poèmes extraits du site : https://www.poemes.co/
totalement sourd.
il exige des contemplations,
des sacrifices
totalement muet, il exige des prières, des cantiques
totalement aveugle,
il sème le
Mal
et nous délaisse, seuls affolés
totalement inerte,
il laisse la tempête dévaster nos cultures,
détruire nos ponts
totalement paralytique,
il ne court point au secours des victimes,
des martyrs
entièrement drapé dans
Son silence opaque.
S’est fait, ostensiblement, trop grand
généreusement.
de nous, ingénieux petits êtres.
Il a fait
les gérants de l’univers.
Ciels, terres, mers, rivières,
tout nous a été soumis,
malicieusement.

Nous roulons dans les ténèbres sans rythme.
Des flocons tourbillonnent.
Éclipsant la lune, la neige épouse notre haleine.
Furieuse, la bourrasque suit la cadence.
Sur une terre morte, nos pas cahotants
s’engendrent,
petitement,
dans la couleur, par leur propre souffle
Effrayée, la nuit
essaie de s’endormir
sur un lit gris aux draps blancs
Le pourra-t-elle, tandis que les amants claquent des dents ?
Au sein d’une chaotique harmonie,
je me noie dans l’insomnie
O rage de vivre la splendeur d’une nature indifférente !
Je racle ma mémoire,
en quête de souvenirs
et attends les heures du jour fleuri.
Par, la parole, je vais me réinstaller dans la vie : le rythme me réchauffe, et le poème m’abrite

L’obscurité est un fardeau dans la séparation sans soudure.
Privés de nous-mêmes, nous constituons l’Interrogation à
jamais ouverte.
La fidélité se passionne pour secourir l’Être en détresse
et vaincre la séparation du silence et du temps.
Se quitter, c’est aussi vivre ensemble,
dans l’exigence singulière de rester souvenirs
Unifiés par le don d’hier et le refus d’aujourd’hui, tu resteras présente à tous mes actes.
dans l’harmonie des souffrances.
La mélodie stellaire rassasie les cœurs oublieux,
et l’amour vrai défie l’oubli.
Biographie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohamed_Aziz_Lahbabi
Mohamed Aziz Lahbabi (arabe : محمد عزيز لحبابي), né le 25 décembre 1922 à Fès et mort le 23 août 1993 à Rabat, est un philosophe, intellectuel, romancier et poète marocain, écrivant en arabe et en français. Ses travaux sont marqués par une perspective humaniste qui souligne l’importance du dialogue et de l’universel1.
Il avait été, dès 1987, le premier écrivain arabe à être candidat pour le prix Nobel de littérature, avant l’Égyptien Neguib Mahfouz, qui a reçu par la suite cette distinction. Il a publié, en arabe et en français, de nombreuses œuvres philosophiques et littéraires (poésies et romans) traduites en plusieurs langues.

Je m’étais promis de lécher les fesses du feu pour rallumer la flamme de la femme endormie, cette infâme qui me tournait le dos alors que mon âme damnée me tourmentait de désirs inassouvis comme un vit plongé dans le vide d’un trou de souris ne fait qu’un tour de vice quand bien même la vie lui sourit. Las, je me brûlais les lèvres sur son corps de braise et les premiers émois se réduisirent en cendre lorsqu’au lieu de baiser pour rallumer le poêle par ma jambe de bois je tirai, maladroit, ses poils crépus d’aisselle qui la firent hurler de douleur dans ce lit à baldaquin qui se voulait coquin. J’eus droit alors à ce triste refrain que poussent les belles endolories quand elles s’éveillent : « fiche moi la paix ou je t’asphyxie avec mon arrière train ! ». Calciné par la violence du propos de ma Dulcinée, je me levai et m’habillant à la hâte je fuis en courant jusqu’à la caserne des pompiers où une jeune recrue compris de suite mon appel, « vite, il y a le feu ! » et soulagea l’incendie qui embrasait mon corps entier désormais sauf. Quant à ma Dulcinée, elle repris son rêve, bien calfeutrée entre deux ronflements d’un éléphant rose en peluche grivois.
08 03 2024
AK
Ce matin dès l’aube grise mon pote Lucien
A traîné ses blagues sur le canal saint Martin
Avec ses hauts talons son air du vas-y donc
Accrochant le pavé et les couleurs du temps
Qui n’a comme palette que celle d’un rapin,
Lucien cherchait les bagues, les fafiots d’un rupin
Dans la musique des jours et des petits larcins
C’était un drôle de bonhomme, blague à part,
Un homme devenu femme, peut-être
Entre deux mondes, entre les hauts talons
Les bas talus et l’enfance des fossés du périph
Un drôle d’adolescent, turlupin en guenilles jouant
Trois notes sans musique mais au rythme certain
Quand sans battre tambour son cœur éclaboussait
La ville de lumière sous les arches bruyantes
De la Chapelle à Stalingrad, Paris oublié sans sirènes
Sans sandales ni horizon, seule la voix métallique
D’une gare annonçant le retard d’un train
Qui ne part pas et Lucien dans ce monde
Remuait ses fesses, jouait de fausses maladresses
Pour plumer le rupin, le provincial providentiel
Mais ce matin mon pote Lucien, au coin d’une rue
S’est fait alpaguer par la bande d’un autre Lucien
Qui vola tout et ne lui demanda rien, ni sandales
Ni horizon, la ville de lumière inventait la distraction
Les flonflons de Noël et ces drôles de bonhommes
Que l’on croise souvent au seuil des grands magasins
Avec leurs rennes qui effraient les toutous délaissés
Et les enfants distraits qui ne croient plus qu’en Dieu
Tant l’avenir les plombe de croire en d’autres choses.
09 12 2019
AK

Texte issu du site : https://www.poemes.co/
À TU ET A TOI
Toi qui n’es rien ni personne
toi
je t’appelle sans te nommer
car tu n’es pas le dieu
ni le masque scellé sur les choses,
mais les choses elles-mêmes
et davantage encore : leur cendre, leur fumée.
Toi
qui es tout,
qui n’es plus, qui n’es pas :
peut-être seulement
l’ombre de l’homme
qui grandit sur la paroi de la montagne
le soir.
Toi qui te dérobes et fuis
d’arbre en arbre
sous le portique interminable
d’une aurore condamnée
d’avance.
Toi
que j’appelle en vain
au combat de la parole
à travers d’innombrables murmures
je tends l’oreille
et ne distingue rien.
Toi qui gardes le silence
toujours
et moi qui parle encore
avant de devenir sourd et aveugle
immobile muet
(ce qui est dit : la mort),
Je vais hors de moi-même en tâtonnant
cherchant ce qui peut me répondre,
« toi »,
peut-être simplement
le souffle de ma bouche
formant ce mot.
Toi
je te connais je te redoute
tu es la pierre et l’asphalte
les arbres menacés
les bêtes condamnées
les hommes torturés.
Tu
es le jour et la nuit
le grondement d’avions invisibles
pluie et brume
les cités satellites
perspectives démentes
les gazomètres les tas d’ordures
les ruines les cimetières
les solitudes glacées je ne sais où.
Tu
grognes dans les rumeurs épaisses des autos des camions des gares dans le hurlement des sirènes l’alerte du travail les bombes pour les familles.
Tu
es un amas de couleurs
où le rouge se perd devient grisaille
tu es le monceau des instants
accumulés dans l’innommable,
la boue et la poussière,
Tu ne ressembles à personne
mais tout compose ta figure.
Tout :
le piétinement des armées
la masse immense de la douleur
tout ce qui pour naître et renaître
s’accouple à l’agonie,
même les prés délicieux
les forêts frissonnantes
la folie du soleil l’éphémère clarté
le roulement du tonnerre les torrents,
tout
cela ne fait qu’un seul être
qui m’engloutit ; je vais du même pas
que les fourmis sur le sable.
Toi
je te vois je t’entends
je souffre de ton poids sur mes épaules
tu es tout : le visible,
l’invisible.
connaissance inconnue
et sans nom.
Faut-il parler aux murs ?
Aux vivants qui n’écoutent pas ?
À qui m’adresserais -je
sinon à un sourd
comme moi ?
Tu
es ce que je sais,
que j’ai su et oublié,
que je connais pourtant mieux que moi-même,
de ce côté où je cherche la voie
le vide où tout recommence.
Jean Tardieu

Jean Tardieu, né le 1er novembre 1903 à Saint-Germain-de-Joux, dans l’Ain et mort le 27 janvier 1995 à Créteil, dans le Val-de-Marne, est un écrivain et poète français, inventeur extrêmement fécond, qui s’est essayé à produire dans tous les genres et tous les tons : humoriste aussi bien que métaphysicien, dramaturge et poète lyrique ou formaliste, il a déployé en plus de soixante ans une créativité exceptionnelle, faisant alterner une poétique classique avec le vers libre ou les tentatives audacieuses de l’écriture informelle. Avec une inquiétude métaphysique dissimulée sous l’humour, Jean Tardieu n’a cessé de se « demander sans fin comment on peut écrire quelque chose qui ait un sens ».
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Tardieu#L’%C5%93uvre
Oulipo au feu… Photo Bourisp 2021 (en bas) (prochain festival du reportage du 4/07 au 15/08/2024)
Photo prise à Bilbao pour l’illustration (au-dessus)

Théophile Gautier
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pend au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.
Théophile Gautier, Premières Poésies

Théophile Gautier
Que les chiens sont heureux !
Dans leur humeur badine,
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entr’eux ;
Que les chiens sont heureux !
Théophile Gautier
Biographie courte de Théophile Gautier – Théophile Gautier naît à Tarbes le 30 août 1811, entre au collège Charlemagne de Paris en 1820 et y fait la connaissance du futur poète Gérard de Nerval. Sa rencontre, en 1829, avec Victor Hugo le bouleverse et il participe à la « bataille d’Hernani » aux côtés de son mentor. La pièce de Victor Hugo fait en effet grand bruit en 1830, opposant les romantiques qui défendent la pièce moderne, aux auteurs « classiques ». Passionné depuis son enfance par l’écriture, Théophile Gautier publie ses premières œuvres à la même époque avec plus ou moins de succès : « Poésies » (1930), « La Cafetière », récit fantastique (1831)…
Un patron a demandé mardi, dans la salle de rédaction de La Presse, cette question que tout le monde se pose au sujet des individus qui s’en prennent violemment aux vendeurs de stupéfiants des motards dans la région de Québec.
Publié à 0h55 Mis à jour à 5h00
DANIEL RENAUDÉquipe d’enquête, La Presse
Depuis que les évènements violents ont commencé dans la région de la Capitale-Nationale, tout le monde s’entend pour dire que des attaques contre les Hells Angels, l’organisation criminelle la plus puissante au Québec, et même au Canada, auraient été impensables il y a deux ans à peine.
Depuis quelques jours, on entend même dire que les motards ne répliquent pas et qu’ils ont peur.
Mais il allait peut-être de soi que l’organisation criminelle, qui contrôle 85 % du territoire québécois, selon la Sûreté du Québec, serait la première organisation à goûter à la médecine de la nouvelle génération des gangs de rue et d’autres individus du crime désorganisé.
Les autres organisations criminelles établies, comme la mafia, ne sont pas à l’abri non plus.
Les Hells Angels ont connu une guerre sanglante durant les années 1990 et ne sont probablement pas pressés de retourner sur les mêmes sentiers.
Ils se sont raffinés, sont devenus pour plusieurs des « hommes d’affaires » qui ne s’impliquent plus directement dans les activités criminelles, ils louent leurs territoires, perçoivent des redevances auprès des trafiquants auxquels ils ont donné leur bénédiction et ils obligent ceux-ci à s’approvisionner en stupéfiants auprès d’eux.
Bref, ils se sont embourgeoisés, un peu comme les membres des familles mafieuses établies de la région métropolitaine qui, pour la plupart, ne se salissent plus les mains et n’ont plus autant de personnel pour effectuer les basses besognes qu’ils en avaient à portée de main à une autre époque.
Donc, depuis déjà plusieurs années, les organisations criminelles ont recours aux gangs de rue pour faire le sale boulot.
Ce fut un couteau à deux tranchants, car par le fait même, les organisations criminelles ont démontré leurs faiblesses et, simultanément, ont fait comprendre aux gangs de rue qu’ils étaient devenus un rouage important dans la mosaïque du crime organisé au Québec.
Les criminels influents ont probablement vu venir ce qui se passe à Québec. En 2020, lorsque les enquêteurs de la Stratégie québécoise de lutte contre la violence armée, CENTAURE, en ont rencontrés certains pour leur demander d’interférer auprès des plus jeunes pour que cessent les décharges d’armes à feu qui étaient en forte croissance à Montréal, ils leur ont répondu que cela ne servirait à rien de s’en mêler, que les jeunes ne les écouteraient pas.
De nos jours, les prisons seraient contrôlées par les membres de gangs, qui n’ont plus de respect pour les membres des organisations criminelles établies, nous disent des sources des milieux criminel et correctionnel.
Ils profiteraient de leur incarcération pour se faire des contacts et des alliés, pour le jour où ils sortiront.
Dans la grande région de la Capitale-Nationale, les Hells Angels ont peut-être été les artisans de leur propre malheur en permettant à des trafiquants indépendants, qui sont leurs ennemis aujourd’hui, de faire de l’argent, de bâtir leur propre organisation et de contrôler la rue. Bref, ils leur ont donné les moyens et la force de se rebeller.
Alors que le kilogramme de cocaïne se négociait à environ 45 000 $ avant la pandémie de la COVID-19 en 2020, il se vend actuellement environ 22 000 $ au Québec, preuve que cette drogue entre massivement au Québec et au Canada.
Des enquêtes policières réalisées ces dernières années ont démontré que de plus en plus de trafiquants indépendants ont des contacts dans les pays fournisseurs et s’improvisent importateurs de cocaïne.
D’autres ont démontré l’existence d’un corridor entre Toronto et Montréal, et que des trafiquants s’approvisionnent directement dans la Ville Reine – où le kilogramme coûte moins cher que celui vendu par les Hells Angels – pour ensuite écouler la drogue au Québec.
Ils sont maintenant autosuffisants. Pourquoi feraient-ils encore des affaires avec les motards et leur verseraient-ils une taxe sur chaque kilogramme de cocaïne ?
Dans la région de Québec s’opposent une organisation criminelle structurée, et peut-être plus lente à mettre en marche, et des individus désorganisés, imprévisibles, et peut-être plus difficiles à saisir. Policiers, criminels et observateurs se demandent si et quand les Hells Angels vont répliquer.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas, ce n’est pas seulement le problème des Hells Angels, c’est celui de toute la société.

Poème tré du site : https://www.poemes.co/francois-fabie.html
Héroïque, elle aussi, de cœur haut, de bras ferme,
La veuve paysanne à qui, depuis vingt mois,
Incombent les labours, les marchés, les charrois
Et le gouvernement tout entier de la ferme.
Au début on lui prend soudain ses trois garçons
(Et deux sont morts déjà), son valet de charrue
Et son berger… Sa fille, un instant accourue,
Lui laisse ses marmots, et repart sans façons…
Et plus un journalier valide en la contrée ;
Un chemineau douteux pour garder le troupeau.
Mais la veuve n’a point plié sous le fardeau,
Car plus la tâche est rude et plus elle est sacrée.
Repas des gens, repas des bêtes, basse-cour,
La traite des brebis, une heure avant l’aurore,
Le lavoir, les oisons qui vont bientôt éclore,
Et, pour se délasser, semailles et labour.
Car elle guide aussi la charrue et la herse,
Ses pieds dans des sabots et ses jupes au vent,
A travers les guérets, – les corbeaux la suivant
Dont le cri de malheur par instant la transperce…
Il faut porter le lait an village lointain,
Faire aiguiser le soc et la pioche à la forge,
Aller moudre au moulin perdu dans quelque gorge,
Mettre le bois au four et la pâte au pétrin.
****
Elle rentre le soir, à la ferme en détresse
Où tout l’attend, où tout l’appelle, où tout a faim,
Les bêtes de provende, et les marmots de pain ;
Tous, d’une voix connue et d’une âme maîtresse.
Jette du grain, fermière ! emplis les râteliers ;
Rends à l’agneau plaintif sa brebis implorante ;
Verse à tes petits-fils la marmite odorante ;
Prie ensuite avec eux pour les morts familiers :
Pour ton mari, parti le premier, avant l’heure,
Pour ceux de tes enfants soldats déjà fauchés,
Sans qu’ou puisse savoir où leurs corps sont couchés,
Et pour d’autres encor, qu’aux alentours on pleure ;
Et pour que Dieu conserve à tes ans un appui,
Qu’il sauve des périls et bientôt te ramène
Ton dernier-né, dernier espoir de ce domaine
Qui demain tomberait en quenouille sans lui…
****
Puis, quand tous dormiront, marmots, vacher, servante,
Toi, veille encor, reprise ou ravaude des bas ;
Réponds à ton petit qui se morfond là-bas,
Dans la neige et la boue, la nuit et l’épouvante.
Pleure enfin dans ton lit, jusqu’à ce que tes yeux
Sentent par le sommeil tarir leur source amère,
Et goûte dans un songe un repos éphémère
Qu’abrégera le coq d’un clairon furieux.
Car déjà demain luit aux vitres de la ferme :
Debout, fermière ! et lutte ainsi jusqu’à la fin,
Contre le deuil, l’absence, et la terre et la faim,
Dans un combat dont nul ne peut prévoir le terme ;
Lutte pour conserver les bois, les champs, les prés,
Le nom et le renom de la maison ancienne
Qui te prit jeune femme, un soir, et te fit sienne,
T’enchaînant à jamais par des liens sacrés !…
****
Plus grande que ne fut, certes, la veuve antique,
Plus que les Pénélope en secret ourdissant
Leur vaine toile pour se garder à l’absent,
Nous devons t’admirer, Providence rustique !
Aussi, quand nous aurons chassé l’envahisseur
Et que nous fêterons la sainte délivrance,
Je voudrais qu’on te mît, toi, mère, ou veuve, ou sœur,
Au milieu des héros, à la place d’honneur,
Gardienne du sol, Paysanne de France !

« François Fabié (3 novembre 1846 – 18 juillet 1928), est un poète régionaliste français. Le Moulin de Roupeyrac, sa maison natale, est aujourd’hui un musée consacré à sa vie et à son œuvre. » (…/…)
Voir sa biographie et d’autres poèmes sur le site ci-dessus mentionné.

Cette nuit l’envie m’a prise d’écorcer un arbre. Certes ce n’était que pour en récupérer la sève, la sucer comme un biberon un bébé.
Sans toi je meurs
Avec toi je m’abandonne
Ma vie s’est payée cash
Au comptoir de l’existence
Mon bel et grand noyer
Scieur de long je me ferai
Quand viendra ton dernier souffle
Toutes tes feuilles envolées
Et tel Noé sur sa coque de noix
Ensemble nous naviguerons
À la recherche de la colombe
Celle qui tient le rameau dans son bec.
Le noyer ne l’entendit pas de cette oreille
Secouant ses branches il me parla
Me dit : « avant de me débiter en tranches
Vas donc plutôt apprendre à nager »
Ne me restait plus que deux moyens
Pour transporter mon âme désemparée :
La sainte coquille de saint Jacques
Ou la carapace de la tortue d’Henri IV.
Mais pour rien au monde je me serais aventuré
Sur le radeau de la Méduse, malgré son forfait
Plus attractif que celui du Titanic et ses glaçons
Offerts gracieusement par le commandant de bord.
Finalement mon choix se tourna vers une ébarbeuse,
Une serpe italienne à bec court qui me rasa de près
M’évitant de finir mes jours dans l’antre d’un tonneau
De Diogène, d’une conque de Bernard l’Hermite
Ou encore d’une huître de plaideur ou d’un cornet
À piston actionné par un musicien enrhumé et bavotant
Qui suce son instrument comme un bébé son biberon.
Notules : « D’après une tradition, l’apôtre Jacques aurait quitté le Proche-Orient au ier siècle avec pour mission de prêcher la parole du Christ en Occident jusque dans la péninsule Ibérique. De retour en Palestine, il aurait été décapité sur ordre du roi Hérode Agrippa1 et sa dépouille, recueillie par ses compagnons, portée dans une embarcation. « Guidé par un ange », l’esquif franchit le détroit de Gibraltar avant de s’échouer sur les côtes de Galice. »
Pourquoi on dit Bernard l’Hermite ?
Il tient son nom de l’occitan languedocien du XVIe siècle, où il était appelé « bernat l’ermito ». « Bernat » provenait du prénom Bernard, un prénom tellement employé à l’époque qu’il était même utilisé pour désigner certains animaux. Quant à « l’ermite« , cela provient du mode de vie de l’animal.
19 02 2024
AK

Son père disait : « mon petit Jean, si tu étais moins fainéant, tu serais plus vaillant ! « . Alors Jean baissait la tête, qui ressemblait à un artichaut qui ne ferait jamais de lui un prince ; il en avait conscience, sachant que son cœur ne possédait aucune généalogie celte et que sa mère cultivait depuis deux ans des pissenlits par la racine dans une banlieue perdue oubliée des morts eux-mêmes. Sa jeune vie (il avait quinze ans) ne lui avait apprise qu’un mot : procrastination, mot qu’il confondait souvent avec sérendipité, les deux seuls dont il se souvenait depuis la maternelle, à Beaugency les Près, où ses parents étaient agriculteurs avant de devenir chômeurs, impuissants à rembourser leurs dettes au Crédit Agricole local. Ainsi ses parents et lui, enfant unique, migrèrent dans une HLM construite depuis plus de 50 ans, qui attendait encore des travaux de restructuration à tous les niveaux qu’un logement nécessite pour y vivre décemment.
Jean, depuis que ses parents s’étaient exilés par nécessité en banlieue, passait son temps entre le collège de la cité et le pied des tours à reluquer les filles, dont Maritza, une réfugiée ukrainienne dont il s’était épris depuis les bancs de l’école primaire. Sa flamme était vive mais la procrastination l’empêchait de l’approcher et de lui déclarer son amour juvénile. Il faut admettre qu’avec sa tête d’artichaut et ses oreilles en feuilles de chou, il ressemblait plus à l’ado qui faisait la couverture de MAD magazine, éphélides en moins. Maritza le toisait du regard, niant in petto ses propres taches de rousseur qui ne la rendaient pas assez mature pour les voyous de la ville. Elle en souffrait, comme le fait d’avoir des cheveux bouclés et de faux ongles (elle se rongeait les vrais le soir dans sa chambre, se demandant avec qui elle connaîtrait son premier amour et cela la tracassait).
Puis vînt l’université où tous deux furent admis, dans des sections d’études différentes. Alors Jean, au moment des vacances de février, enterra sa procrastination. Il avait acquis d’autres mots plus subtils comme subliminal, érotomanie, duralex c’est leste, bref, un verbiage mélangé à la novlangue pratiquée sur le campus. Il se défia : écrire un mot d’amour plaisant à Maritza, maintenant qu’il avait les cheveux longs et la barbe naissante…
Là, Pépère, tu vas nous faire du Kundera !
Pourquoi pas ?
Jean est étudiant est amoureux et communiste (?). A la suite d’une blague mal interprétée qu’il a écrite sur une carte postale et envoyée à une étudiante, Maritza, il est enrôlé de force dans l’armée des « noirs » c’est-à-dire des ennemis politiques. (https://www.babelio.com/livres/Kundera-La-plaisanterie/)
N’allez pas croire que ce texte soit écrit en mémoire de Navalny, opposant russe assassiné le 16 02 2024. L’histoire ne se passe ni en Russie, ni en Tchéquie. Juste dans celle du narrateur, ce qui est plus réconfortant pour les lecteurs qui ne seront empoisonnés qu’à la fin de l’histoire, s’il y en a une.
Maritza lit le billet doux de Jean. Les portes de l’université s’ouvrent et libèrent les étudiants. Certains sautent dans les 4X4 de leurs parents et filent vers les stations de ski. Les autres, dont nos deux héros/héroïne, vu qu’il n’y a pas de vraie neige dans la banlieue, la compensent par des sniffettes de cocaïne, moins chères que les forfaits de ski dans les Alpes, mais qui font grimper les procrastinateurs pauvres au-dessus des nuages où l’herbe nourrit ses troupeaux et ses moutons dans les canapés. Et dans ce monde évanescent Maritza, enfin, prend la main de Jean, le dénude en se dénudant elle-même, se caressent et prennent leur vie à bras le corps. Jean broute l’herbe parfumée du pubis de Maritza pendant qu’elle hume le gland de Jean avant d’y poser ses lèvres humides. Bon le cours de SVT s’arrête là.
Jean pense à son père : « si tu étais moins fainéant, tu serais plus vaillant ! », et à 20 ans, il vient d’inverser la courbe : si tu étais moins vaillant, tu serais plus fainéant !». Lui revient alors le mot sérendipité.
Ce qui lui avait fait admettre qu’il n’obtiendrait jamais de la part de Maritza un quelconque émoi s’est présenté, sur lequel il a écrit dans un billet d’amoureux cette légende : le hasard est la nourriture essentielle de l’amour.
17 02 2024
AK

L’oiseau
Celui qui écoutait
Sans pépier
Les racontars des hommes
Incapable de s’envoler
Sur sa branche perché
L’oiseau
De sa plume distraite
Nota tous les méfaits
Sans pépier
Sans papier
Tout cependant
Fut consigné
A l’encre des sureaux
Ancres marines
Oiseau naufragé
Sur le bastingage
Oiseau sans âge
Oisif sans ailes
Qui écoute la mort
Mêle ses rires
A la croisée des mers
Au refrain des marées
De ta plume discrète
Longe les quais
Marin marin
L’oiseau l’a dit
Ta mère se meurt
Sa tombe est pleine
De bonne terre
Si tu reviens, si tu reviens
Un jour écoute
L’oiseau te parlera d’elle
Sur sa branche perché.
04 10 2019
AK
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