Poèmes d’eaux et d’os.

Ah qu’il est bon ce chemin de vie au bout duquel on en finit

Quand les rêves sont morts, les amis disparus, les rues

Qui dégringolent et fracassent le crâne d’un vieillard

A la canne brisée, au chauffeur de bus qui l’écrase en roulant

Quelle plénitude que de mourir en quelques secondes

Comme dans un film de truands deux balles la séance

Cinéma interdit aux moins de seize ans, ticket automatique

Paiement par carte bleue, caméras de surveillance

Mourir sans décence sous les klaxons de la rue embouteillée

Chauffeur de bus en pleurs sous les micros bégaye

Il a brisé sa canne est tombé j’ai freiné trop tard

Et le mort qui rigole encore sur la chaussée, le sang

Qui se répand d’un rouge profond vers le caniveau sale

Que nettoieront demain les ouvriers masqués de la ville endeuillée.

18 04 2021

AK

Que les hommes sont tristes

Eux qui étaient fontaines

Ils pleurent dans leurs mains,

Celles qui portaient l’eau

Aux lèvres de l’Amour

« Ils ont bu trop de vin » dit Ancona à Bari

« Ils croient en nous comme la misère au pain. »

Elles rirent. Elles aimaient rire et se moquer

Des hommes. Deux vraies femmes.

Ancona : femelle hirsute, grassouillette, bandana

Cerclant son front et derrière un chignon mou, mais

Tout teinté de vert. « Tu verras, les garçons ! De vrais

Lampadaires, lampyres au possible ! »

Bari, plus maigre, plus noire aussi. Il ne pleuvait jamais

Chez elle au-dessus des genoux. Plus jeune,

Donc plus impertinente.

« Mais si un homme, dans le creux de ses mains,

Portait l’eau de la fontaine à tes lèvres,

Qu’est-ce que tu ferais ? »

« Je le regarderai »

« Tu pleurerais en le voyant ? »

« Peut-être si lui me regarde. »

Elles rirent de nouveau.

La nuit était tombée sur leurs joues roses

Et elles se repoudrèrent.

Deux belles gosses que Schiele peignit plus tard

(jusqu’en 1917).

recopié le 19 04 2021

(manuscrit retrouvé dans un tiroir…

qui sent encore bon les lavandières, trente ans plus tard)

AK

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