L’homme du Monte Igueldo
Une fraction de seconde. Voilà le temps suffisant pour raconter une histoire : le croisement d’un regard sur le visage d’un homme qui baisse la tête au passage d’un autre. Cet instant fragile qui relègue celui qui regarde -moi- dans les îles infortunées de celui qui y survit , lui , l’homme du Monte Igueldo, ce parc d’attraction qui fait face à la baie de Saint-Sébastien.
La saison hivernale se prête à tous les abandons. Janvier débute, les fêtes de la nativité sont exsangues. Melchior passera offrir ses étrennes, puis ce sera la reprise, les gosses à l’école et l’activité économique fera planer ses ailes noires au-dessus de la cité maritime. Mais en ce vendredi, en haut du funiculaire, tous les manèges sont fermés, sauf le sien : un plateau d’autos tamponneuses, de quinze mètres par dix. Des baffles, arrimés aux ferrailles, vomissent leur musique crachotante de supermercado infantil, l’esplanade est déserte et le temps radieux. Quinze degrés à l’ombre, et en bas, au niveau de l’Atlantique,au-dessus des rambardes ouvragées de la plage, la ville se drape d’une légère brume, sur laquelle le soleil darde ses étincelles adamantines, ses contre-jours, ses ombres coriaces. Le port déjà se réchauffe, fait sécher son linge aux fenêtres, lové sur le flanc de la vieille ville.
Là-haut, impassible, l’homme se tient debout, entre la balustrade qui relie le vertige à la beauté du lieu, seul, beau. Quel âge peut-il avoir, comparé à celui que lui porte mon regard ? Une dizaine d’années de moins ; mettons. Son visage est lisse, étrangement buriné pour la saison. D’où l’idée qui surgit de sa présence permanente en cet espace ludique, par tout temps, suivant chaque saison, chaque cycle solaire depuis son promontoire, gardien de ce royaume magique mêlant la pierre, le béton et les rêves d’enfants, ceux également des parents qui les précédèrent et des grands-parents qui les inaugurèrent. Peu à peu, mon regard s’imprègne d’un parfum de rêveries, à l’idée que cet homme a toujours été là, ou est-il plutôt figé dans cette dizaine d’années qui nous séparent et que je retrouve maintenant, précisément, alors que mes yeux, en une fraction de seconde, ont décidé d’en faire une histoire ? N’aurions-nous pas, de fait, le même âge, et ces dix ans ne seraient-ils pas les nôtres, identiques, plantés dans le temps immobile, alors que resurgit un autre espace intangible: un plan d’eau où de petits bateaux à moteur pétaradants et fumants, permettaient de naviguer dans le bassin, qui existe toujours, à l’identique. Mon premier souvenir du Monte Igueldo, voyage scolaire d’une classe de sixième, venue en bus de sa cambrouse pyrénéenne.
Par le funiculaire de la mémoire en ce vendredi de janvier (même la cafeteria est bouclée à double tour), le visage d’un gamin réapparaît, debout, adossé à l’un des six piliers du plateau des autos tamponneuses ; ses yeux clairs brillent, il sourit, s’amuse à observer les autres s’entrechoquer, rire, hurler, semble émerveillé par ces heurts et ces mouvements aléatoires qui poussent les petits engins les uns contre les autres, par cette joie mêlée qui transite sous la musique et les relances au micro du gérant pour rendre encore plus électrique l’ambiance, plus concrète la vente de tickets, écoutez ces fracas écoutez cette folie joyeuse, et le gamin adossé regarde, absorbe l’amplitude, vérifie le discours mensonger, l’adopte, le conforte en de nouvelles paroles qu’il sent monter en lui, il repeint le caisson de la billetterie, redécore les petits véhicules, remet en scène ce spectacle mouvant, tonitruant, rêve comme un grand de faire fortune, là-haut, au soleil.
Je saute à mon tour du petit bateau à moteur. Il fait beau. Nous sommes toute une ribambelle de gosses bruyants, gais, sans soucis. J’ai dix ou onze ans, je suis grassouillet, timide. Quand je passe à côté de lui, il me regarde droit dans les yeux ; je baisse la tête : il est si beau, si fin, le teint buriné comme s’il avait traversé tous les océans de mon imaginaire, sous le ciel bleu du Monte Igueldo.
Aujourd’hui, sur l’esplanade déserte qu’un chaud soleil inonde,pas même une mamie avec son chien en laisse assise sur un banc. La gare du funiculaire, située en contrebas du belvédère, nécessite l’ascension d’escaliers retors, aux marches inégales. Ainsi en va-t-il de même pour joindre les différents paliers du site et leurs attractions défraîchies.
Et puis, soudain, nous nous sentons si vieux tous les deux, qu’en se croisant, nos regards s’esquivent. Sommes-nous encore vivants ?
AK
Le temps
Je replie mon bras gauche, celui que le poids de ma montre ankylose, regarde les aiguilles quelques secondes, la trotteuse tourner. Je me rends alors compte que c’est indéniable : j’ai pris un sacré coup de vieux ! Cela fait trois heures que j’attends, un bouquet de lilas d’Espagne piqueté de roses saintes de Lima dans la main droite, sous ce porche qui abrite certainement tous les passants sortis sans parapluie, des crétins comme moi qui ne s’intéressent à la météo que quand les typhons se réduisent à des tempêtes tropicales avec des cocotiers penchés et des villes dévastées, spectacle terrible s’il en est, comme est stupide le fait de sortir sans parapluie un jour de novembre quand on a rendez-vous avec, croit-on, l’amour, ou tout autre formulation adéquate exprimant le plaisir d’un homme et d’une femme sous l’emprise de turbulences libidineuses, emporté par un cyclone sentimental et érotisant.
Attendre. Un des verbes les plus rudes de la langue française. L’Homme passe une bonne partie de sa vie à attendre, au même titre qu’il dort, travaille, fornique et passe son permis de conduire. Il attend beaucoup des autres, il attend le bus, sa majorité, de passer à la caisse ou au guichet, il attend sa retraite, un geste, une subvention, la fin du mois, il @-tend son bras ankylosé par la sébile qu’il secoue face aux autres dont il attend la charité, il attend d’en savoir plus pour prendre sa décision d’y aller ou pas, il attend les vacances et le printemps, il attend l’héritage, les prochaines élections, le résultat du bac, des courses, du loto. (cette phrase est vraiment d’une clarté solaire !) Bon, d’accord. Mais pendant ce temps, qui fait tourner la machine, qui conduit le bus, qui scanne le paquet de spaghetti, qui signe le chèque, qui verse son écot dans la sébile, qui part en retraite, en vacances, qui vote, qui atteint la majorité, qui perd au loto, qui hérite des dettes du parent décédé , hein ? Je vous vois venir, contrairement à celle que j’attends depuis trois heures de l’après-midi, six heures à ma montre et le bouquet qui tourne de l’œil dans ma main droite, je vous vois venir mais soyez-en sûr, n’attendez aucune réponse de ma part à ces questions, faites plutôt comme moi, mettez en pratique votre attente, donnez rendez-vous à de belles femmes au 12, rue Lautréamont, le seul endroit de la ville qui ait un porche digne de ce nom, et laissez-vous gagner par l’ankylose et le parfum mystique des roses de Lima et du lilas d’Espagne, impassible sous les rafales de vent et les averses terribles du mois de novembre. Alors vous commencerez à comprendre.
Comprendre qu’il n’y a rien à attendre, ni personne. Que ce qui doit arriver arrivera : le bus s’arrêtera si vous lui faites signe, si vous faites le geste qu’il comprend (le bras d’honneur est déconseillé), la majorité viendra aussi, tant vous désirez vraiment acheter légalement du tabac, de l’alcool et vous ruiner la santé, malgré votre stature et vos délires adolescents en pleine révolution, le paquet de spaghetti sera scanné par votre copine qui s’est trouvé ce job pour poursuivre ses études, sans « attendre » que papa et maman se sacrifient pour elle (et donc pour vous, indirectement), et puis les pâtes, c’est bon et d’un prix abordable (mais le gaz, l’eau et le sel sont hors de prix). La fin du mois, quand elle approche, est aussi proxime que le début du mois suivant, restez optimistes, la queue au guichet avance, dites-vous que l’héritage est pour bientôt, chatouillez les pieds de Papi pour lui faire avouer ses péchés, fouillez dans les tiroirs de son bureau pour vous assurer de la non-présence de reconnaissances de dettes, faites de même dans les cabinets, soyez optimistes, votez pour ceux que vous détestez le plus, vous aurez toute latitude pour râler et manifester votre mécontentement quelques années durant – attention à l’option : régime imposé par le vainqueur- (sauf si vous changez d’avis ou de vie ou de statut social entre temps), continuez à jouer au loto avec enthousiasme et réjouissez-vous de faire partie de cette masse globuleuse (cloud) qui perd en s’exclamant ben mince, il m’en manque juste un, c’est con, on serait partis en vacances à Moliets, c’est pas encore la saison des typhons, dans les Landes, Ginou ? Allume le poste,c’est l’heure de la météo, et mon bras gauche est ankylosé. Trois heures à faire la manche, c’est pas une sinécure, ma Ginou, et les gens, planqués sous leur parapluie, qui font semblant de ne pas te voir, ne te demandent rien, même pas l’heure, même pas comment s’appellent les fleurs du bouquet que tu tiens dans ta main droite, lilas d’Espagne, c’est joli, ça fleure bon les vacances, enfin en ce moment ça pue sévèrement la crise que personne ne voudrait supporter ici, au 12 rue Lautréamont, et l’affichette de Rose de Lima, première sainte du continent sud américain, ils s’en tapent le coquillard !
– » Bon, c’est bien joli, mon Choupinet, mais je n’ai rien compris à ta démonstration. »
– » Attends, Ginou, je reprends et tu vas comprendre »
– » Certainement pas, je n’attendrai plus une seconde, et c’est toi qui va comprendre : mets le couvert ! »
AK
la tata Agudo
Mince, craquante et fragile comme une branche de bois mort, parfumée comme un brin de muguet, tata Agudo grimpait en soufflant les cent vingt marches de l’escalier en bois ciré de cet immeuble propre dont l’ascenseur privé ne desservait que les trois premiers niveaux, regagnant son petit logement au sixième et dernier étage, celui si proche du septième, siège des gens heureux. Elle les montait seule, ces marches, depuis quinze ans maintenant que son mari Fernando était parti plus haut, au-delà des nuages et des constellations du cœur, des sondes coronaires et des sondages d’opinion intergalactiques. Les gens de l’immeuble, pour la plupart beaucoup plus jeunes, héritiers légitimes de ces appartements à fort potentiel immobilier, l’aimaient bien. Comment ne pas l’aimer, cette femme qui avait chéri son mari toute une vie durant ?
Dans cet immeuble de style néo-classique de la aveigunda de Arago, tout un Passé barcelonais était gravé, à l’aune du temps ; on apercevait l’arrière de la casa Batlo de Gaudi depuis le minuscule balcon de la cuisine, au-dessus des jardinières cousues de géraniums, mais le plus important se situait ailleurs, dans cette vie commune d’un couple qui avait traversé durant quarante ans l’amour, vécu la guerre civile, connu l’exode et le retour, les privations et les petits bonheurs, tels que ces bals du samedi soir où tata Agudo et Fernando se rendaient chaque semaine, à la fin des années cinquante, dans une petite salle qui faisait face au Palau de Musica Catalana. Barcelone renouait en ces temps-là avec la fête, la prospérité et, vingt ans plus tard, à l’arrivée de Jorgi Pujol, à une autonomie plus représentative certainement qu’une indépendance de facto.
A l’époque où nous rencontrâmes tata Agudo, elle était déjà veuve depuis une quinzaine d’années. Le parapluie, les vêtements de Fernando occupaient encore les placards, rien n’avait bougé dans cet appartement minuscule. Il y régnait un parfum de travail et d’ardeur, de craie de tailleur, son métier, cette craie magnifique qui dessine les formes des patrons qu’ensuite l’on taillera en pièces, puis qu’on assemblera, parfaitement ajustés, à la corpulence du client, du temps, quelle que soit son importance, sa situation sociale, son bedon ou sa mort à crédit. La guerre avait juste pris la dimension des démesures et les costumes de Fernando, dans la pièce sans fenêtre de l’appartement (il aurait pu travailler comme photographe dans cette pièce noire) conjuguaient l’être présent des haut gradés et le néant des invalides, culs de jatte, manchots, unijambistes, qui de chairs à canons retrouvaient dans ses coutures l’élégance de ce qu’il est convenu d’appeler du même nom : canon de « chat beauté ». De ce soleil mourant qu’était devenue tata Agudo, quelques photos de jeunesse qu’elle nous montra révélèrent l’extrême sagacité de la jeunesse, le frisson des êtres amoureux, l’exubérance du bonheur. Elle était belle, et, le doigt maigre à l’ongle peint pointé sur les images, racontant les visages, les lieux, les moments, ce doigt était beau lui aussi, et nous, jeune couple, captions tout ce bonheur enfui que nous évoquait cette vieille femme avec un sentiment qui n’était plus un simple partage, mais un véritable lien filial.
Elle nous emmena un samedi matin dans ce petit marché proche de la via Diagonal, interpellant les commerçants dont certains avaient son âge, lançant à notre égard un « ficati » que nous traduisions par un « figure-toi » lorsque le prix d’une denrée lui semblait excessif, ou le comportement d’un individu, un ficati qui nous disait dans son volapuk les temps ont changé, les enfants, figure-toi ! Et nous prenions des patates douces (Fernando adorait les patates douces), elle cuisinerait comme il les aimait, nous buvions un Valdepeñas (c’était le vin préféré de mon Fernando, ficati,) et ensuite nous regrimpions les six étages, le petit Caddie plein, plein comme il ne l’avait jamais été avant notre visite.
Barcelone n’était pas devenue cette cité euphorique, hyper touristique, et bruyante qu’elle est aujourd’hui. On y dégringolait depuis l’interminable avenida del generalissimo Franco, avec des immeubles lugubres (plus sombres que l’arrivée à Gênes, en Italie, à la même époque). La Barceloneta était prolo, mais ouverte. La plaza Réal, déjà, brûlait en braseros ses corbeilles en fer blanc (ce qu’elle faisait encore, il y a peu, dès la fin du jour ou du marché). Le Paseo de Gracia ne changea pas, qui montait lentement vers le Parque Güell, le Tibidabo. Laissons fleurir nos souvenirs disait tata Agudo, s’ils ne nous font pas renaître, au moins oublient-ils que nous avons vécu, que nous avons perdu toute espérance et que nos mémoires ne sont que du bonheur ancré au quotidien, à l’immédiat.
Il pleuvait sur Barcelone, ce matin-là. Nous voulions vagabonder en ville. « Prenez le parapluie de Fernando, ficati ! C’est un beau parapluie ! Je ne l’ai jamais prêté à quiconque. Faites-y attention, jovenes ! «
Nous partîmes en ville, y marchâmes en tous sens comme guidés par une seule et véritable nécessité : nous perdre. Dans des lieux, des moments, des gens, des instantanés, dans le boucan des voitures, dans le charme des jardins, nous perdre dans la mégapole avec non seulement les yeux bleus de tata Agudo, mais encore les coups de ciseau de Fernando, pour que notre errance touristique conserve, bien des années plus tard, le goût du Valpedeñas et des patates douces. Et un costume taillé à nos mesures, itou.
Ficati !
AK
Publié le 21 Mai 2022 par karouge

Dans notre lointaine province, depuis des décennies, voire des siècles, la question s’est toujours posée : pourquoi quand l’ours danse le mouton saute-t’il ? (et vice et versa, quand le mouton saute l’ours danse). Eh bien, la réponse est très simple : quand l’un est content l’autre le regarde d’un mauvais œil.
Ainsi l’ours est bougon, plutôt solitaire, mais placez-le dans une cage. Vous le verrez alors tourner comme une toupie, impatient d’aller au bal. On dit souvent qu’il est mal maquillé, ce qui signifie qu’il s’est mal léché les moustaches et que sa gomina coule dans son cou velu. Pourtant, observez ses griffes, tendrement entretenues, aptes à cueillir des myrtilles qui colorent ses pattes et le rendront, sur le parquet festif, excellent danseur. Cependant, jeunes femmes, protégez vos escarpins, car l’ours est balourd et souffre d’un complexe d’intériosité, dû à sa longue période d’hivernation dans des cavernes plus sombres que les caves des grands crus bordelais, quand on éteint les lumières.
Le mouton, quant à lui, est beaucoup plus fantasque. Le Mérinos, par exemple, s’installe dans les matelas et il faut payer le prix fort pour coucher avec lui. Par contre, le mouton de nos contrées, hormis les brebis qui font un excellent fromage (avec l’aide des bergers, mais nous y reviendrons plus tard), se contentent de brouter l’herbe fraîche. Ils se noircissent le museau et se saoulent de ces brins d’herbe à moitié calcinées, au sens primaire comme au secondaire. Si vous rencontrez un troupeau de moutons dans les alpages en début d’Été, leur museau tout noir n’est pas, comme on pourrait le croire, dû à une ébriété anté-estivale avant l’afflux des touristes en sandalettes, mais aux écobuages qui chaque année incendient les prairies et, hélas, quelques bergeries. Il faut admettre que la différence essentielle entre le mouton des alpages régionaux ( races : lourdaise, barégeoise, tarasconnaise, castillonaise et nénèze) et le Mérinos réside dans le fait que celui-ci saute plus aisément dans (et sur) les matelas que la race commune qui manque de ressorts et se contente de brouter, de suivre le triste cours de sa vie esclave, surveillé par des patous (chiens des Pyrénées aussi gros que des ours polaires), patous prêts à les précipiter dans des ravins quand l’ours sonne à la clochette de la bergerie (mais jamais quand il y a des touristes) et que les patous font la sieste devant la télé avec leur maître (au journal de 13 h de TF1 uniquement).
Une étude récente a montré que si le mouton local saute, c’est pour se moquer du Mérinos (mais il a du boulot), mais aussi de l’ours. Car le mouton a cette capacité que n’ont pas les autres : il saute le pas, et notamment celui de l’ours, quand il écrase ses grosses pattes sur les jolis mocassins de sa partenaire. Cela s’est vérifié scientifiquement, à moult reprises, notamment dans la pratique du Tango, apogée subtile de la danse de l’ours et du saltimbanquisme du mouton. N’oublions pas cependant que le moindre canard dans l’orchestre peut créer une discordance phonétique dans le creux de l’oreille de l’ours qui lui fera commettre le mauvais pas. Des chercheurs de l’univers-ursidé de Californie font actuellement des recherches en Colombie Britannique (avec l’autorisation des agents canadiens pour la protection/éradication des grizzlys roupillant dans les poubelles de Vancouver). Nous trouverons bien, au pied de notre petit pays, un professeur émérite nous instruisant de l’avancement de ces recherches. C’est souhaitable.
Parlons maintenant des intermédiaires, entre ces deux rigolos pas risibles que sont l’ours et le mouton. Parlons du berger, oublions la bergeronnette qui frétille dans les jardins publics et les caniveaux des villes qui puent. Soyons sérieux. Je crois bien qu’il s’appelait Claverie, c’est un nom du coin. Ils étaient deux frères, célibataires, et habitaient la presque plus haute maison du village. Nous étions jeunes et venions retaper une vieille grange, le week-end. Sur le chemin muletier, il montait ou descendait, les cuves vides en montant, pleines en descendant. Je ne me souviens plus à quelle fréquence, et puis, en semaine, nous étions au lycée. Les pâturages se trouvaient, pour lui, à environ une grosse heure de marche. La mule portait les bidons, un chien l’accompagnait. Il était content de nous croiser, juste parce que nous étions là, dans la montagne. Une présence constructive. Il faisait son métier, dans la solitude des bergers de l’époque. C’était un homme robuste, comme en fabrique la montagne. Mais seul. Comme le sont les hommes de ces espaces là : immenses et inexistants dans la salive du silence.
On ne parlait pas d’ours, à l’époque, sans doute les bergers en étaient-ils les seuls représentants. Les troupeaux étaient moins nombreux à garder, (son cheptel ne devait pas excéder 200 moutons), les fromages avaient du goût et personne ne mourait de faim, mais déjà beaucoup d’agriculteurs mouraient d’amour, de vieillesse et de pauvreté. Il n’y avait qu’une chaîne à regarder, celle qui remontait leurs yeux sur la télé et ses dérivés. Comme aujourd’hui.
Aujourd’hui, c’est quand ? Faudra-t’il faire danser les ours, sauter les moutons pour enfin trouver ce sommeil dont chacun d’entre nous ne sait s’il le trouvera ?
D’autant que le loup viendra, figure qui effraie les enfants. Quant au lynx, ses grands yeux et ses belles oreilles, eh bien, disparaîtront à jamais. Rassurons-nous : nous prenons le même chemin de nuit ( en nyctalopes aveugles).
AK Pô
14 04 2018
Ptcq
« J’ai trop honte » : pourquoi Carole Delga a refusé de participer aux universités d’été du Parti Socialiste
Attaque de vaches de Quérigut : « Nous sommes des miraculés », témoigne le père de famille, sévèrement blessé
Moustiques : vous n’en pouvez plus et vous voudriez tous les éradiquer ? Pourquoi c’est une mauvaise idée
Accident mortel dans les Yvelines :
« J’étais scotché, une force intérieure avait pris possession de moi » :
| la descente aux enfers d’une mère de famille isolée et endettée |
| Vacances : victime du mal des transports ? Fixer l’horizon, faire des pauses, manger léger… ce qu’il faut faire et ne pas faire |
Avalanche de boue et de cailloux à Estaing : récit d’une nuit mouvementée
Vacances : vous avez loué un logement pour vos congés et vous avez eu affaire à une arnaque ?
« Nous sommes passés à quelques centimètres du drame »
| Vacances : Beyoncé, Patrick Bruel, Vincent Cassel… où les stars partent-elles en France ? |
Policiers soupçonnés de violences à Marseille : comment fonctionne l’IGPN, la « police des polices » ?
Touriste violée au Champ-de-Mars
Pommes de terre : pourquoi les prix flambent mois après mois depuis un an
« Quitte à prendre une grosse peine autant la buter » : un Castrais menace de mort son ex-conjointe le jour de la pose de son bracelet anti-rapprochement
Vacances : vous avez loué un logement pour vos congés et vous avez eu affaire à une arnaque ? Racontez-nous
Piégé par la police, le prof de sports pensait envoyer une photo de son sexe à une ado de 13 ans
| Adepte du régime crudivore, l’influenceuse Zhanna D’Art serait morte de faim, ou des suites d’infection liée à son régime |
Condamné pour violences conjugales, il récidive le lendemain
La tortue sauvée par les pompiers près de Toulouse devrait retrouver son propriétaire
Une zone de 125 km2 confinée à cause d’une invasion de… mouches
| la descente aux enfers d’une mère de famille isolée et endettée |
| Vacances : victime du mal des transports ? Fixer l’horizon, faire des pauses, manger léger… ce qu’il faut faire et ne pas faire |
Avalanche de boue et de cailloux à Estaing : récit d’une nuit mouvementée
Vacances : vous avez loué un logement pour vos congés et vous avez eu affaire à une arnaque ?
« Nous sommes passés à quelques centimètres du drame »
| Vacances : Beyoncé, Patrick Bruel, Vincent Cassel… où les stars partent-elles en France ? |
Policiers soupçonnés de violences à Marseille : comment fonctionne l’IGPN, la « police des polices » ?
Touriste violée au Champ-de-Mars
Pommes de terre : pourquoi les prix flambent mois après mois depuis un an
« Quitte à prendre une grosse peine autant la buter » : un Castrais menace de mort son ex-conjointe le jour de la pose de son bracelet anti-rapprochement
Vacances : vous avez loué un logement pour vos congés et vous avez eu affaire à une arnaque ? Racontez-nous
Piégé par la police, le prof de sports pensait envoyer une photo de son sexe à une ado de 13 ans
| Adepte du régime crudivore, l’influenceuse Zhanna D’Art serait morte de faim, ou des suites d’infection liée à son régime |
Condamné pour violences conjugales, il récidive le lendemain
La tortue sauvée par les pompiers près de Toulouse devrait retrouver son propriétaire
Une zone de 125 km2 confinée à cause d’une invasion de… mouches
03 08 2023
AK
Mélancolie
Mélancoolie
Mélancolie mêlant coolies
La compagnie des Indes
Et des autres
Ça fait désordre
Les chiens sont devenus si beaux
Et nous si clowns de Watteau
Les matinées sont longues
Au Père Lachaise
Où les vieux chiens nous gardent
Mélancolie mêlant coolies
La compagnie
Des Indes et des autres
Ça fait désordre
Les vieux sont devenus si vieux
Nous si absents, si miteux,
Les femmes partouzées, mordues
Par le dentier du Père Lachaise
Mélancolie mêlant coolie
La compagnie
Des Indes et des autres
Ça fait désordre
Manger ton pain sandwich journal
Aimer ton cul, lecture torche-cul
Ma vieille turlute tu pues
Faut te sortir : métro, tramway
Mêlant coolie mélancolie
La compagnie
Des Indes et des ordres
Accroupi là, au coin de la rue
Il regarde la sortie du métro
En ouvrant le trou de sa bouche
En tendant la main qui a faim.
16 04 1988
AK
Je ne peux plus me regarder dans un miroir tant tout ce qu’il reflète retourne le blanc de mes yeux vers le Passé. D’ailleurs, par inattention je viens de le briser., le miroir, le Passé est dans le marbre. C’est ce qui pourrait être nommé aveuglement, dérapage incontrôlé dans une salle de bain, ou lutte acharnée entre la chair qui n’est plus canon et celle qui l’était, dans toute l’humilité des plaisirs charnels et des combats amoureux. Victoires à la Pyrrhus.
68 anges me sont passés dessus et un seul d’entre eux un jour m’a séduit , qui se nommait Femme de Tavy, rencontré dans une petite ville de province , ange qui à son tour déprime aujourd’hui et troque ses plumes contre des rides et du rimmel. Les ailes du désir deviennent feuilles mortes et ce qui crisse sous les pieds sont des chansons d’automne, pour qui marche encore dans la vie. Les ombres hurlent quand le soir tombe, et vilipendent le vieillard attardé sur le banc, alors que le gardien du kiosque arrive avec ses clefs. Les enfants ont joué dans le bac à sable, sous le regard des chiens tenus en laisse, ces interdits d’espaces communs obligés de pisser au pied des lampadaires , comme un homme attend sa maîtresse aussi longtemps que la vessie ne le lâche pas, vu le temps passé sous le réverbère . La nuit tombe pour les amants et les étoiles sont plus fragiles que le bris de cette glace qui éclate sur le sol avec ses reflets adamantins.
Alors le miroir tourne le dos à l’homme, la fragilité du bonheur se brise en mille morceaux de mémoires : le bonheur devient voyageur, chaque éclat éclaire (c’est son rôle luminescent) ; des nouvelles vies ne persistent que les défaites et la désillusion, tel un crime parfait dans un polar de série Z. L’homme écrase de sa main le gâteau, il prend la solitude pour maîtresse, dont il sait qu’elle ne le quittera jamais, mais incapable de souffler 68 bougies d’un seul souffle, il écrase d’une main la pâtisserie, et jette sur les visages les murs et les tentures ce qui en composait la texture, le goût et le désir des gourmands rassemblés . Chacun s’offusque, dit que Pépère est devenu gâteux, le dessert devenu irrécupérable alors que toute la famille était venue pour dévorer la pâtisserie avant l’héritage plutôt que pour le grand-père, lui qui a cassé le miroir de la salle de bain en trébuchant : tiens, la famille, voici sept ans de malheurs que je vous offre pour mon anniversaire !
Mais l’heure est venue de l’avouer : c’est moi qui, la première fois, ai brisé ce sale miroir. Il me ressemblait : j’avais treize ans et aucun poil de moustache pour agrémenter ma lèvre supérieure, ni mon menton. J’avais envie de ressembler à mes grands frères, qui se moquaient du morpion que j’étais. Aujourd’hui, c’est ma revanche.
Ces grands couillons sont morts, et ma barbe a poussé , 68 anges dans une vie sans église ni chapelet, pour autant, sachez que si un soir la chance vous sourit, vous pourrez observer un vieillard les bras cerclant un lampadaire éteint rue du Rendez-vous (Paris XIIe), et dites-vous bien une chose : ce n’est pas moi, juste l’ombre blanche de mes nuits qui étincelle dans les yeux des amoureux.
AK 25 07 23
pour combler le manque actuel d’articles (faute de temps), quelques trouvailles musicales :
Spécial Bretagne pour terminer :
(Merci au Vieux singe pour ce titre qu’il n’a pas vu venir!)
Certes j’ai lu dans ma vie pas mal de livres, mais ils m’ont tous oublié.
La lecture m’a sans doute offert l’absence de la réalité et ce sentiment d’être désormais devenu aveugle dans un univers qui ne possédait que deux ingrédients : l’encre et le papier. Atteint sans doute d’un mal profond je n’ai pas su comprendre les mots les phrases la ponctuation et les idées qu’ils révélaient muettement. Oiseaux perchés sur les nuages du songe, romans mensongers d’un réel plus vrai que nature, nature plus sensible que la palpation d’une feuille que l’on tourne, et qui meurt dès lors qu’elle a été lue, intrigue amoureuse, sentimentale ou policière qui cherche la fin de son volume empirique et plonge le lecteur sous moult couvertures, endroit qu’il reconduit en rêve sous la quatrième (couvrante) et quand au matin il se réveille d’autres bouquins telles des biquettes rechaussent ses lunettes il s’aperçoit qu’il est atteint de cécité, son cerveau baisse ses paupières comme des stores vénitiens, la cataracte le guette sur les caractères d’imprimerie : le lecteur vieillit, les récits l’endorment. Tous les livres qu’il pensait relire s’enferment dans les étagères de la bibliothèque. Il n’a plus les yeux, la mort approche et l’horloge sonne chaque heure comme un tocsin malsain. Tous les livres l’ont oublié, mais beaucoup l’ont aidé à vivre.
Le jour de sa mort, livré à lui-même, il monte seul dans l’ascenseur qui le mène au paradis des lecteurs. Il trouve le bon dieu en train de lire, et lui demande : « buon diu -il vient du sud-, qu’est-ce que tu lis, donc ? »
L’autre, lui répond : « la Bible, c’est le seul livre que j’ai dans ma bibliothèque. Ces cons des Croisades avec leurs évangiles, les Coraniques musulmans et les Torhas juives ont brûlé aussi (et pas qu’en Suède) les autres bouquins qui auraient pu me renseigner sur les hommes, leurs vérités, leurs réels besoins, alors ma culture, tu penses, réduite à un livre, dont on ignore même le nom de ou des auteurs ! »
Je pensais aux animistes, qui n’avaient pas besoin de papier ni d’encre car les arbres et les rites ancestraux leur suffisaient. Mais tout avait également brûlé, l’Amazonie, les forêts canadiennes, les plumes des indiens, etc) telles des lunettes dans le champ de vision de biquettes dévorent tout ce qui ressemble à la lecture. Bref, tous les livres avaient aboli mon existence en me transportant dans l’espace-temps, et je m’étais perdu dans leurs chemins, ceux qui m’avaient sauvé la vie, pour les avoir suivis ou au contraire les avoir évités.
L’homme est un revanchard : la nature le nourrit mais il grignote tout ce qui va dans le sens du bonheur, du paradoxe terrestre, il vomit pour mieux rouvrir son appétit vindicatif, se moque de tout et se suffit à perdre jusqu’à l’ultime espoir de vivre. Comme les livres ont oublié l’homme dans sa cécité de l’écriture, de l’encre et du papier, les notes dans les marges, crayonnées, l’aventure que les yeux parcourent en suivant les lignes d’une page à la suivante. Dans un puissant silence, lire partout où la vie s’abandonne, puis se mettre debout, maladroit acrobate, et suivre ces chemins qu’inspirent les récits, les romans pour que la vie avance les yeux grands ouverts, jusqu’au cénotaphe dans lequel nulle humanité n’est ensevelie. (Mais gardez les couvertures, elles peuvent servir les grands discours).
Alors, écrire, c’est foutu ?
20 07 2023 AK
Commentaires récents