Un jour je deviendrai un chien battu
Plein de hargne et de colère, un élu
Capable de mordre un ciel sans chair
J’aboierai l’eau de pluie aux enchères
Je vendrai la peau des rêves aux crédules
Et comment par mes crocs les rendre ridicules
Il me sera facile de noyer dans le poison les urnes
En faire miroiter l’aurore boréale d’un avenir nocturne
À tout ce peuple hirsute aveuglé de mirages
Les insoumis danseront puis balayeront leur cage
Ces oiseaux démagogues n’éteindront pas ma rage
Si tant est qu’entre tous seule la vie se partage
Un jour je deviendrai un chien mordant la vie
Léchant les mollets graciles des belles sur les parvis
Des églises bouffies sous le regard sans fard des morts
La mélodie d’un orgue de barbarie prendra corps
Dans le soleil de midi danseront les idées
Sans remords ni rancunes nous ferons société.
22 07 2024
AK
samedi 9 janvier 2010
Pour faire des confitures, il faut des fruits bien mûrs. On les chaparde généralement dans des vergers un peu célestes, qu’entretiennent taillent et bonifient d’élégantes femmes d’un certain âge, aux fichus perchés sur le crâne pour que leur âme ne s’envole pas, tant il est vrai, ici comme en Afrique, que c’est par là qu’elle s’envole, l’âme. L’homme à la main trop leste ne sait cueillir ces fruits. Il faut de la modestie, un certain tact, aussi. Plus apte à cueillir des baies qu’à semer des baisers, il récolte dans ses gestes ce dont il est frustré : le vent des appétences. Il se nourrissait pour survivre, quand il nourrit désormais des rêves qui l’affament. Sa faim est différente, mais sa fin est semblable. Pourtant, les fruits sont là, que ses yeux fascinés regardent pendre aux arbres.
(Même si « le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve et le remords est dans l’amour, telle est la loi » (selon Verlaine)).
La solitude est-elle le plus court chemin vers la misère sentimentale, ou est-ce l’isolement moral, celui qui confine les êtres dans leurs limites intimes sans l’avoir désiré ? Suffirait-il d’avoir les spermatozoïdes joyeux pour faire rire les femmes, se demanda l’homme, alors qu’il s’apprêtait à grimper aux branches d’un pêcher sans rien dire aux gardiennes du verger, occupées à retourner la terre, à buter les mottes et à redémarrer le système de goutte-à-goutte pour l’arrosage estival. La hardiesse avec laquelle il s’était engagé dans ces jardins d’Eden l’étonnait lui-même. J’ai franchi le pas, j’ai sauté le mur, marmottait-il entre ses dents.
Pourtant, hier encore, l’ennui le tiraillait avec une telle intensité que le frottement rotatif de ses pouces commençait à produire de l’électricité. Et cette production involontaire de châleur se répandait joyeusement au travers de tout son corps, d’où ses élucubrations sur le rire des femmes, sans doute. Mais d’autres raisons peuvent rendre à la main trop leste d’un homme la capacité de cueillir sans grabuge des fruits délicieux : un clair de lune, par exemple. Quand la luminosité des ombres chinoises fait naître le paradoxe entre solitude et isolement. La première s’habille d’une clarté diffuse, cherche dans sa thébaïde le sens caché des choses, la lumière intérieure, qui brille sans brûler, quand l’autre n’est que prison, lieu clos infortuné, infranchissable et séparé de la volonté qu’a tout être humain de vivre en plénitude. L’une ouvre des espaces quand l’autre l’y enferme.
Pourtant, ce verger où il s’est introduit, est lui-même clos et fermé sur le monde. Citadelle de terre cuite, enceinte de briques séchées par un soleil implacable formant de hauts remparts, où seules deux portes immenses de bois de sipo aux ferrures ouvragées offrent un accès aux voyageurs. Pour y accéder, il dut se mettre à nu, et suivre ce chemin de misère que dessine l’exil sentimental, et, guidé par la lune, se fondre comme un astre au milieu des cailloux. Au matin est passée la caravane des bédouins venus livrer le sel aux portes de la cité. Et au soleil levant l’un d’eux a aperçu ce caillou qui brillait. Il l’a ramassé, comme on ramasse un rêve, pour l’offrir à sa belle, et il lui a donné, quand la lourde porte s’est ouverte sur le convoi, d’êtres et d’animaux épuisés. La fraîcheur est sortie s’étourdir dans le désert et les hommes ont ri en voyant pendre aux arbres les fruits. Hommes qui savaient semer des baisers sur les bouches bées des jardinières affamées de rêves enfin là, (bien que las).
Ainsi est-il entré, et d’astre qu’il était son coeur se mit à battre la chamade des hommes. Hier avait franchi la nuit et le matin sauté le mur. Dans ce lieu isolé il n’était plus tout seul. Il sentait dans le vent de ses gestes l’appétence dont il était frustré prendre la consistance charnue d’un fruit bien mûr. Le goût lui monta en bouche alors qu’en silence il se juchait sur l’arbre fruitier. Les bédouins, quant à eux, s’étaient dispersés sous les tentes et à présent dormaient, ou buvaient du thé. Des cigognes s’abreuvaient dans la mare, près des palmiers, et battaient des ailes tels des ventilateurs près des gosses qui s’égayaient dans l’eau saumâtre.
Saisissant avec conviction les plus belles des pêches, il les enfourna avec vivacité dans sa besace, rayonnant de sa prise comme s’il se fût agi d’un droit à lui seul réservé. Car tel était cet homme, si semblable à tant d’autres : égoïste. Et ignorant. Plus apte à cueillir des baies qu’à semer des baisers. Perché ainsi au sommet de l’arbre fruitier, il regardait de haut le monde environnant avec mépris, ces femmes au dos voûté, aux mains terreuses cultivant dans leurs gestes mêmes la beauté du partage, l’amour nourricier et l’imaginaire brut ignorant la contrefaçon et l’orgueil des manières, il contemplait ces bédouins au repos sans s’enquérir de la difficulté et de l’abnégation avec laquelle ils avaient parcouru ces déserts, récolté ce sel nécessaire à toute vie.
Il s’en moquait. Les fruits étaient si mûrs qu’il s’en confit en palabres excessives. Il se mit à hurler sur ce forum antique de terre battue où il pensait régner, boubou au vent, couronné de sentences, les spermatozoïdes tristes à faire pleurer les ombres. Les femmes l’entendirent, comme une rumeur distrait le silence. Elles resserrèrent leurs fichus bien autour de leurs oreilles, le crâne bien collé à l’âme ; les bédouins gagnèrent l’arbre à palabres et se mirent à tracer sur le sable l’empreinte de leur prochaine marche. Personne ne l’écoutait. Il flottait, en réalité, dans le vent souffreteux des mots sans chaleur, dans un khamsin intérieur qui bâtissait son isolement de poussières épaisses. Pourtant, de la cime du pêcher, il ressemblait à un oiseau solitaire, un rouge-gorge, et son chant aurait pu, bien plus que ses litanies, charmer les jardinières, les enfants, les hommes qui savent semer des baisers, et rapprocher dans sa mélodie leurs solitudes en un pas de danse, quand les corps se font tendres et doux, comme sous la langue un peu de confiture, de pêche, par exemple.
-par AK Pô
06 01 10
Il faudra bien qu’un jour, à l’ombre d’un miroir
Mon regard se pose , acerbe et gai, sous l’œil noir
De ce que fut ma vie, et celle de tant d’autres.
Le monde est ainsi fait que tous deviennent apôtres
Inutiles misères qui nourrissent les cieux d’épeautres,
Vieillards somptueux qui se renomment dieux
Le crâne orné de couronne, d’auréole boréale,
Dans la nuit noire les étoiles scintillent
Émerveillant les peuples désormais sans faucilles
Quand les déraisons, dans d’âpres religions, brillent ;
La vérité se vend au marché noir des nations.
L’innocent comme l’assassin, le poisson comme l’oiseau,
Et les illusions de tant d’autres sur le miroir de l’eau
Reflètent l’abdication des hommes à franchir l’horizon.
Il faudra bien qu’un jour, à l’ombre d’un tilleul
L’homme que je fus décide enfin de marcher seul,
Laissant femmes et enfants parcourir les souvenirs
Dans le bris du miroir et le fond des tiroirs.
À eux alors de diaprer les étoiles, y lire l’avenir,
Pour qu’enfin en toute simplicité s’achève mon histoire.
18 07 24
AK

Comme je manquais de ferveurs galactiques
J’ai mangé un yaourt aux firmaments lactiques
Dans le trou noir d’un Parabellum m’avait quitté mon homme
J’ai trafiqué alors dans un labo tout un tas de génomes
Pour rattraper le temps perdu j’ai tout revendu
Ma carte bleue, mes idéaux et mon corps nu
Depuis je philharmonique avec Monique
Je Pachel-bêle sur les canons informels de Rachel
Je parcours le nouveau monde sans A. Dvorak
Mais sur le lit chaud de Lilou jette mon anorak
Je mets mon frac , me dénature avec fracas
Dans les bras de Nathalie, de Sophie
Cette grande girafe que j’ai connu petit
Comme la vieille Philomène sa goutte qui pendait
Qui menait par le bout du nez les enfants
Attirés par les bocaux pleins de friandises
Qu’elle versait dans leur culotte Petit Bateau
Pourvu qu’on lui caresse un sein, récite un chant de marin,
Et puis Joséphine et Justine, Léonce et Barbara
Qui portaient des bas noirs tracés sur leur peau nue
Un nihil de nylon dessiné au crayon sous un rayon de lune
Je ne disais jamais non face à ces créatures
Quand je les croisais partout dans l’humaine nature
Pour rattraper le temps perdu aujourd’hui je le sais
Je vends des confitures et des laitages sur les marchés de plein vent
Les regarde, ferveurs galactiques et firmaments lactiques…
04 12 2021
Un matin de juillet ma mère m’a mis au monde. Je ne savais pas ce qu’il m’arrivait, tant cela me sortait de neuf mois de chaleur humaine, nourri logé et le tout gratis. Aujourd’hui, à la différence de ma naissance, la question que je me pose avec plus de certitude est : « que va-t-il m’arriver ? » , comme les millions de spermatozoïdes morts pour qu’un seul survive, en l’occurrence moi, plus vieux désormais que les multiples démocraties que deux siècles ont connu. Le temps est immobile et l’homme une girouette vêtue d’une redingote d’argent (dans les églises elles sont d’or).
Aujourd’hui j’ai donc décidé de regagner le monde des humains, de transformer l’or en plomb (pas comme ces cons de Nicolas Flamel et Paracelse qui faisaient le contraire). La pierre philosophale, je la laisse à Elon Musk, et je chéris le petit Poucet et le bousier qui tracent la route des cent solutions pour les peuples qui, hormis les divinités les plus baroques, tracent leurs vies sur les chemins ardus de l’émancipation, eux qui ont connu le combat primitif des femmes primipares et des mariages forcés, entre autres vicissitudes.
Le plus ardu restant de définir cent solutions pour les technocrates, les intelligents artificiels et les ego- algorythmés. De quoi faire rire les chimpanzés dans les jungles dévastées, en fait tous les animaux qui n’ont pas besoin d’avoir le droit de vote, sauf si le bulletin leur apporte les nutriments nécessaires à leur survie (papiers recyclés uniquement SVP).
Comme le monde ne change pas, je constate que dans les lieux les plus reculés, mais pas forcément hostiles à la civilisation occidentale (Ti-shirts, casquettes etc), les populations ont des dents blanches (les vieux gardent précieusement leurs chicots, ou ont connu Nicolas Flamel -1340-1418- qui leur proposait une couronne dentaire au rabais, plutôt que d’édenter un escargot qui en possède 10 000, mais à l’époque le microscope n’avait pas été inventé (On dit souvent que l’opticien hollandais Hans Janssen et son fils Zacharias Janssen fabriquèrent le premier microscope en 1595.
Ah, c’est vrai, je suis vieux et en oublie le fil de mon récit, je parlais de ma naissance, pas encore de ma déchéance, je devais même, si ma mémoire me revient, rédiger un programme de cent solutions d’après l’apocalypse et le bordel ambiant, parlementer avec Jeanne, Paul et Jean pour savoir si le bal des pompiers aurait lieu avant que la Nation ne s’embrase. Paul m’a dit : « pour la saint Jean, c’est passé, pour la rentrée, on verra quel temps il fait. » Un bon gars, ce Paul, un breton sans doute, toujours optimiste, comme Antoine.
Néanmoins, il faut vivre le jour présent, surtout quand on s’est émancipé des foules revanchardes, ces grenouilles de bénitiers qui réclament un roi qui soit bien rasé, propre sur lui, que sa matrone éduque dans la manipulation des masses, longue tradition familiale, face aux gueux qui s’amassent devant les selfies, et de l’autre côté les sales gueules staliniennes, râleurs impénitents, les Nicolas Flamel, les Paracelse, voire les Bernard Palissy prêts à brûler livres et meubles pour au final ne rien changer à leur confort personnel, mais anéantir la vocation des peuples à se gérer eux-mêmes, sans dieux à vénérer,(ils sont tous morts) quand les êtres vivants n’ont que leur chair pour vivre et non plus de chaire pour prier.
Dissolution, cent solutions : une pour chacun, des millions partout, à mettre en place. On a le temps, car il est immobile, seul le vent secoue les plumes des albatros (entre autres ricaneurs des bords de mer).
13 07 2024
AK

À Paris la tour Saint-Jacques chancelante
Pareille à un tournesol
Du front vient quelquefois heurter la Seine et son ombre glisse imperceptiblement parmi les remorqueurs
À ce moment sur la pointe des pieds dans mon sommeil
Je me dirige vers la chambre où je suis étendu
Et j’y mets le feu
Pour que rien ne subsiste de ce consentement qu’on m’a arraché
Les meubles font alors place à des animaux de même taille qui me regardent fraternellement
Lions dans les crinières desquels achèvent de se consumer les chaises
Squales dont le ventre blanc s’incorpore le dernier frisson des draps
À l’heure de l’amour et des paupières bleues
Je me vois brûler à mon tour je vois cette cachette solennelle de riens
Qui fut mon corps
Fouillé par les becs patients des ibis du feu
Lorsque tout est fini j’entre invisible dans l’arche
Sans prendre garde aux passants de la vie qui font sonner très loin leurs pas traînants
Je vois les arêtes du soleil
À travers l’aubépine de la pluie
J’entends se déchirer le linge humain comme une grande feuille
Sous l’ongle de l’absence et de la présence qui sont de connivence
Tous les métiers se fanent il ne reste d’eux qu’une dentelle parfumée
Une coquille de dentelle qui a la forme parfaite d’un sein
Je ne touche plus que le cœur des choses je tiens le fil
La poésie se fait dans un lit comme l’amour
Ses draps défaits sont l’aurore des choses
La poésie se fait dans les bois
Elle a
L’espace qu’il lui faut
Pas celui-ci mais l’autre que conditionnent
L’œil du milan
La rosée sur une prèle
Le souvenir d’une bouteille de
Traminer
embuée sur un plateau d’argent
Une haute verge de tourmaline sur la mer
Et la route de l’aventure mentale
Qui monte à pic
Une halte elle s’embroussaille aussitôt
Cela ne se crie pas sur les toits
Il est inconvenant de laisser la porte ouverte
Ou d’appeler des témoins
Les bancs de poissons les haies de mésanges
Les rails à l’entrée d’une grande gare
Les reflets des deux rives
Les sillons dans le pain
Les bulles du ruisseau
Les jours du calendrier
Le millepertuis
L’acte d’amour et l’acte de poésie
Sont incompatibles
Avec la lecture du journal à haute voix
Le sens du rayon de soleil
La lueur bleue qui relie les coups de hache
du bûcheron
Le fil du cerf-volant en forme de cœur ou
de nasse
Le battement en mesure de la queue des
castors
La diligence de l’éclair
Le jet de dragées du haut des vieilles
marches
L’avalanche
La chambre aux prestiges
Non messieurs ce n’est pas la huitième
Chambre
Ni les vapeurs de la chambrée un dimanche soir
Les figures de danse exécutées en transparence au-dessus des mares
La délimitation contre un mur d’un corps de femme au lancer de poignards
Les volutes claires de la fumée
Les boucles de tes cheveux
La courbe de l’éponge des
Philippines
Les lacés du serpent corail
L’entrée du lierre dans les ruines
Elle a tout le temps devant elle
L’étreinte poétique comme l’étreinte de chair
Tant qu’elle dure
Défend toute échappée sur la misère du monde.
Biographie (extrait) : André Breton est un écrivain, poète, essayiste et théoricien du surréalisme, né à Tinchebray dans l’Orne, le 19 février 1896, mort à Paris le 28 septembre 1966. Auteur des livres Nadja, L’Amour fou et des différents Manifestes du surréalisme, son rôle de chef de file du mouvement surréaliste, et son œuvre critique et théorique pour l’écriture et les arts plastiques, en font une figure majeure de l’art et de la littérature française du XXe siècle.

Poèmes tirés du site : https://www.poemes.co/
Pour en apprendre plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Breton

Je vis dans la rue,
Je partage mes journées,
Entre le passage et la vitrine,
Sous la pluie battante, glaciale,
Sous le ciel noir, sombre ou étoilé.
Je vis dans la rue,
J’observe les passants,
Sans cesse, se hâter, se presser,
Tels des machines, mises en marche,
Tels des automates, agités et bruyants.
Je vis dans la rue,
Je deviens une ombre,
Devant cette arche cambrée,
Avec pour toit, le vieux portique,
Avec pour couche gelée, le marbre.
Je vis dans la rue,
Je vois leurs questions,
Sans jamais s’arrêter et parler,
Toujours prompts à juger sans jauger,
Toujours afficher cette même affection.
Je vis dans la rue,
Je survis à l’indifférence,
Avec pour seul ami, cet éclatant néon,
Pour seul bagage, ce grand chariot vide,
Pour toujours, rompre et briser le silence.
Je vis dans la rue,
J’ai oublié cette folie,
Sans vraiment l’avoir apprivoisée,
Ce cordial mal-être me tient compagnie,
Cet intime malaise, devenu comme un ami.
Je vis dans la rue,
Je reviens de loin,
Dans ce petit coin, à l’abri,
Ici, je vis un peu, je suis presqu’en liberté,
Là, j’existe un peu, je suis quasi un témoin.
Nashmia Noormohamed, 2016
Je vis ma vie
Dans l’oubli du passé
Sur un sentier pris,
Un soir d’été,
Sans but précis,
Ni chemin tracé.
Une malle ouverte,
Remplie de vide,
Souvenirs certes,
Fuyants et timides,
Consciente d’une perte,
Un passé de Quid?
Je vis ma vie
Dans l’oubli du passé,
Au sortir du lit,
Ma mémoire a rêvé,
D’un futur imprécis,
Conjugué à l’imparfait.
Passé, présent, futur,
Le sentier se poursuit,
La nuit est obscure,
Une mémoire qui cure,
Un passé qui fuit,
Un avenir à présent pur.
Et puis…
Je vis ma vie,
Dans l’oubli du passé.
Nashmia Noormohamed, 1999
Biographie (extrait) : Nashmia Noormohamed est née en 1977, à l’Ile Maurice. Elle a passé toute son enfance en Afrique de l’Ouest, d’abord au Nigeria, puis en Côte-d’Ivoire. Elle a étudié quelques années à l’Ile de La Réunion et en Angleterre, avant de venir en Suisse, où elle vit depuis 17 ans. Elle travaille actuellement, dans le domaine des voyages.(…)
Poèmes tirés du site : https://www.poetica.fr/
D’autres poèmes sur ce site : https://paroles2chansons.lemonde.fr/auteur-nashmia-noormohamed/poeme-la-marchande-dramour.html
Il faut parfois cesser de rouler sur les autoroutes de l’indécence. Plusieurs points me sont permis (et s’il n’en reste aucun, je serai celui-là dit le proverbe du chauffard). Tout d’abord, attardons-nous sur la publicité des bagnoles qui règnent manifestement sur les pages de publicité que les spectateurs des chaînes télévisées regardent, pour certains en continu. C’est admirable de duperie sociale : qui a les moyens de se payer tout véhicule que diffusent ces annonceurs ? C’est le « Soleil vert » du consommateur, classe moyenne, pas classe A, bien entendu. L’achat est déjà impossible, mais l’entretien, l’installation d’une prise de recharge électrique, surtout quand on vit en immeuble, bref on est content de voir une star ouvrir sa double portière de Fiat 600 à son chien, de connaître le silence après avoir fui une meute d’enfants hurlants, de s’installer dans le cocon d’un véhicule familial dont il faudra bien sortir en lâchant les gosses devant l’école. Nous sommes nourris de « primes » qui sont aussi illusoires que la nécessité de changer de mode de vie quand on n’en a pas les moyens. Sans parler des camelots politiques qui vendent leurs programmes à l’encan et certainement devront ajourner ensuite la représentation. Mieux vaudrait un bon match de catch qui amuserait le peuple (bon, M’Bappé est hors concours car il l’a devancé involontairement). De toute façon, seuls les gagnants du loto se paieront une voiture, tant mieux pour eux.
Bon, par ailleurs, les pubs pour les déplacements locaux (dans les villes surtout) incitent les gens à la marche à pied et au vélo. Bonne formule, mais dans le cadre urbain, se munir d’un vélo électrique à 2000 € n’est pas à la portée de tout le monde, surtout quand on habite en banlieue, par exemple. À la campagne, où les vieux sont plus nombreux, se munir de tels engins devient un risque important : perte d’équilibre, sens interdits pris à l’envers, AVC chronique et rubrique des seniors écrasés dans les journaux locaux, liste non exhaustive s’il en est. Quant aux fauteuils roulants, les trottoirs sont devenus une cause de mortalité plus importante que dans les EHPAD, à l’image des trolleys du début du XXe siècle (Gaudi, Satie…). Sans parler des chiens errants qui attaquent les mollets ronds et fermes des cyclistes, ou les moyeux moins flexibles des vieillards en balade. Un carnage.
L’indécence touche également le monde télévisuel, mais ce sera pour un autre article. La raison est simple : la sieste est le meilleur moyen d’oublier le chaos extérieur, du moins durant la demi-heure où l’on ferme les yeux.
20 06 2024
AK
Penser qu’on vivra jamais dans cet astre,
Parfois me flanque un coup dans l’épigastre.
Ah ! tout pour toi, Lune, quand tu t’avances
Aux soirs d’août par les féeries du silence !
Et quand tu roules, démâtée, au large
A travers les brisants noirs des nuages !
Oh ! monter, perdu, m’étancher à même
Ta vasque de béatifiants baptêmes !
Astre atteint de cécité, fatal phare
Des vols migrateurs des plaintifs Icares !
Oeil stérile comme le suicide,
Nous sommes le congrès des las, préside ;
Crâne glacé, raille les calvities
De nos incurables bureaucraties ;
O pilule des léthargies finales,
Infuse-toi dans nos durs encéphales !
O Diane à la chlamyde très-dorique,
L’Amour cuve, prend ton carquois et pique
Ah ! d’un trait inoculant l’être aptère,
Les coeurs de bonne volonté sur terre !
Astre lavé par d’inouïs déluges,
Qu’un de tes chastes rayons fébrifuges,
Ce soir, pour inonder mes draps, dévie,
Que je m’y lave les mains de la vie !
Jules Laforgue
L’Homme et sa compagne sont serfs
De corps, tourbillonnants cloaques
Aux mailles de harpes de nerfs
Serves de tout et que détraque
Un fier répertoire d’attaques.
Voyez l’homme, voyez !
Si ça n’fait pas pitié !
Propre et correct en ses ressorts,
S’assaisonnant de modes vaines,
Il s’admire, ce brave corps,
Et s’endimanche pour sa peine,
Quand il a bien sué la semaine.
Et sa compagne ! allons,
Ma bell’, nous nous valons.
Faudrait le voir, touchant et nu
Dans un décor d’oiseaux, de roses ;
Ses tics réflexes d’ingénu,
Ses plis pris de mondaines poses ;
Bref, sur beau fond vert, sa chlorose.
Voyez l’Homme, voyez !
Si ça n’fait pas pitié !
Les Vertus et les Voluptés
Détraquant d’un rien sa machine,
Il ne vit que pour disputer
Ce domaine à rentes divines
Aux lois de mort qui le taquinent.
Et sa compagne ! allons,
Ma bell’, nous nous valons.
Il se soutient de mets pleins d’art,
Se drogue, se tond, se parfume,
Se truffe tant, qu’il meurt trop tard ;
Et la cuisine se résume
En mille infections posthumes.
Oh ! ce couple, voyez !
Non, ça fait trop pitié.
Mais ce microbe subversif
Ne compte pas pour la Substance,
Dont les déluges corrosifs
Renoient vite pour l’Innocence
Ces fols germes de conscience.
Nature est sans pitié
Pour son petit dernier.
Jules Laforgue, Les Complaintes
Poèmes tirés du site : https://www.poetica.fr/
Biographie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Laforgue
Il jouait avec les mots et en créait fréquemment. Il dessinait. C’était un passionné de musique. Il refusait toute règle de forme pour l’écriture de ses vers. Sa poésie, mais aussi sa prose, se caractérisent ainsi par une coupe multiforme15. Empreints de spleen, d’un sentiment de malheur et d’une vaine recherche d’évasion, ses écrits témoignent d’une grande lucidité.
Selon Charles Dantzig, son emploi abondant des points d’exclamation et des points de suspension — que l’on peut trouver dans des poèmes des Complaintes ou des Moralités légendaires —, a influencé l’écriture de Louis-Ferdinand Céline, lequel se targuait d’être l’inventeur de ce style de ponctuation

Quand j’étais petit je me retournais souvent dans la rue pour vérifier que je n’étais pas suivi par une religieuse, un petit russe ou un suisse (helvète ou vaticanais), ce qui fait de moi un être paranoïaque atteint de grossophobie pâtissière depuis l’enfance. Plus tard, ayant atteint la majorité électorale, je regardais avec délectation tous les porteurs de vestes, riant de voir le grand nombre de ceux qui la retournaient sans crier gare. C’était un temps que l’on pourrait nommer l’air du temps, ou le vent de folie, ou encore la mode des suicidaires, les vêtements passant du rouge au noir, comme le sont les blousons réversibles antipluies quand on se promène dans la campagne (sélective) et que le temps est incertain, voire orageux. Par ailleurs, je dois avouer que ces deux couleurs dominaient alors, le rose étant depuis longtemps passé de mode et le vert dans l’ombre des placards avec les fruits de la discorde. Me concernant, j’avais perdu le goût des pâtisseries et avais maigri de façon significative, ne pesant sur la balance que les quelques pépins de ma pomme d’Adam qui me réduisaient au silence, à la pâleur d’un bulletin blanc. J’avais beau retourner dans ma tête mille sentiments, cent idées et une simple logique, le monde entier paraissait jouer dans mon cerveau aux échecs, combat féroce entre l’utopie et la dystopie, troupes félonnes de part et d’autre poussant ses pions, ses atours verbaux, ses cavaliers masqués et surtout ses fous furieux dans des engagements terribles, en ce combat douteux qu’était celui de la démocratie contre le fascisme. Lequel des deux joueurs mettrait il le roi let ? Y aurait-il une revanche, un combat singulier à armes égales ou faudrait il attendre le retournement de l’un pactisant avec l’autre ? Kasparov (exilé depuis 2013 en Croatie) contre Deep blue (le futur Trump du Néant) ?
Hier, dans la métropole, j’ai erré dans les rues quand le soir est tombé dans les urnes. J’avais intentionnellement évité les bars de mon quartier, entre le bar De Là, (devise vin et vaincre à volonté) et celui du Bar Toi d’Là, dans lequel on buvait encore du thé en fumant la chicha il y a peu, lieu tout à coup désert . Je n’ai pas compris sur le moment cette relation entre ces deux couleurs, le rouge et le noir, ni le sens exact du grand remplacement lié au tsunami de l’extrême droite, non, j’ai perdu la notion des couleurs républicaines, je refuse les racontars des uns et des autres, mais une chose est sûre : je connais les périodes que mes parents ont vécues, tous les retournements de l’Histoire contemporaine et en bon athée, jamais je ne retournerai ma veste, quelle que soit la paroisse.
16 06 2024
AK
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