j’ai retiré mon tablier de cuisine (menteur!)

Bon, c’est vrai. J’ai retiré mon tablier de cuisine quand en sortant le plat du four j’ai découvert une momie réduite à un carré d’agneau avec quelques os qui surgissaient de sa masse carbonisée. J’admets devant dieu (que j’avais invité pour amuser mes ami(e)s) qu’entre-temps je suis parti faire la sieste en oubliant d’éteindre le four, le temps de la cuisson sous thermostat climatique .

Il faut reconnaître que la Cuisine est un art. Surtout quand on regarde la télévision et son concours ( Top Chef sur M6), qui mène des professionnels à vous faire saliver devant l’écran, y compris quand des encore plus grands chefs plongent leur fourchette dans leur bouche, en établissent les touches parfumées, les mélanges subtils et le dressage (eux qui ont connu les âpres savanes des plaques au gaz et des humiliations de leurs patrons d’alors). Bref, les pupilles clignotent dans le palais de ceux qui regardent, nourris d’images et de mirages gustatifs. On salive dans la bouche d’un maître cuisinier qui s’en met plein les papilles par procuration et porte un jugement sur le mets proposé. On admet la technique et l’audace, la multitude d’outils mis à disposition des concurrents, le foisonnement des ingrédients présents dans les présentoirs et les frigos. En un mot, le spectateur se régale de cette magnificence. Bien entendu, entre deux pauses publicitaires, il (le spectateur) peut jouer et remporter de quoi nourrir sa petite famille en répondant à une question plus simple que celle que se poserait une amibe. Il suffit de cliquer. Pour reproduire l’amibe.

Sauf que ce soir j’ai retiré mon tablier de cuisine quand en sortant le plat du four. Henriette m’a dit : « mais tu fais ça devant ta mère ? »

Effectivement, j’étais cul nu sous mon tablier, moins épais certes que celui d’un sapeur. J’ai dit à Henriette « retourne t’allonger dans le caveau familial, oublie ma tenue, demain dans l’urne à mon tour je brûlerai mes braies dans la braise, ainsi que tu le fis, petite mère ! »

À cet instant une main saisit mon épaule gauche. Elle était raide, cliquetante, osseuse, mais je sentis qu’elle ne me laisserait pas la possibilité de me lâcher. Je me retournai : dieu me fit face. « Alors, mon cuistot, je croyais que j’étais invité pour amuser tes ami(e)s, non ? »

Dans un premier temps, je fus pétrifié de terreur, puis, reprenant mon souffle, je lui répondis : « la soirée a été annulée. En fait, il y a ce soir une soirée salsa chez le Démon, splendide et très dansante (comme disent les vieux zombies) »

Un temps passa, ainsi que quelques anges. Dieu me regardait, dubitatif. Je déchiffrais quelques minutes sa physionomie : une barbe de hipster, des cheveux longs et collants par manque d’hygiène (il me dit plus tard que les toilettes du Paradis étaient bouchées, et que la pluie qui tombait sur la terre…). Notre échange dura un bon quart d’heure lorsque dieu se mit soudainement en colère et frappa d’un éclair tous les branchements électriques du village. La panne fut heureusement réglée lors de la retransmission de l’annonce télévisuelle des deux finalistes en lice.

Je compris la colère de dieu quand je lui annonçais que j’allais remettre mon tablier bleu pour suivre en replay à la télé comment cuisiner une momie bien fagotée et admirablement embaumée par d’excellents cuisiniers.

02 06 2023

AK

4 commentaires sur “j’ai retiré mon tablier de cuisine (menteur!)

  1. Loco, tu n’aurais pu signer Lope de Aguirre pour avoir provoqué cette colère de dieu, au lieu d’être cette colère même. Je te signale que, grâce à quelques ligues de bien-pensants, il existe maintenant des tabliers de cuisine strings, confortables et bienséants à cet endroit .

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