Le Chat et le Renard, comme beaux petits saints,
S’en allaient en pèlerinage.
C’étaient deux vrais Tartufes, deux Archipatelins,
Deux francs Patte-pelus qui des frais du voyage,
Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage,
S’indemnisaient à qui mieux mieux.
Le chemin était long, et partant ennuyeux,
Pour l’accourcir ils disputèrent.
La dispute est d’un grand secours ;
Sans elle on dormirait toujours.
Nos pèlerins s’égosillèrent.
Ayant bien disputé, l’on parla du prochain.
Le Renard au Chat dit enfin :
« Tu prétends être fort habile ;
En sais-tu tant que moi ? J’ai cent ruses au sac.
– Non, dit l’autre : je n’ai qu’un tour dans mon bissac,
Mais je soutiens qu’il en vaut mille. »
Eux de recommencer la dispute à l’envi.
Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi,
Une meute apaisa la noise.
Le Chat dit au Renard : « Fouille en ton sac, ami ;
Cherche en ta cervelle matoise
Un stratagème sûr : pour moi, voici le mien. »
À ces mots, sur un arbre il grimpa bel et bien.
L’autre fit cent tours inutiles,
Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut
Tous les confrères de Brifaut.
Partout il tenta des asiles,
Et ce fut partout sans succès ;
La fumée y pourvut, ainsi que les bassets.
Au sortir d’un terrier deux chiens aux pieds agiles
L’étranglèrent du premier bond.
Le trop d’expédients peut gâter une affaire :
On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon.
Du palais d’un jeune Lapin
Dame Belette, un beau matin,
S’empara : c’est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour,
Parmi le thym et la rosée.
Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Jeannot Lapin retourne aux souterrains séjours.
La Belette avait mis le nez à la fenêtre.
« Ô Dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraître ?
Dit l’animal chassé du paternel logis.
Holà ! madame la Belette,
Que l’on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays. »
La dame au nez pointu répondit que la terre
Était au premier occupant.
C’était un beau sujet de guerre,
Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant !
« Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l’octroi
À Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi. »
Jean Lapin allégua la coutume et l’usage.
« Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ?
– Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. »
C’était un Chat vivant comme un dévot ermite,
Un Chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean Lapin pour juge l’agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant Sa Majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : « Mes enfants, approchez,
Approchez, je suis sourd, les ans en sont la cause. »
L’un et l’autre approcha, ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu’à portée il vit les contestants,
Grippeminaud, le bon apôtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux rois.

Il y a très longtemps, j’étais un jeune chiot. Aujourd’hui je suis devenu un vieux chien. Je dois admettre que mon nom de famille a escorté ma vie entière dans ce sens : je m’appelle Ivan Klébard. Bien sûr, ça vous amuse ; Ivan Lechat vous serait moins risible, mais mon numéro de sécurité sociale et ma carte d’identité l’attestent, alors j’ai dû faire avec. J’étais encore enfant quand, fuyant la surveillance de mes parents, je me suis baladé dans les rues du faubourg. J’avais douze ans. Lorsque soudain, le temps s’est arrêté. C’est alors que je me suis rendu compte que j’avais mis mes pieds sur son ombre. Le temps n’avançait plus. Et dans ma frayeur enfantine je me mis à courir vers l’adolescence, piétinant à la fois l’ombre et son maître vagabond, qui est censé marcher des milliers de marathons dans l’espace des hommes, sans jamais reculer, sans jamais apercevoir la ligne finale dont tout le monde des humains connaît le prix de la récompense qui lui sera offert. Je pénétrais dans un immeuble, montant jusqu’au dernier étage. Immature encore, je m’endormis sur un paillasson donnant accès à la terrasse avec vue sur la ville, en chien de fusil, caché sans gâchette en pleines lumières solaires et stellaires. Avant que le temps ne reprenne sa marche et ne recousit son ombre passèrent quelques longs mois et sans doute de saisons , jusqu’à ce printemps là, qui me vit éclore d’une nouvelle nature. J’étais devenu un chien fou, un de ces animaux qui flairent l’amour, la passion, la jeunesse que rien n’empêchait d’exister, tant le sentiment d’avoir tué le temps pour le remplacer par l’immédiateté des instants sulfureux et sensuels était devenu une réalité presque éternelle.
Je n’étais plus le toutou à sa maman ni l’esclave de la laisse censée promener pépère, j’étais libre de pouvoir pisser sur le temps qui passe, sur les réverbères et les connaissances impatientes de ceux qui sont derrière les buissons, les pissotières d’hier et les urinoirs de Decaux sans rien débourser.
Arrivé à la trentaine (selon les calendriers de la Poste), je connus une jeune femme qui avait certes du chien, mais -par extraordinaire- s’appelait Maryse Lechat. Nous nous mariâmes à proximité d’Asnières près du pont de Clichy, par respect pour nos ancêtres. Pour baptiser notre enfant, une fille, nous donnâmes à l’état civil le prénom de Collierette et pour nom de famille Lechat-Klébard. Ça faisait très station de métro, mais les bouches de métro ne parfument pas les baisers des époux de miasmes pestilentiels quand ils s’unissent devant le curé qui en a ras les burettes d’unir les phéromones des autres, quand les siens se veulent consacrés à la cause divine.
Collierette Lechat-Klébard suivit les meilleures écoles de la métropole, et apprit très vite à ronger les mollets et les os de ses voisins de l’amphithéâtre et d’ainsi trouver sa place dans le gotha désuet du temps qui passe en années estudiantines surnuméraires quant à former un être qui sera de toute manière déjà dépassé dans ses connaissances par la génération suivante et leurs nouveaux outils. En cela, elle avait mon côté paternel : elle pratiquait a mezza voce l’IA : l’Indifférence Anarchique. Pour payer ses études elle trouva un petit boulot de pigiste dans un journal local, où elle fut affectée à la rubrique des « chiens écrasés ». Sa mère était ravie qu’elle collaborât dans cet espace dédié à la cause familiale mémorielle.
Nous, en tant que parents, étions attentifs à l’évolution de ses connaissances, sans toutefois manquer à nos obligations. Un soir, par exemple, elle entra dans la maison sans se déchausser, et mît ses chaussures à talons aiguilles sur le tapis. Grands dieux ! C’était le tapis d’ombre du temps que tout-à-coup elle foulait et nous, parents, fûmes pétrifiés de voir que notre fille ne progresserait pas si elle restait ainsi, immobile, tétanisée, sur ce tapis magique. La vengeance du temps se présentait dans tout son apparat. Par un geste incroyable, mon épouse lui lança un smartphone Xième génération que Collierette attrapa au vol. Ses doigts volages lui permirent illico de se remettre en route et c’est ainsi qu’elle put écraser le temps en lui marchant dessus tout en piquant ses fesses.
Hélas, ce que nous ne savions pas, c’est que le temps est multiple, il danse la valse, il court plus vite que l’athlète sur la piste du stade olympique, il est toujours à l’heure pour honorer un rendez-vous, c’est là d’ailleurs que je l’ai connu plus tard, en tant que vieux chien. Quant à mon épouse née Lechat, elle l’a suivi par une nuit profonde, l’admirant et l’aimant sur le reflet des gouttières en zinc, quand la lune est pleine.
Quant à Collierette, je ne devrais pas le dire, elle tapine chaque nuit devant le métro Lechat-Klébard, alors si vous passez par là, dites-lui que ses parents l’aiment…immuablement. Peut-être vous fera-t-elle un prix, si le temps passe à proximité.
15 04 2024
AK

(les chats aussi)
J’ai du habiter dans un autre monde pour ne plus voir en celui-ci que les pas de ma désillusion, les flaques qui ne reflètent plus les étoiles après l’averse, quand le ciel se dégage de sa tristesse, des mollets et du cul de celle qui dormait encore avec moi dans les buissons, malgré le couvre-feu. Comment ne pas transgresser l’harmonie du plaisir quand bouillonne dans la nuit une marmite autoritaire ?
Je suis vivant.
J’ai conscience que cela reste indépendant de ma volonté et que nombre silhouettes noires dansent autour de mon tombeau (que mes proches creusent en buvant des chopines de Jupiler). La vie la mort, je m’en fous, j’ai embrassé tant de baisers qu’à la dernière heure les lèvres exquises de l’abandon me pendront à l’heure exacte du bonheur d’en finir. Je fermerai les yeux, tes lèvres pétries d’éternité, mes doigts gourds balayant ton ventre chaud, poussés par le vent de noroît, en un dernier mouvement ; ô vous femmes, un ultime baiser que le vagabond sur votre blessure intime ne peut cautériser de son poignard brûlant, criminel aguerri de ce monde d’avant. Quel sera le prochain, y en aura-t-il un ?
Pourtant, c’est curieux, en cette aube qui s’ouvre, une impression un peu bizarre, j’ai ce sentiment de voir la nuit s’effilocher dans cet épais brouillard qui enrobe encore les bois et les collines. Est-ce ton rire, la couette tiède ou les chats qui réclament leur pitance ?
Je suis vivant.
J’ai conscience que cela reste indépendant de ma volonté et ce ne sont pas les flocons de neige qui rendent silencieux mon souffle noirci de tabac blond. J’écoute simplement ma nudité se déshabiller dans le néant des jours à venir, et je ris de mes mauvaises dents d’avoir jusqu’ici su trahir la mort. Le temps m’est compté mais les silhouettes noires des corbeaux ont pour le moment déserté le trou que mes proches creusent en buvant des chopines de Jupiler. Ils volent au-dessus des champs de bataille, croassent et se nourrissent de cadavres d’hommes de femmes et d’enfants, alors que moi, seul dans mon autre monde, je sens encore la chair tiède de tes seins sur ma peau mal rasée, sans comprendre ce que fait dans ma main ce couteau de cuisine brûlant. Mais qu’importe…
Je suis vivant.
03 01 2021
AK
Je suis vraiment ingénu ! Après avoir lu ce titre de La Dépêche du Midi :
« Des Dominicaines se prostituaient dans des appartements toulousains : des notables du Gers mis en examen », et comme j’habite à proximité de Lourdes, j’ai de suite pensé qu’il s’agissait de bonnes sœurs…Du coup, je me suis mis à fantasmer d’autant que demain c’est Pâques et que je vis comme un Jésus se nourrissant essentiellement de jésuites (et au mois d’août de religieuses), une pâtisserie qui croque sous la dent avec sa crème onctueuse dont on se pourlèche les lèvres. Alors pensez, monter au septième ciel avec une sœur de l’ordre des Dominicains
(rappel : L’ordre dominicain est un ordre religieux fondé par saint Dominique il y a huit cents ans. Les religieux de cet ordre sont reconnaissables à leur robe blanche et à leur manteau noir. Ils sont voués à annoncer le Christ par la parole et par l’étude, avec joie, avec compétence et par tous les moyens imaginables). Alors, leurs compagnes doivent avoir pas mal de choses à m’enseigner, question amour de Dieu. C’est donc en excellente forme que je m’apprêtais à m’étendre sur mon lit pour faire une sieste réparatrice (pour l’ordre des Réparatrices je verrai cette nuit)
Rappel : « Les Sœurs de l’Adoration réparatrice constituent un institut religieux contemplatif catholique féminin de droit pontifical vouée à l’Adoration du Saint-Sacrement et à l’approfondissement de la foi chrétienne par le moyen de retraites spirituelle ».
Bref, une bonne sieste en bonne compagnie me dis-je, quand soudain Lucifer, de l’ordre des Lucifériens ( je suis pour ma part membre honoraire des Luckyfonriens) me rappela à la réalité (nouveau rappel :«Dans ce mouvement de pensée, Satan est un adversaire de Lucifer. Lucifer souhaite un monde nouveau où l’homme serait affranchi des ordres divins) ») Le grand Lulu me secoua et m’expliqua qu’en fait, les Dominicaines étaient des femmes qui vivaient sur l’île d’Hispaniola, dans les Caraïbes, île qu’elles partageaient mais sans amitié réciproque avec une autre engeance féminine, les Haïtiennes.
Forcément, je me sentis ridicule d’avoir confondu toutes ces obédiences avec mon désir charnel de pouvoir monter au ciel avec une ceinte femme encorsetée qui m’aurait ensorcelé. Devant ma déconvenue Lucifer sembla attristé. Il me regarda avec tendresse : « toi, dit-il, tu es le plus con que j’ai jamais cornu. Alors pour te consoler de ta bévue, je te propose un deal : écoute moi bien, si tu m’appelles Lulu, on peut s’arranger. En effet, j’ai un petit bastringue dans le Gers où des clients comme toi sont les bienvenus. Bon, c’est pas gratuit mais tu y trouveras ton bonheur, si tu paies cash. En échange, tu m’offres tes fantasmes, car en ce moment la réalité m’empêche d’en avoir avec tout ce qui se passe sur cette terre. Qu’en dis-tu? »
« -Il y a un ascenseur dans ton bastringue ? Je te le demande, car demain je sais qu’un certain Jésus va en prendre un et j’ai pas envie de tomber en panne avec lui, et son petit slip affriolant risque encore de me faire fantasmer. Je ne voudrais pas te damner, mon Lulu ! »
30 03 2024
AK

Compère le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cigogne.
Le régal fut petit, et sans beaucoup d’apprêts ;
Le galant pour toute besogne
Avait un brouet clair (il vivait chichement.)
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cigogne au long bec n’en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
À quelque temps de là la Cigogne le prie :
Volontiers, lui dit-il, car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie.
À l’heure dite il courut au logis
De la Cigogne son hôtesse,
Loua très fort la politesse,
Trouva le dîner cuit à point.
Bon appétit sur tout ; Renards n’en manquent point.
Il se réjouissait à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyait friande.
On servit pour l’embarrasser
En un vase à long col, et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer,
Mais le museau du Sire était d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis ;
Honteux comme un Renard qu’une Poule aurait pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris,
Attendez vous à la pareille.

Les grenouilles se lassant
De l’état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique :
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S’alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu’elles croyaient être un géant nouveau.
Or c’était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s’aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant ;
Une autre la suivit, une autre en fit autant :
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu’à sauter sur l’épaule du roi.
Le bon sire le souffre et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir ;
Et grenouilles de se plaindre.
Et Jupin de leur dire :« Eh quoi ? votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre ?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement ;
Mais, ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fut débonnaire et doux
De celui-ci contentez-vous,
De peur d’en rencontrer un pire.»
Jean de La Fontaine, Fables
Convié à la table ronde des nations qui régissent le monde, je ne sais par quelle méthode on m’y installa, je me suis assis avec prudence pour regarder autour de moi les convives présents, qui s’étaient tous inscrits sur la liste électorale de leur pays permettant de justifier et de remplir le formulaire d’invitation nécessaire à déjeuner ensemble, formulaire validé par le biais dansant des différentes valises diplomatiques transportées en secret dans des aéroplanes blindés.
L’ambiance était conviviale, un orchestre jouait en arrière plan je ne sais quelle musique savante qui remplissait les bouches d’un sabir inaudible, ce qui devait être une méthode assumée pour que les échanges verbaux soient aussi importuns que la dialectique de chaque nation, car de toute manière il n’y avait rien à dire ni échanger et que tous les représentants du monde assemblés autour de la table étaient là uniquement pour festoyer.
Après un court discours du maître de cérémonie, le festin commença. Il n’y avait pas de femmes, celles-ci, était-il prévu, viendraient avec les liqueurs séminales en se glissant sous la nappe, ce qui fit rire l’assemblée. J’eus alors ce sentiment de relire « la ferme des animaux » de George Orwell car à voir ces dirigeants tout rappelait les porcs du livre, mais ce n’était plus de l’anticipation, c’était bel et bien la réalité qui s’exposait dans ce banquet : les hommes cuisinaient pour des porcs, les vêtaient de tissus rares repassés en coulisse sur lesquels ils bavaient, les hommes étaient devenus les machines à produire le bien-être et la fortune de ces dirigeants gras du bide et qui, sous couvert de gérer un monde social et égalitaire, démocratique et élaboré pour l’homme et la liberté, en fait ne déployaient que les sept plaies d’Égypte remises à jour pour accroître la peur et le malheur des tribus humaines dont je faisais partie.
C’est alors que je compris qu’au final, le carton d’invitation que m’avait envoyé la mairie de mon patelin perdu n’était qu’une carte d’électeur, et que l’un d’entre nous, parmi la multitude de gens crédules à qui s’offrait ce droit, gagnerait un repas offert dans l’enceinte d’un palais édifié pour les grands de ce monde, servi par mes congénères en tablier siglé à des porcs et leurs truies (au dessert seulement) qui n’en auront jamais à faire d’autrui et de l’altruisme.
23 03 24
AK
Contrairement à ce que l’on entend souvent, il y a bien eu 10 et non 7 plaies d’Égypte :
(photo Bourisp, festival des grands reporters 2021)

Pourquoi mourir debout quand on peut vivre à genoux, confortablement assis dans un fauteuil à tripoter son smartphone, à décliner l’actualité les yeux grands ouverts face à un écran qui rend débile tout sens critique ? Pourquoi parler du réchauffement climatique quand les radiateurs fonctionnent à bloc dans les pièces de la maison en hiver, pourquoi parler des pénuries d’eau quand il suffit d’ouvrir le robinet de l’évier, de la douche eau chaude eau frette, et qu’on ne boit que des alcools licencieux en compagnie de femmes ivres d’amours frelatés, pourquoi la police légale ne se nomme-t-elle pas police létale, pourquoi ne limite-t-on pas la durée de vie des gens comme on limite celles des routes, pourquoi ne considère-t-on pas les accents circonflexes comme des espions chinois, car sous ces chapeaux se cachent des fautes d’orthographe qui rendent fous les enfants lors des dictées où ils finissent par obtenir zéro sur vingt, pourquoi croire en ces religions quand le téléphone sonne et qu’il n’y a personne au bout, pourquoi demander aux charbonniers d’aller travailler à notre place, aux bourreaux de travail d’aimer tuer le temps le cul posé sur la sellette de leurs bureaux, pourquoi demander aux commissaires priseurs de vendre cette poudre qu’est la cocaïne des riches lors des ventes aux enchères, quand le luxe ressemble plus à un tableau de chasse qu’à un amour de l’art, pourquoi s’exténuer quand le monde entier est une grosse fatigue doublée souvent de famine, de confits de connards, pourquoi muselle-t-on le temps libre pour le promener vers un soi-disant monde meilleur éblouissant de lumière électrique née des réverbères, urinoirs et caniveaux, pollutions nocturnes et attentes insatiables d’un rendez-vous manqué avec l’humanité, pourquoi la démocratie est-elle devenue une auge dans laquelle les puces électroniques règnent comme la teigne sur les chiens que nous sommes devenus depuis que l’on gratte le pouvoir d’achat dans les poubelles du progrès et de l’égalité, pourquoi serait-il temps d’en finir quand, comme disent les vieux : « la guerre est là , elle s’immisce jour après jour dans l’atmosphère, irrésistible, irresponsable! ». Pourquoi ai-je dans la tête cette foutue chanson de Nino Ferrer, « le Sud », et ces paroles : « un jour ou l’autre il y aura la guerre, on le sait bien… »
Alors : pourquoi ?
22 03 2024
AK
François Coppée
Lorsqu’un homme n’a pas d’amour,
Rien du printemps ne l’intéresse ;
Il voit même sans allégresse,
Hirondelles, votre retour ;
Et, devant vos troupes légères
Qui traversent le ciel du soir,
Il songe que d’aucun espoir
Vous n’êtes pour lui messagères.
Chez moi ce spleen a trop duré,
Et quand je voyais dans les nues
Les hirondelles revenues,
Chaque printemps, j’ai bien pleuré.
Mais depuis que toute ma vie
A subi ton charme subtil,
Mignonne, aux promesses d’Avril
Je m’abandonne et me confie.
Depuis qu’un regard bien-aimé
A fait refleurir tout mon être,
Je vous attends à ma fenêtre,
Chères voyageuses de Mai.
Venez, venez vite, hirondelles,
Repeupler l’azur calme et doux,
Car mon désir qui va vers vous
S’accuse de n’avoir pas d’ailes.
François Coppée, Les mois

François Coppée
Triste exilé, qu’il te souvienne
Combien l’avenir était beau,
Quand sa main tremblait dans la tienne
Comme un oiseau,
Et combien ton âme était pleine
D’une bonne et douce chaleur,
Quand tu respirais son haleine
Comme une fleur !
Mais elle est loin, la chère idole,
Et tout s’assombrit de nouveau ;
Tu sais qu’un souvenir s’envole
Comme un oiseau ;
Déjà l’aile du doute plane
Sur ton âme où naît la douleur ;
Et tu sais qu’un amour se fane
Comme une fleur.
François Coppée, L’Exilée (1877)
tiré du site : https://www.poetica.fr/poeme

Biographie : (https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Copp%C3%A9e)
François Coppée, né le 26 janvier 1842 à Paris et mort le 23 mai 1908 dans la même ville, est un poète, dramaturge et romancier français.
Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses faubourgs, des tableaux de rue intimistes du monde des humbles. Poète de la tristesse à la vue des oiseaux qui meurent en hiver (La Mort des oiseaux), du souvenir d’une première rencontre amoureuse (« Septembre, au ciel léger »), de la nostalgie d’une autre existence (« Je suis un pâle enfant du vieux Paris ») ou de la beauté du crépuscule (« Le crépuscule est triste et doux »), il rencontra un grand succès populaire.

Chérie, pourquoi ce matin de ta part nulle bise
N’est venue sur mes joues poser ta tendresse
Explique moi cette absence d’amour, cette poutine
Que jadis tu me prodiguais, Nathalie, mon guide
Quand sur la place Rouge tu m’inondais de bécots
Je ne comprends pas qu’en cet éveil du printemps
Tu puisses manquer à cette obligation de m’aimer
Encore pour quelques années, voire une décennie
Dans ce temple d’amour que la démocratie gère
À coups de revolvers, de meurtres et de missiles
Jusqu’en ce lit blindé, ce palais qu’est notre domicile.
Mais soudain je comprends : dans notre humble datcha
Est entré un intrus, je le connais, c’est Navalny, ton amant,
Qui veut me cocufier, je le sais par les infos de Russia today,
Sache Nathalie qu’on ne décorne pas un empereur,
Un mafieux, un criminel en série, alors va-t-en, satane,
Va plonger dans l’urne un bulletin surveillé, une preuve
De ta dévotion envers moi, et dans le cercueil de Navalny
De ses complices, de ces suppôts de Satan, embrasse
Les morts qui pourrissent sans vraiment savoir pourquoi
Ils chantent encore le rouge baiser opprimé de Nathalie.
15 03 2024
(élection présidentielle en Russie, -pas besoin de pluriel-)
AK
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