture spécialisée dans les lapins bleus (production régionale).

Madame Lutin Josette, experte en esprits des bois et des lisières (elfes, farfadets, djinns et fizz boards).

Monsieur Lemaire, député sortant de la Corrèze, ingénieur en génie civil.

Monsieur Député, maire de Marcellaymé, représentant la DDA ;

Douze conseillers municipaux dont la liste est jointe au présent document.

Trois propriétaires nus et deux usufruitiers légataires universels (cf pièces annexes).

Monsieur le maire a ouvert la séance en posant la question suivante : « que devient l’homme ? », question sur laquelle il s’est longuement penché, sans ambages et sans hypocrisie. Monsieur Lemaire, visiblement ému par la diatribe de son sous-alter ego s’est écrié : « l’homme fait des ponts le 1er novembre et des armistices le 11 ». Après l’intervention des personnes présentes, dont chacune a eu un mot à dire et un autre à taire, le sujet principal de cette réunion a été abordé.

Le rachat par la commune de Champlieu-Allaronde de cent hectares de terrains boisés servira dans un premier temps à dégager la vue (émondation) sur la commune voisine, bâtie à flanc de coteau. Dans un deuxième temps, après que se soit opérée la vente des essences nombreuses et recherchées en menuiserie, charpente, mâts de misaine et de cocagne, bois de chauffe, est projetée la création d’un centre mondial de récupération des peaux de lapins et de leur traitement par le lupin bleu, abondant ainsi que chacun sait, dans la région. Ce projet dégagera cent vingt emplois chez les autochtones et plusieurs générations chez les lapins.

Monsieur Député, maire de Marcellaymé, s’oppose au projet. Il argue du fait que le poil des lapins et celui des chats perchés ont le même reflet bleuté et que la confusion, ainsi que la contrebande, risquent de créer un préjudice moral et financier tant sur la région (qu’il représente au sein de la DDA) que sur le département (qu’il représente à temps perdu).

Madame Lutin, quant à elle, approuve le projet. Son argumentation est simple : les korrigans en ont assez qu’on les prennent pour des hooligans. Ils veulent être des myrmidons à part entière. Leur devise n’est-elle pas : « nous ne voyons plus nos femmes cachées dans la forêt » ? Madame Lutin, à ce propos, rappelle que leur ancienne devise était « on se tait, les faunes, et on se se fait une petite Dryade ». À ce propos, les nus-propriétaires regimbent. Il appert qu’en détruisant ces bois on les saigne à blanc. Le fantôme de Lapallice (Allier) revient dans toutes les mémoires. « L’anecdote mérite-telle d’être contée ? »interrompt monsieur Lambert, usufruitier (il défend en l’occurrence sa mère, nue et propriétaire en état de cartésianisme avancé).

Le débat tourne court à 22h15 minutes et 22 secondes. Dans le silence pesant comme une bille de bois des accords tacites se développent. Monsieur Vialatte a cette phrase : « c’est un tunnel sous l’amer. » Chacun comprend qu’il prêche pour son clocher (et que son épouse s’appelle Albion).

Le rachat des terrains se fera au prorata des essences existantes sur chacun des lots requis (cf pièces jointes). Les douze conseillers municipaux hochent la tête en signe d’approbation. Les trois nu-propriétaires maugréent et les deux usufruitiers prennent mentalement rendez-vous avec leur notaire.

Monsieur Député, représentant la DDA,objecte, dans le but visible de réveiller l’assemblée que, si à titre personnel il désapprouve le projet (son entreprise de récupération-vente de feuilles mortes au kilo en souffrira certainement), ce n’est pas uniquement sur l’exploitation du lapin par le lupin bleu, mais également par le désarroi des peaussiers qu’une telle entreprise lui apparaît n’être guère viable, à terme. « Mieux vaut vitupérer les phoques » conclut-il en citant Aragon.

Monsieur Vialatte clôt la séance par un dithyrambe sur l’ours, dont la polarité éclate sous les plus extrêmes latitudes. Après maints applaudissements, la séance est levée à 23h45.

Finalement, il a été décidé que les modalités de rachat seraient les suivantes :

Achat sur pied des arbres au cours maximum pratiqué selon les essences et les diamètres des fûts ;

La nomination d’un expert affilié à l’ONF choisi pour ses capacités et sa conscience objective. Celui-ci aura pour tâche de répertorier le nombre total de fûts et le prix global dû à chacun des propriétaires présents ou représentés. Il pourra, pour ce faire, requérir l’assistanat d’un spécialiste de l’entreprise Delphine et Marinette, entreprise forestière intéressée par l’exploitation desdits terrains boisés.

Le projet d’usine sera proposé par appel d’offre ouvert à un cabinet d’architectes agréé choisi pour ses critères de compétence et de sa situation géographique. L’étude globale du projet sera confiée au cabinet Shakespeare de Toul, géomètres experts groupés en SCI.

La partie technique d’exploitation et de fonctionnement de la future usine est confiée à monsieur A, Lupin par 13 voix contre 6. Le financement du projet sera mis en délibéré lors du prochain conseil municipal et sera confirmée lors d’une réunion ultérieure par courrier aux principaux intéressés. Cette réunion aura pour but de coordonner,informer, discuter et mettre en œuvre les dispositifs nécessaires à la réalisation du projet.

Là dessus, monsieur Vialatte, maire de Champlieu-Allaronde éteint les lumières et ferme les portes avec précaution pour ne pas réveiller sa femme Albion. (rajout 10 mai 2023)

Commentaire de la correctrice : « faites-vous plaisir…mais les jurys, s’ils ont de la conscience,n’ont pas toujours l’âme astucieuse »

15/20, pas mal quand même pour un tel délire !

AK

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