Un dimanche entre Yukon et khamsin

Aujourd’hui, c’est dimanche

Comme je suis un vieux trappeur

Perdu dans la forêt des Culs-Bénis

(province du Yukon, Canada ouest)

Je vais mijoter une peau de lapin

Que je boucanerai ensuite

Pour m’en faire un couvre-chef

Aussi tactile que réchauffant

Demain, ou dans deux jours,

Le lapin sera cuisiné avec les pruneaux

Que je lui ai mis dans la peau.

Parfois, dans mes rêves, apparaît

Un bédouin, une caravane de chameaux

Les hommes qui mènent le troupeau

Sucent les premiers jours la peau des dattes

Sous le soleil sans arbres sous lesquels se reposer

Dans ma cabane perdue au milieu des forêts

Je les regarde mastiquer l’enveloppe et sourire

Ils marchent la nuit sous les étoiles

Et à l’aube avalent une partie de la chair

Des dattes, puis, plus loin dans le parcours

L’entièreté du fruit, mâchant comme

Le font leurs camélidés chargés de sacs de sel

Fumant parfois une cigarette venue d’occident

collée au bout de leurs dents solides que le khamsin

N’use pas en paroles inutiles, ils avancent

Et le noyau de la datte fond dans leur bouche

Jusqu’au terme du voyage où les marchands attendent

De négocier le prix de leurs vies et celle des animaux

C’est alors qu’une tambourinade se plante à ma porte,

Qui tente d’introduire ses griffes dans le verrou,

Je le connais, cet abruti, c’est mon pote Grizzly,

Il a senti le lapin, la marmite et le grille-pain

Du vieux trappeur que je suis, une fois encore

Il vient brader sa peau usée contre un repas chaud

Se calfeutrer, hirsute et sans famille près du réchaud

Et raconter pour la millième fois comment

Il pêchait les saumons avec ses pattes griffues

Mais je ne l’écoute plus, je dissèque le lapin

Pour faire avec ses os des colifichets coquets

Que je donnerai aux écureuils pour les piéger.

26 11 2023

AK

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