











Photos retrouvées dans le bazar des archives dans lequel je cherchais un collage réalisé (voir ci-dessous)


Photo de base originale…
Besoin de rien, finalement, les murs se sont ouverts : sur la campagne
Fument les nuages ; plus envie de pisser, plus envie de gas-oil,
L’escargot a mis les voiles.
Un rire joue ses larmes à l’œil à qui perd gagne ; une perdrix
Franchit le pas, l’Automne approche, rases campagnes.
Un chien rebelle, vieux souvenir, vient danser, secoue ses vieilles balles,
Frotte ses poils aux jambes grivoises de donzelles dans un bal de quartier
Vieux compagnon, lion sans crinière, Léo sans terre,
Voix enferrée sans cimetière, animal sans grillages enfermé,
Tout te libère pourtant, mais sans âme, tes bras de soie se laissent
Glisser le long du grand fleuve Pognon : danse, c’est bon
Le goût du cornichon te parle, alors ne m’écris plus, il pleut sur Brest,
Si tu veux que je lise tes lettres, poste les dans le vent.
Après déglutitions, te lire comme un téton au goût de biberon,
Mais t’es trop rasoir, mon con, avec tes mains pleines de gas-oil
Tu es simplement laid, tu n’as besoin de rien, sauf peut-être de m’oublier.
27 12 2002
AK

Je sais, disait Luc à son fils, la vie est dure mais nom de dieu pourquoi ma première épouse t’a-t-elle affublé de ce prénom ridicule : Johan ? Voilà bien un prénom qui pourrait traverser l’Atlantique ou filer tout en bas de l’Afrique pour que l’Histoire du monde n’en ait rien retenu, pas même un lagon dans les Caraïbes avec ses noceurs américains le corps badigeonné de confitures toxiques. Oui, tu es mon fils, mais aussi la cause de mon premier divorce, avec ce prénom qui a embrasé nos discussions familiales jusqu’à incendier le couple uni que nous étions et brûler la toiture en cette nuit de réveillon. Tu ne t’en souviens pas, tu dormais comme la Loire les yeux pleins de sable, d’atterrissements parmi lesquels il fallait louvoyer, avec ton oncle René Fallet et ses potes chaloupant dans la barque.
Je pense parfois à toi, Johan, quel âge as-tu maintenant, quarante, cinquante, que veux-tu j’ai oublié tout ça, je suis un apatride du temps qui passe, et pourtant je me souviens que nous étions d’accord avec ma troisième épouse pour prénommer notre dernier né, le septième, Mohican.
Mais une voiture a renversé le landau quand nous sortîmes de la maternité. Le chauffard n’avait pas vu la flèche rouge du panneau lumineux. Tu me diras qu’avec ma seconde épouse nous pensions baptiser l’enfant (encore un garçon) Poucet. Mais à l’époque la vindicte populaire de mai 68 risquait fort de le voir se faire lapider par des pavés anarcho-syndicalistes.
Cependant, dans ces trente et quelques années où je pus engendrer, deux filles naquirent, dont je vais te raconter sommairement l’histoire, malgré ton prénom à la con, car tout de même a-t-on idée d’être le premier né d’une enfilade de parents aussi compliqués qu’un livre de photos ouvert sur des albums de familles recomposées à mesure que naissait une nouvelle aventure, et qu’ainsi la pile des photos de famille augmentait en taille, en hauteur et en souvenirs indigestes et sans saveurs.
Ce n’est donc qu’avec Anaïs, ma troisième épouse, avec qui,hormis Mohican nous avons eu deux filles. Oui, vois-tu, la vie est ainsi faite qu’elles étaient jumelles. À leur naissance, personne ne distinguait leur gémellité, car Anaïs ne les promenait jamais ensemble et pour l’école primaire, chacune allait dans un établissement distinct, à plusieurs feux rouges de distance. Quand vint la puberté, Lisa et Léonce se détachèrent peu à peu du giron familial et commirent quelques incartades quant aux règles parentales, dès lors qu’elles prirent l’initiative de se promener ou faire des achats ensemble. Or, ces jumelles voyaient loin, tant elles étaient aussi volubiles que leurs yeux étaient perçants. Des yeux de chat disait Anaïs, mais je pensais des yeux de chat…qui chie dans la braise (un souvenir paternel, je l’avoue). Johan répondit que cette réflexion était encore plus stupide que son prénom. De fait, Luc n’insista pas, sautant quelques années calendaires des deux jeunes filles devenues entre temps licenciées d’une grande école britannique, bref des femmes savantes. Il toisa son fils et déclara que ces deux gazelles n’avaient rien à voir avec ce traîne-savate qu’il avait devant lui, ce qui fit monter l’adrénaline dans le corps de Johan, remontant ses boyaux jusqu’à l’étage supérieur de son esprit, d’où d’habitude toute idée ne sortait qu’en fumée opiacée. Pour la première fois, il se mit dans une rogne folle et agrippa son père par le colback, Luc étant soudain plongé dans le coaltar, le menaçant de faire de ses filles chéries des orphelines qui finiraient au couvent des sœurs cisterciennes à cultiver la lavande et à broyer tout souvenir de leur père en faisant de la permaculture. Quant à Anaïs, son épouse, il lui paierait un aller simple en Afrique du Sud, à Johannesburg, où elle pourrait s’envoyer en l’air avec des Boers qui la couvriraient d’or, ou des zoulous multicolores qui la voyageraient dans les Townships de Soweto à Prétoria.
Personne ne sut comment se termina l’algarade, mais une chose est certaine. Ce fut relaté dans la Presse locale : Lisa et Léonce disparurent dans un des 150 bus à impériale que compte cette métropole de plus de sept millions d’habitants. La moralité de cette histoire est simple : n’appelez jamais votre fils Johan.
Le prénom Johan tire ses origines du prénom hébreu « Yehohanan », qui signifie « Dieu est miséricordieux », « Dieu a fait grâce » ou « Dieu pardonne ».
Personne ne me pardonnera d’écrire de telles inepties, je suis prêt pour le sacrifice, si quelqu’un a du bois, une scie, un marteau et des clous. Amen !
09 01 2024
AK

Bon, pas de rdv pour 2025. J’attends la réponse des dictateurs pour lire les lignes de mon lendemain…
À bientôt !
AK
Un rire brise la nuit et le sommeil sur mes paupières
Champs de baleines, Charlotte Delbo ouvrant son parapluie
Comme un paratonnerre sur l’éclair,
Amour de la Terre, Hommes de chair, vie nue de chacun
Respire jusqu’à la ligne de fuite, respire de toutes ces choses
Qui te respectent, et bats-toi sans relâche sur le reflet ardent
Des glaces qui te miroitent, l’alcool est grisant, le verre un bris de vie,
Les sirènes sous la neige ne chantent qu’avalanches de joies,
Tu n’en es pas là, lis Rabelais, gros pétou sans saveur, lis Voltaire,
Lis dans les rides des yeux de tes parents les vies insensées qui ont passé
Sans mots ni orgueils inutiles, lis dans leurs yeux l’amour qui s’estompe,
Apprends à vivre sans fouet, qu’il ne soit ni dans ton dos ni dans tes mains,
Aies un geste, un mot qui plaise, sinon les braises, Hermanito,
Ruineront la ville et le pays et les yankees reviendront
Laver le bruit de tes fontaines, Ruisenor, ton savon bleu
Et cette journée large comme un billet de trente euros
Qu’hier soir tu as trouvé sous la semelle d’un desesperado.
Mais le Président a bu de l’ambroisie en présence de son miroir
Et le chat a fini embotté par l’arrière-train d’un parapluie :
C’est pour cela que rien n’a bougé : le peuple a ri, à Miraflorès,
Ils se sont endormis, en respirant les fleurs de leur jardin
Alors que cessait de tomber la pluie, c’est comme ça, Nino,
Que seul le vent nous transporte, nous, campesinos d’Ayacutcho,
Juchés au faîte de rêves encore magiques, pauvres hères,
Aux yeux ivres inondés, hauts de cieux et bas de culs : péones.
27 12 2002
AK
Enfin des copains ! Je prépare la fête pour dans 30 ans, nonobstant mes longues flemmes hivernales, je vais dès le printemps récolter miel et baies et trouver quelques copines pour concocter le menu des festivités (sponsorisées par l’association des Nounours Pelucheux et des Oursonnes Mal Léchées). Bon, allez, au boulot Ursidé K ! (ne remonte pas le réveil , une bonne sieste de 3 mois chaque année fera filer le temps jusque là!)
Article paru sur le site : https://presselib.com/article/350-ours-dans-les-pyrenees-un-rapport-choc?
D’ici 2050, le massif pyrénéen pourrait ainsi voir sa population ursine tripler. C’est ce que relève ce rapport intitulé : Mission de parangonnage sur la politique publique de l’ours brun.
« La taille de la population française actuelle est comparable à celle de la chaîne cantabrique dans les années 1990. Il est donc possible qu’elle atteigne, dans 30 ans, les 350 ours » précise l’étude. « Dans la chaîne cantabrique, le sujet de la sécurité est aussi en émergence, alors que la densité de population humaine est faible. Il est probable que l’augmentation du nombre d’ours en France augmente la probabilité de rencontre humain/ours. Il est possible que cela amène des problèmes de sécurité. Le protocole français d’intervention relatif aux ours de 2006 est en cours de révision. Il se saisira immanquablement de ce sujet. Il conviendra de définir une approche progressive de l’évaluation de la dangerosité des rencontres ». (…/…)
https://agriculture.gouv.fr/mission-de-parangonnage-sur-la-politique-publique-de-lours-brun
En 1995, la France ne comptait plus que cinq ours dans les Pyrénées. Un programme de réintroduction a alors été engagé. En 2021, la population est estimée à 70 individus, ce qui ne garantit pas sa viabilité. Toutefois, malgré la mise en place d’une politique de protection pour limiter les prédations, les dégâts aux troupeaux augmentent, induisant une forte opposition des éleveurs contre la croissance de la population. Depuis 2005, cinq missions et deux plans d’actions ont formulé des recommandations pour concilier la présence de l’ours et le pastoralisme.
LES PIEDS NUS DE MA POESIE
Les pieds nus de ma poésie
Ont peu de poids
Cherche la trace de ses pas
Sur cette eau tranquille
Comme un visage éclairé
Toute puissance agenouillée
Chanson matinale
Il brille
Une étoile toute nouvelle
Et la chanson la plus belle
Est celle que j’ai chantée
Pour accepter ces minutes.
Les fontaines ornées d’écume et d’armes blanches
Les fontaines ornées d’écume et d’armes blanches
Les fontaines, ce soir, parlent à haute voix
La vitre des cafés
Murmure, où la buée, les baisers se mélangent
Le souffle de l’amour et les lèvres mouillées
Que je goûte sur toi.
Le voyageur prévoyant
Ma ville a des chemins serrés comme des herbes
S’écoulant le long d’elle et recouvrant son corps.
Tous également purs, également superbes,
Ces fleuves bigarrés n’ont pas besoin de ports.
Chaque jour, je le crois, contient une marée
Qui grandit et m’enlève, ô lampe, à vos lueurs.
Odilon-Jean Périer est un poète belge d’expression française né à Bruxelles le 9 mars 1901 et mort dans la même ville le 22 février 1928.

http://www.unjourunpoeme.fr/poeme/je-toffre-un-verre-deau-glacee
Bouny me demanda si je serais encore capable de relancer la machine. Je la pris au mot. Dès que je le pus, j’achetais chez A.H. Une voiture rapide et quelques hectolitres de gas-oil afin de fuir cette femme qui laissait flotter au vent ses jupes, et pouvoir enfin tranquillement manger ces fameuses lasagnes de Philadelphie dont Maésio ne cessait de me rabattre les oreilles quand notre ivresse bourdonnait sous la nuit parisienne.
Un silence. Zeppo, une source extravagante de riens, des prémices de tornade. Le sang de mes veines se glaça, et je vis fondre les vitres une à une sous le reflet noir du ciel. Et, cela te semble étrange sans doute, je me mis à rire pour conjurer ma haine. Alors l’oiseau noir tournoya sans azimut, les vents rasèrent la barbe des cocus, les champignons perdirent leur sens de l’orientation et mon patron s’acheta une villa à Miraflorès, dans les quartiers chics de Lima (Pérou). Et ma tendre Chérie me survécut. Dans la description immédiate des catastrophes elle planta son calme, sa chair et sa présence : le silence. Zeppo, je me mis à pleurer d’être et si survivant et si mort, d’être une source extravagante de silences et de bruits, d’avoir acquis quelque part l’Éternité immobile des quais.
La vie que je menais depuis dix-huit jours se révélait être un fiasco, tant les kilomètres filaient sans restriction, et ma désillusion ne s’amorça qu’au virage que je pris, quand le visage de Bouny apparut dans le rétroviseur.
Zeppo, quand je t’ai présenté Bouny tu étais ivre ; mais ses yeux gris t’embrassaient, je me savais hors course. Alors nous fîmes un tour sur les rotules bien huilées de mon véhicule-bolide et à la barbe des cocus je mettais pleins gaz, tirant des hirondelles des rires débridés, et des gazelles des souffles exacerbés. La nuit jouait nos échecs et nos dames, partageant le ciel obscur et gérant le matin clair.
À coups de poings dès le petit matin nous réglâmes notre différend. Une arcade pour moi, deux dents pour toi. Et Bouny sortit du bolide se dirigea vers avec Salt, qu’on appelait Salt Lake City parce qu’il nommait les espagnols « pingouinos ». Elle monta sur le tracteur de Salt et disparut dans la poussière de la route. Cependant, je roulais trop vite, Zeppo, j’avais tes joues rouges dans le collimateur de ma hargne, et j’imaginais Bouny sur le tracteur avec ce con de Salt, maintenant à une quinzaine de miles derrière nous. Je cessais soudain d’y penser, et roulais à toute berzingue.
Ma bagnole est blanche comme une barbe de cocu. Elle sent les carrefours et les feux tricolores sont ses plats favoris : lasagnes de lignes blanches, charcuteries de piétons renversés, crème catalane d’accidents ignifuges. Rouler la pâte à pizza et fuir Philadelphie, m’échapper dans le bruit vers le calme et la motte céleste de Bouny.
C’était un but idiot, donc tout-à-fait à ma portée. Inutile de manger de l’aïl, comme faisait mon père quand il espionnait les lapins dans les champs de maïs, inutile de vacciner les morts quand monte la nostalgie, mais pour survivre je dois haïr Salt Lake City et coucher dans le lit de Bouny.
Bouny était veuve depuis quinze jours que j’avais étripé Salt quand Zeppo m’appela : « tu connais la nouvelle ? »
« Non »
« Ton patron est mort et sa villa de Miraflorès est en vente à un prix dérisoire ! »
« Tu veux dire que si je vends mon bolide je peux acheter sa villa, c’est ça ? »
« Exactement ! »
-page 1-
(À suivre?)
20 10 2002
AK

J’ai du habiter dans un autre monde pour ne plus voir en celui-ci que les pas de ma désillusion, les flaques qui ne reflètent plus les étoiles après l’averse, quand le ciel se dégage de sa tristesse, des mollets et du cul de celle qui dormait encore avec moi dans les buissons, malgré le couvre-feu. Comment ne pas transgresser l’harmonie du plaisir quand bouillonne dans la nuit une marmite autoritaire ?
Je suis vivant.
J’ai conscience que cela reste indépendant de ma volonté et que nombre silhouettes noires dansent autour de mon tombeau (que mes proches creusent en buvant des chopines de Jupiler). La vie la mort, je m’en fous, j’ai embrassé tant de baisers qu’à la dernière heure les lèvres exquises de l’abandon me pendront à l’heure exacte du bonheur d’en finir. Je fermerai les yeux, tes lèvres pétries d’éternité, mes doigts gourds balayant ton ventre chaud, poussés par le vent de noroît, en un dernier mouvement ; ô vous femmes, un ultime baiser que le vagabond sur votre blessure intime ne peut cautériser de son poignard brûlant, criminel aguerri de ce monde d’avant. Quel sera le prochain, y en aura-t-il un ?
Pourtant, c’est curieux, en cette aube qui s’ouvre, une impression un peu bizarre, j’ai ce sentiment de voir la nuit s’effilocher dans cet épais brouillard qui enrobe encore les bois et les collines. Est-ce ton rire, la couette tiède ou les chats qui réclament leur pitance ?
Je suis vivant.
J’ai conscience que cela reste indépendant de ma volonté et ce ne sont pas les flocons de neige qui rendent silencieux mon souffle noirci de tabac blond. J’écoute simplement ma nudité se déshabiller dans le néant des jours à venir, et je ris de mes mauvaises dents d’avoir jusqu’ici su trahir la mort. Le temps m’est compté mais les silhouettes noires des corbeaux ont pour le moment déserté le trou que mes proches creusent en buvant des chopines de Jupiler. Ils volent au-dessus des champs de bataille, croassent et se nourrissent de cadavres d’hommes de femmes et d’enfants, alors que moi, seul dans mon autre monde, je sens encore la chair tiède de tes seins sur ma peau mal rasée, sans comprendre ce que fait dans ma main ce couteau de cuisine brûlant. Mais qu’importe…
Je suis vivant.
03 01 2021
AK

Je vais t’expliquer. Au début, il n’y a rien, ou presque. Juste une machine à écrire et une mouche qui lèche la vitre en bourdonnant. Alors, ça se met en route. Sans préméditation. La mouche devient soudain l’actualité du monde qui m’environne. Pour que son bruit cesse, j’attaque les touches du clavier avec véhémence. Je rafale des mots, des mots qui me rendent fou quand je les entends, xénophobie, racisme, injustice, crime contre l’humanité, guerre, misère, des mots semblables à cette mouche que je voudrais écraser, mais la tapette est dans la cuisine et j’ai la flemme de me lever, cette même flemme qui me cloue sur mon siège et m’interdit d’aller manifester mon désespoir et ma colère dans la rue, dans la vie, dans les tribunes de la gare ou au sommet de l’Ossau, le sommet fétiche de la ville.
Tu vois, je t’explique. Reconnais que ce n’est pas compliqué. Enfin, bien moins que si je te disais que la mouche contre la vitre est une fée qu’un vilain garnement s’amuse à faire souffrir, alors qu’il lui serait si simple d’ouvrir la fenêtre pour la laisser s’échapper. Mais il préfère entendre son bruit intolérable, car c’est la garantie de son pouvoir sur elle, la garantie de sa force à lui par rapport à son épuisement à elle. Toute l’actualité domptée par son plaisir à régenter, à décider, à frapper quand cela lui sied. Mais tant que le frottement des ailes reste audible, son amusement se perpétue, sa capacité à supporter sa propre ignominie invente une musicalité autre qu’un simple grésillement, fait sourdre à ses oreilles un chant de sirènes policières; la mouche fredonne, la mouche barytonne, qu’il accompagne au rythme de son piano canardant, de sa Remington pétaradante.
Tu vois, je te raconte. Je n’explique plus. La mouche est une fée, le garnement un crapaud. Dans un autre pays, celui où je me trouve encore, avec ma flemme et ma machine à écrire, les vitres sont brisées. Des millions de mouches voltigent et se posent un peu partout, au gré du vent et des remugles que les corps meurtris, déchiquetés, dégagent dans les rues, sur les parapets des immeubles crevassés, libres et assoiffées de sang. Le crapaud les gobe à satiété, devient énorme. Le charnier les nourrit, les attentats les entretiennent. Au son des bombardements , ils font bombance. La mouche est une fée parfaite comme le sont les faits: manipulables à souhait. Reconstruire un pays après l’avoir détruit.
Tu vois, je te raconte. Mais tu doutes, tu veux que je m’explique. Alors, je recommence: au début, il n’y a rien, ou presque. Juste un pays en paix et un dictateur en puissance qui rédige un discours en léchant bien ses mots. Alors, ça se met en route. Sans concertation. Le pays devient soudain l’actualité que son petit monde entourloupe et façonne. Pour que cesse la rumeur, il attaque les fondements de la démocratie avec fureur. Il rafale des mots, des mots qui rendent craintifs et obséquieux les peuples de ce pays en paix: ordre policier, expulsion, népotisme, lumpen prolétariat, romanichels, identité nationale, outrage à …, mots capables de nier cette volonté humaine qu’il voudrait niveler, mais l’arrogance est dans la cuisine politicienne et il rugit sur cette usine à gaz qu’il voudrait remplir de sa puissance, dès lors que les démocrates dans la rue lui clouent le bec en gazouillant, manifestant leur désespoir et leur colère dans la ville, écoutant les tribuns de la gare et les sommités de l’Ossau.
Tu vois, c’est facile. Il suffit de remplacer des mots par d’autres. Reconnais que ce n’est pas compliqué. Un pays en paix ne se reconstruit pas sur des ruines. Dans d’autres pays, cela se pratique, hélas. Les faits sont moches et les conflits dévastateurs. Et l’effet que produisent ces guerres fait mouche sur l’opinion. Protégeons-nous. De tout et de tous. Refermons nos frontières, armons nos milices, bloquons les accès, élevons des murs de béton jusqu’aux sommets du ciel, barricadons les océans, les mers. La misère puante est un nuage de Tchernobyl, une brume cendreuse islandaise, un feu de toundra.
Juste une machine à écrire et une mouche qui lèche la vitre en bourdonnant.
-par AK Pô
05 09 10
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