Un diable sélénite (mais con comme elle)… (rediff)

La nuit a planqué ses étoiles et la lune a explosé

Il aurait fallu aux poètes qu’ils taisent leurs excès

Mais de qui parlez-vous demanda un diable débonnaire

Vous avez transmuté l’eau des rivières en colliers de diamants

La richesse désormais vous affame et je n’y suis pour rien

Demandez à vos dieux de rendre tout ce qu’ils vous ont pris

Si vos dents sont si blanches c’est de mordre le néant

Les mots ne cessent de parler et personne ne les écoute

Les marchands de vent sont élégants,mais le sang coule

Dans leurs gants blancs, entre entregent et vie des gens

Pas un clampin ne retient leur bagout, seul l’haleine et le whisky

Attirent les clients, la part des anges et la bagarre

Sont les témoins d’un monde disloqué, la misère rampe

Abreuvée de discours disparates mais essentiels

Pour soumettre l’homme à l’ivresse des caniveaux

Engendrent les vomissures que nettoient les immigrés

À l’aube, quand l’eau roule et que les balais dansent

Mais qui es-tu, diable débonnaire, pour nous parler ainsi ?

Je ne suis pas grand chose, en vérité je suis personne,

Je compose mes rêves et leur musique m’accompagne

La nuit je pète et le jour le violoncelle devient femme

Quand je vous regarde, je ne vois personne,

Pas le moindre reflet d’humanité, pas la moindre empathie

Je suis absent de vos misérables instincts, mais je suis là.

13 09 23

AK

T’as une belle gueule, Pierre !

Jeannine, tu me les brises! (rediff)

Il y avait Thérèse et de la poule au pot

Une Thérèse à l’aise c’est beau !

Ce n’était pas le cas de Jeannine, tant elle était susceptible. Tout ce qu’elle a brisé dans l’appartement à cause d’une réflexion mal comprise, est affligeant : les pots de fleurs, les conserves de graisse de canard du Gers, les bibelots en terre cuite d’Ousmane Sow, le vase de Soissons que lui avait rapporté son frère Clovis (bien entendu, j’avais fait un jeu de mots sur ce prénom, « Clovis, le clou de la famille », et vlan ! Par terre, et le parfum de JP Gaultier, avec ses petits matelots pédérastes et les deux jambes féminines ornant l’opercule du flacon, envoyé dans le miroir de la salle de bain, bref, Jeannine était une calamité quand Thérèse me paraissait être d’une gaieté et d’un entrain à la Trenet, que l’on aimerait accompagner (sans traîner ah ah) sur la Marne, puis danser dans une guinguette en buvant du vin blanc. Mais Jeannine, c’était plutôt Jo Manda dans Casque d’Or, un genre d’étoile qui brille sur une lame de surin.

Dire que l’on s’était mariés dix ans auparavant, bénis par l’abbé de Somme, un petit bled du Nord, et que nous étions descendus pour notre voyage de noces à Sète, dans le sud de la France, avec notre Ami 8 break-seat, petite ville où nous avions décidé de construire notre petit nid, assez volumineux pour y accueillir sept nains joyeux qui grandiraient heureux sur les chalutiers lors de la saison de la pêche au thon. Mais tintin. Jeannine n’aimait pas le poisson, ni Hergé, ni Disney. Face aux admirables canaux de Sète elle détournait ses yeux vers Canal+, fumant sans discontinuer des cigarettes roulées avec du papier OCB (Odet-Cascadec-Bolloré). Notre maison, située sur un flanc du mont Saint Clair, devînt très vite une pétaudière, et la fumée du tabac se propagea aux disputes, sans qu’aucun nain n’ait montré le bout de son nez. J’eus un soir cette réflexion : « Sète assez! », qui mît Jeannine dans une telle fureur qu’elle brisa la jolie statuette en verre de Murano (qui coûtait une fortune), un millefiori représentant un cétacé rempli de perles rares aussi nombreuses que du krill dans les eaux arctiques .

Mais l’amour persistait, et cette casse matérielle n’entama qu’un temps notre union. Il me faut admettre que Jeannine avait d’autres attraits tels que des jambes aussi fuselées que celles des flacons de Gaultier, tout comme elle adorait toucher le pompon rouge du bachi de mon costume de matelot en disant « il paraît que ça porte bonheur ». En ces instants de tendresse, je ne pouvais (enfin, c’est arrivé une fois) que lui répondre « ma chérie, tu aimes mon bachi comme j’adore ton bouzouk », et pof ! Elle se mit à chanter comme la Castafiore et brisa de concert les deux boules de cristal que nous avait offert madame Violetta dans sa caravane de la place de Verdun, lors de la fête foraine paloise, ou madame Mona, à Montpellier, bref deux belles boules qui finirent dans la pelle en plastique, plastique qui ce jour-là plaça le corps de Jeannine dans le manche à balai que je tenais en main et dont je venais de signer l’arrêt définitif de toute sorcellerie volatile (Shabbat comme ça) . Avec un peu de temps j’aurais senti sa susceptibilité m’envahir, l’accepter sans mot dire, mais en la maudissant chaque heure à venir. Alors, plutôt vivre avec mes jeux de mots ! Eux me réjouissaient, poussifs, tranquilles, d’autant que la chanson de Trenet continuait à me traverser l’esprit, comme il est dit plus haut mais que le lecteur a oublié, susceptible qu’il est lui aussi, comme Manda dans Casque d’or, prêt à me seriner que les chants les plus beaux sont les plus désespérés…

Allons, viens ma gigolette, viens ma Thérèse aux beaux yeux de Lisieux, et vlan !

« Si tu veux danser avec moi, évite tes jeux de mots foireux, j’en ai ma claque de vous entendre les mecs faire des rimes avec Thérèse, qui aime quand on la… Tu ne pouvais pas les faire avec Jeannine, qui aime quand on la… ?

Beau dommage ! Si ce soir entre la poire et le fromage je suis seul à mitonner une belle poule à Pau, c’est la faute à Trenet !

29 12 2020

AK

Les mardis de la poésie : Abdelkader Guerine

Un dernier silence

Je pars ailleurs mon sac doté
De mots qui chutent de chaque coté
De l’encrier quand je me noie
La chair peinée en plein la joie.

Et j’écrirai
Et j’oublierai
Les rêves qui n’ont jamais duré,
Et en avant
Vers le levant
Je les terrai de mon vivant.

Je pars marcher sans m’arrêter
Au noir des nuits et m’inventer
Le feu d’un jour qui me promet
La vraie moitié de mon aimée.

Et je dessine
Et je m’obstine
A croire à l’art qui me fascine,
Et en lancée
Dans mes pensées
J’en fais hélas un songe sensé.

Je pars sans bruit à l’aube d’une cause
Suprême d’une vie velue en rose
Prévue ailleurs pour mes honneurs
En quête de mon meilleur malheur.

Et je m’endors
Et je m’en sors
De l’existence des esprits morts,
Et je commence
Dans mon absence
Un autre cauchemar dans le silence.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°

L’absurde

Des lettres en or entre les doigts
Du cœur chanteur d’une vive voix,
Des airs en vogue à l’infini
Volent dans les mains des hommes unis.

Les passants parient que l’histoire est un ensemble de chiffres encadrés de vent,
La ville écoute le château de cartes qui s’effondre faisant un bruit d’échos abrutis,
Le roi vous parle:

Peuple pleureur des pierres chutées
Des murs ôtés de la cité,
N’enlevez guère le moindre fil
Avant la fin du mois d’avril.

Peuple ignare qui passe singer
L’archive vidée de ses rangées,
La grande nation un jour punit
Les mal-faiseurs et les bannit.

Peuple coureur dans le recul
D’absurde en vil en ridicule,
Voilà la clé de la serrure
Des mots sincères qui vous torturent.

Les passants aboient en meute coléreuse après que la caravane soit déjà passée,
La ville accueille la foule amnésique égarée à la croisée des grandes misères,
Le poète s’inspire.

Des lettres en perles sur de la soie
Au cœur de l’âme de toute ma foi,
Des airs qui voguent que je dédie
En fleurs cueillies du paradis.

Extrait de: Le célèbre inconnu (2012, Dar El Gharb Editions)

Biographie sommaire : (peu d’éléments!)

Abdelkader Guerine est un poète et écrivain algérien auteur de plusieurs recueils de poésie parus chez Dar El Gharb. Il est aussi journaliste après une longue carrière dans l’enseignement. Passionné aussi par l’art, il a fait également ses débuts dans la peinture pour exprimer des émotions étrangement douloureuses pour teindre les mots de couleurs riches de vie. Après son premier recueil, l’Ombre de l’eau, où l’auteur essaie de traduire poétiquement l’existence comme un cadeau dont l’homme n’est jamais satisfait, il n’est pas maître d’un destin qu’il n’a pas choisi, il subit le temps et passe comme une ombre à coté de la vie. L’Ombre de l’eau voulant simplement dire l’ombre de la vie… (cf site https://www.poemes.co/ d’où sont tirés ces poèmes )

Be carefull au carrefour, man ! (rediff texte 1986)

Il hésite, songe qu’un carrefour est déjà une rencontre. Son œil se tourne sur le jupon d’une femme, qui passe. Passe avec nonchalance devant son regard atrophié. Il tire de sa poche un paquet de cigarettes molles et contente en le palpant son torse bombé. Se dit que la nuit est splendide. Son œil agresse une starlette qui évolue sur une bouche de métro, sur le trottoir. Il sait où il va.

Moi non.

Je le suis.

Au carrefour il rencontre un gros porc à qui il demande l’heure. L’autre grouine : « presque neuf heures ». Il le reprend : « je vous demande l’heure exacte. Quand vous allez dans un bistrot on vous donne un ticket incluant le service compris. Vous profitez des 15% en emportant le cendrier et l’eau de Seltz. Bref, l’heure c’est l’heure ! » Le gros porc rectifie en regardant sa Rolex, et poursuit son chemin.

Moi non.

Je le suis.

Une femme exceptionnellement seule le toise. Il atrophie son regard avec nonchalance, tire de sa poche un revolver et contemple son torse bombé. Se dit que la nuit est idéale. Son œil vise la plus tendre des entreprises et le revolver le plus doux des coups. La rencontre est déjà au carrefour. Alors il hésite. Il hésite sur la texture du jupon ; les jupes à volants sont si andalouses.

Moi non.

Je suis grec par ma mère.

Mon père était actionnaire dans une fabrique de cendriers et de bouteilles d’eau de Seltz, alors quand vous allez dans un bistrot, 15% du lieu vous appartient, sauf le temps qui court, mais franco de porcs. Demander l’heure à un carrefour est approximatif. L’heure c’est l’heure mais le bonheur c’est autre chose. Il rectifie son chemin, qui le poursuit. Presque neuf heures et une trentaine de minutes. Elle arrive.

Moi non.

Je suis mauvais bougre, par mon père.

Il toise une femme extraordinairement habitée par la solitude, la lorgne de ses yeux torves et la dénude du bout des dents. Les porcs sont gras et les quais de la Seine tristes. Une pluie fine habille à présent la nuit. Il atrophie sa nonchalance pour mieux se fier aux seins qui se balancent devant lui, portés par une belle, de nuit. Vous profitez des 15% ? croit-il entendre en la croisant. Ses poches sont pleines de revolvers et les yeux, n’en parlons pas. Les jupes à volants sont si andalouses qu’elles rendent jalouses les toréadors. Le carrefour est au rendez-vous. Imperturbable. Mais la rencontre est franco de porcs et de taureaux. L’heure c’est l’heure et le bonheur s’est planqué dans un bestiaire.

Moi non.

Je le suis.

L’eau de Seltz il la boit entrecoupée de whisky et les cendriers il les noie de mégots argentés. Il hésite à écraser les cigarillos, songe qu’un carrefour est comme un hall de gare. Son œil tournique. Il sait où il va. Il demande l’heure au lampiste de l’hôtel et le nombre d’étages à gravir. Il prend l’ascenseur et demande à l’andalouse d’exciter l’escalier. Le frou frou des volants au carrefour de l’amour agit en lui comme un incident de parcours. Il trébuche sur le septième palier.

Je le sais.

Je le suis.

Elle connaît la chanson qui n’est même plus refrain.

Elle connaît le refrain qui n’est plus musical,

Elle connaît la musique qui n’est que gymnastique.

Elle, se dit que la nuit est splendide

Qu’une pluie fine vêt à présent de billets sa solitude

Elle balance ses seins et tout le bazar

Dans le bestiaire où le bonheur s’est planqué.

Je le sais.

Je les suis.

Il hésite. Sa chemise lui tient chaud au cœur. Le bonheur s’est planqué très loin de ses épaules. Tout à coup, il se sent gros porc vautré sur ce corps qui fond. Il se demande quelles formes vont prendre ses cigarettes molles, si les volants vont vouloir tourner, si les jupons vont virevolter, si les 15% vont être exploités pleinement dans son acte charnel. Il a accroché au lampadaire de sa pensée l’illusion d’un plaisir marchandé. Les porcs aussi regardent la mort en face  mais n’en diffèrent pas l’instant. Lui, si.

Moi non.

Je suis déjà en partance.

Elle joue ce jeu qui semble si bien se jouer du joueur. Elle n’hésite pas. Au carrefour, autant de rencontres que dans un hall de gare. Les non chalands empochent leurs 15% aux guichets de l’amour, tarif réduit pour les plus de soixante ans et les enfants de troupe. Il veut qu’elle lui dise tous ces mots qu’il n’a su inventer : cendrier, eau de Seltz, mégots argentés, mais les jupes à volants sont si andalouses et les escaliers de la Butte si abrupts que la fatigue l’emporte au diable.

Moi non.

Ma vie s’offre en pente douce.

Dans ce lit de misère elle lui tend un laisser-passer qui le conduit à la mort. Il sort seul de l’hôtel, il pleut. Au carrefour les voitures ne s’arrêtent pas, les artères de la ville se gonflent de circulation sanguine, et il tombe, renversé par le brusque coup de volant d’un porc qui, comme lui, regarde les femmes et ne s’arrête pas.

Je téléphone à sa mère :  » Votre fils est mort ». La mère est encore jeune, me répond : « j’hésite à en faire un autre ». « Pas de souci, rétorquai-je , avec moi vous ne prendrez aucun risque, je suis celui qui suit. »

29 mars 1986

AK

(when I was a genius !!!) Note du 12 08 2024 MDR

Génocide(s)(rediff)

(ce texte est paru avant l’émergence du conflit israélo-palestinien sur la bande de Gaza)

Je suis loin d’être intelligent,(mais c’est de famille), les acronymes me sont très souvent étrangers, de PE à HPI en passant par la Lorraine et d’autres provinces que j’espère encore visiter quand mon niveau de vie repassera le cap financier du remplissage de mon réservoir d’essence automobile qui n’en peut mais.En bref, je suis un vieux con qui conduit une vieille bagnole et regarde plus le paysage que la route. Je suis devenu un danger public. Le code de la route est oublié, roulé dans les ronds-points à chaque carrefour, ces poulpes dont certaines branches versent dans les friches ou les champs de maïs, mais l’avenir y construira un nouveau lotissement de cinquante parcelles de 500 m² à prix exorbitant que les néo-ruraux s’arracheront depuis qu’ils désirent quitter le paquebot des villes. Entre Titanic et « fluctuat nec mergitur », voire Exodus…

Comme tous les cons qui vieillissent j’ai du mal à comprendre le monde qui ne me parle plus. La surdité, l’impuissance (sexuelle ou autre), l’absence de désir d’aller gravir les montagnes, ou de faire une délicieuse escalope avec une belle salade (contrepet), tout cela me réduit à bouillonner à petit feu dans la marmite où jadis les africains cuisinaient les missionnaires tout en chantant Alléluia. (Vers Marseille, c’est plutôt allez l’OM). Les temps changent.

Les temps changent mais seul le vent emporte nos mémoires. Qui se souviendra de l’Ukraine, et ce n’est vraiment qu’un maigre exemple. Deux millions de déplacés vers la Russie, peuple aggloméré à la Grande Russie, gens et enfants à qui l’on donne des passeports et verse des pensions en tant que population intégrée au nouvel Empire, c’est à dire peuple ukrainien qui devient par la guerre peuple déchu de sa propre identité, effacé de ses véritables racines et transformé par une dictature sans aucune pitié, ou piété, soumis simplement à abandonner ses droits au profit d’un mensonge qui n’a d’autre vertu que de le fondre dans la masse des fantasmes guerriers. Une forme soft mais exemplaire de génocide, ni plus ni moins. En regardant tout autour de la ronde planète, le phénomène est en expansion constante. Les salauds trouvent toujours des alliés pour bâtir leurs châteaux forts.

Je suis loin d’être intelligent. En cela je pourrais revendiquer le droit d’être le porte parole de deux milliards d’imbéciles et de crève-la-faim ; pourtant c’est impossible. Et personne ne se demande pourquoi. Heureusement, je suis là pour vous l’expliquer :

Quand je me réveille du bon pied, à des milliers de kilomètres d’autres vont se coucher. Le jour et la nuit ne peuvent pas se réconcilier, ils ont un cycle immuable. Et puis, les fainéants d’un demi-globe feront toujours la nique à ceux de l’autre. Malheureusement nous avons la malchance inouïe d’avoir sur la planète de grands génies destructeurs, qui vont enfin régler le problème : ils vont éteindre le soleil pour que la nuit règne en maîtresse absolue. Et dans les champs d’Ialou, gonfleront les lampyres en minuscules étoiles.

01 07 2022

AK

(Photo Bourisp 2019 festival du reportage)

Le macchabée et le rat facétieux (rediff)

Il ne respirait plus, semblait-il, mais son haleine fétide emplissait encore les murs de la petite église dans laquelle un épais curé officiait. Tous les proches, parents, les amis d’antan et les gosses de l’aumônerie portaient un masque. Le défunt n’en n’avait pas, et quand il rota et péta l’assistance crut à une soudaine résurrection. Y aurait-il donc une nouvelle pandémie dans le village, et faudrait-il que les masques s’enrichissent de silence dans le discours de l’abbé ? Le cimetière était proche, et cet emmerdeur viendrait-il troubler le silence des tombes par ses flatulences et ses hoquets malvenus ?

En fait il se trouva que c’était un petit rat, embusqué dans le caleçon du mort, qui poussait l’oraison, à sa manière. Ce genre d’animal que dans leur ataraxie les amateurs d’opéra imaginent en tutu blanc vaporeux, mais seulement bien plus tard, après la fin du spectacle. Quand la petite bête sortit son museau du cercueil toutes les grenouilles sautèrent du bénitier, suivies des bigotes et des bourgeois du village. Le cimetière, comme il a été dit, était proche, et le rat s’était réfugié dans cette caisse en bois molletonnée dans laquelle il avait fini par s’endormir.

Le curé tenta de l’estourbir avec son encensoir, lui jeta même ses burettes en hurlant « vade retro satanas », mais la bestiole alla se cacher dans la poche à montre à gousset du cadavre encore frais, ce qui provoqua un frétillement gai des moustaches du mort dont certains témoins dirent plus tard que c’était un miracle, car durant toute sa vie il n’avait souri qu’aux femmes et jamais aux maris. L’abbé fit appel aux quelques paysans présents dans son église pour l’aider à chasser ce démon. Pauvres hommes des campagnes, plus habitués à tuer les taupes à coups de pelle et à les suspendre sur les clôtures comme des trophées de chasse, les laissant sécher au soleil, elles qui vivaient à l’ombre de la terre.

Le jeune rat découvrit alors que dans le refuge de cette poche que la montre à gousset avait disparu. Dans la doublure matelassée du cercueil il trouva une ordonnance du médecin du village et un mot écrit à la hâte de son épouse, lui signifiant qu’elle le quittait, pour toujours. Quant à l’ordonnance, elle était remplie de mots très compliqués pour son cerveau, neuroleptiques, somnifères, ne pas dépasser la dose prescrite (écrit en rouge), etc.

Dans ce village jadis prospère l’ancien maire, celui qu’aujourd’hui on enterrait, avait fait construire un petit opéra que l’on nomme de nos jours salle polyvalente et où les petits baronnets et les édiles des environs venaient festoyer lors de spectacles dispendieux dont les habitants disaient que l’art dans le village en augmentait la réputation en animant le cœur de la population dans le prestige pourtant désuet de la pièce qui s’y jouait chaque année et des soirées privées dont ensuite tous les habitants parlaient.

Mais ces excès de luxures et de vies dissolues que menaient les notables, les larmes de crocodile que versaient, avant l’apparition du rat, tous ces gens sur le cercueil de l’ancien maire, finirent par agacer la population. En effet, tout semblait se détériorer depuis des années : les tuyaux fuitaient, les radiateurs ne chauffaient plus, les chats envahissaient les canapés et les rats ouvraient les réfrigérateurs la nuit. Le beurre, le fromage, le pain et la tête de veau commencèrent à manquer. Un genre d’Holodomor* stalinien s’installa dans le petit pays. À l’instar de Mao Tsé Toung, on piégea les oiseaux pour se nourrir (soi-disant qu’ils dévoraient les semis), puis alors que le curé reprenait son prêche, une vierge apparut sur le parvis de l’église. Les grenouilles regagnèrent le bénitier, les ouailles leur missel. Le rat s’était enfui dans le presbytère, qui n’avait rien perdu de son charme, ni le jardin (de curé) de son éclat. Il regagna la ville, et vécut chez son cousin, où à son tour il fit ripaille en compagnie de jeunes rattes aux mœurs légères. Il ne sera pas raconté ici ni où ni quand il trouva la montre à gousset et à quel prix il la vendit !

24 11 2022

AK

*HOLODOMOR : https://fr.wikipedia.org/wiki/Holodomor

Les ânes sont-ils bilingues ? (rediff)

J’entends un âne braire et sans vraiment comprendre je saisis soudain que c’est mon écho qui résonne. Je ne sais au fond dans quelle vallée je me suis perdu quand j’ai posé ce sac qui contenait mes mots, mais je me souviens que la neige déjà traçait l’ empreinte de mes pas sur la blancheur de cette fausse vierge automnale. Le ciel balançait sa couleur au-dessus des nuages, mais l’espoir tombait en pluie quand je me suis abrité sous le seul rayon qu’était ma vie : la solitude. Alors j’ai ri, pour une fois. J’ai pensé à l’âne. Je l’ai même revu : un mur de pierres sèches l’empêchait de sortir de son enclos, sur une île de l’Atlantique, mais ses braiments inondaient le désir de partager sa joie de vivre avec la femme qui pissait derrière le muret. Un moment, je fus jaloux, c’est vrai. Mais pour qui un jour a voyagé l’idée de dieu ne rassemble que des troupeaux qui vont par hasard où le vent des guerres les pousse. Chaque champ devient bataille, chaque récolte devient rançon. Le seul verbe qui désormais prend tout l’espace est : AVOIR. Quant au verbe ÊTRE, il ne se conjugue qu’au passé. Mais le passé est un temps mort, comme l’âne qui brait, animal qui ne tire plus les charrettes, ne porte plus un chapeau entre ses oreilles, animal dont les enfants parfois le différencient des lamas, qu’ils ont vu au zoo, jamais dans la campagne.

Alors à l’écho de ma voix, de ma voie, du bruit des rails qui vibrent sous la locomotive, des tressauts de souvenirs qui montent descendent et au final s’absentent, succède le braiment de l’âne que je suis, dont je suis le parcours, tant suivre c’est vivre dans un troupeau et oublier qu’un temps on s’est cru libre. Tout n’est devenu que barrières, pierres sèches, et l’homme brait quand l’âne broute dans le pré l’herbe tendre des jours oubliés, quand ses sabots traçaient sous les premières neiges d’automne le chemin vers la solitude des hommes, qui n’avaient plus, pensaient-ils , plus besoin de lui. Comme si « avoir » dominait « être ». L’homme est devenu auxiliaire, dans le sens militaire. Et l’âne au fond de cette vallée conte mes mots aux brebis qui sont maintenant encerclées dans les espaces clos de l’hiver qui approche. Mais jamais il ne commence son histoire par « il était une fois », juste par la citation : Asinus asinum fricat.

09 11 2022

AK

http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/liosing2an.html

Petites pages écrites pour être lues dans de grands lits.

Petites pages écrites pour être lues dans de grands lits.

La longueur moyenne d’une bite en érection est de 15 à 18 centimètres (cf code social 1977 et alinéas). Tous les hommes jeunes se sont mesurés en millimètres, et certains, bien que seuls, ont fraudé.

La longueur d’une bite ne fait pas un parcours ; preuve en est que les Anglais la comptent en pieds et en pouces, ce qui prouve, outre l’obsolescence du code social 1977 et alinéas, que ces iliens savent différencier le calibre de la portée.

De fameux érotomanes anglo-saxons, tels que Smith, Wesson, Winchester, Browning, prouvèrent en deux temps trois mouvements que la fumée qui monte au septième ciel s’étage dans le marasme ;

Le marasme étant la forme dite extérieure du conin.

Son exacte mesure a été établie par sept nains dotés chacun d’une théorie propre (et laborieuse). Il n’en fut reconnu qu’une, que l’on gratifia de « théorie fondamentale d’Atchoum de Simpletown ».

Où les autres voyaient une mine de diamants aux extraordinaires richesses lubriques (terme disparu depuis entre deux évangiles, l’un de Sodome et l’autre de Gomorrhe), Atchoum de Simpletown ne vérifia qu’un large sourire vertical soumis ouvert à son rhume chronique.

Bien que chassé de l’Académie des Sciences en 1998, il fut un grand et glorieux médaillé : le Petit Larousse lui rendit hommage (sur la page de couverture du dictionnaire) et lui fit don de cinq (5) hectares de pissenlits dans le frais Limousin, cependant non clôturés.

À vrai dire, le seul problème qui proèmine sur la distanciation des bites sont leur dureté. En effet, le vit n’est dur que quand la vie perdure. Celà pose problème.

Zblina le comprit dès qu’elle entra en contact avec cette longue canne blanche qui ne franchissait pas la ligne de démarcation (cela ressemblait à une baguette de pain dégelée).

(la page 2 a été égarée, certains diront : tant mieux quand je dirais tant pis)

Alors brodons, me susurra Rimma à l’oreille, brodons…

(Vérifions lui dis-je que l’aiguille et le chas soient concordants . Nous le constatâmes en 5 tétralogies à quatre pattes, six faces épilées et deux côtés en Bourse(s) en rendements actuariels bruts bénéficiaires.)

Zblina rentre d’un pays dont le cauchemar ne reflète que les robes qu’elle porte en ce dimanche si distancié de cet espace, cet espace qu’elle porte encore dans sa culotte, et son sourire sur ses lèvres de femme, ces cerises qu’écrasent, aussi mendiants qu’elle, les baisers de jeunes hommes riants, ivres et subalternes ancrés à cette solitude crasse des jours sans amour. Zblina maintient sans partage leur et sa beauté de glace, elle y glisse à frimas son masque d’époque et de rencontres, son violoncelle charnel. Pour ces hommes qui, tour à tour, ont pris la mer, pour certains le Channel, en enfantant la terre perdue qu’ils ont quittés, réduisant loin des côtes le souvenir prégnant des os calcinés de ceux restés là-bas, de ces hommes qui ont été, déjà gamins, ruinés par d’autres hommes sans autre récit que le pouvoir et la corruption, dictateurs nourris par les amours d’épouses recluses.

Zblina pleure, mais ce pleur est un chenal. Ce pleur, en fait, agit comme une lessive qui savonne l’œil et la convoitise, qui blanchit le regard du criminel et libère l’amoureux, c’est un pleur pour l’aurore et le crépuscule, une joie insolente, un chant, sur les quais quand la vie assiste au retour des marins, quand les cordages s’enroulent autour des bittes d’amarrage.

Texte écrit en janvier 2002 (avec de petits rajouts très ragougnats le 02 08 2024)

AK

Textes courts et autres 20 07 2001

L’Excuse

Un tarot une flamme

Une femme exquise

Un homme

Qui me rassemble

Et dont l’image diffère

Sur les vestiges verticaux.

°°°°°°°°°°°

La mort l’a frappé

Comme un café glacé

Gigantesque et heureux

Les pieds enlacés

Sur les eaux glacées

Du lac d’Arrémoulit

Qu’il contemplait

De ses yeux blancs

De poisson mort

Comme on ouvre un livre

Au pied d’un glacier

Qui fond chaque été

Dans la pâleur du temps

Comme un souvenir éteint,

Comme un reflet : sur rien.

°°°°°°°°°°°°

Comme un poisson pris dans le filet

(requin ou rascasse)

Il me reste encore une part de vie

Ni enviable, ni nécessaire,

Mais parturiente à souhait :

L’amour de tous et de chacun

Selon les marées et les marins

Marrants, marris, les chaluts

Qui bouleversent les eaux placides

Loin des guerres des religions du vide,

Mes mains sont amarrées,

Seul mon cœur chavire.

°°°°°°°°

Ainsi que le voulut mon sain Esprit, chaque dimanche je déposais ma barbe blanche et ma moustache rousse au creux de l’oreiller. À l’heure de la sieste, madame Dieu et moi faisions l’amour à la diable puis ronflions en regardant le monde des vivants s’entre-tuer joyeusement tout en nous vénérant. (les confessions du bon Dieu) (juillet 2024)