les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Il doit sans doute rester sur cette planète des pays dont on ignore le nom, des pays minuscules que borde encore la mer. On y trouve des pêcheurs qui ne naviguent plus car ils ont vieilli et leur peau ressemble à des filets troués de rides que les poissons s’amusent à moquer. Alors ces hommes, sans amertume aucune, regardent les vagues, les comptent. La septième est toujours plus haute que les six précédentes, et parfois annonciatrice de dégâts côtiers, selon l’endroit où elle sévit. Juan est de ces pécheurs qui contemplent le mouvement des marées, et il connaît l’affront que les hommes ont porté à la nature marine. Dans ces baies reculées seule la brise gorgée d’iode et parfois le sable dansant nourrissent les oyats et les filins d’acier des bateaux à voile qui claquent leur impatience au vent, réveillant les mâts sans cocagne, dans le port minuscule protégé des tempêtes. Cette musique est la seule richesse de ces gens arrimés à leurs bouts de quais. Ici, tout est déjà parti : le poisson, la population, les charpentiers navals, les jolies femmes, les bals et les chansons. Ne restent encore que de vieilles matrones, des femmes célibataires aux enfants dépenaillés et des vieillards mutiques.
Juan regarde l’horizon. De la vieille église montent des oraisons funèbres, vaines prières pour les défunts que la mer a engloutis dans leurs barques fragiles. Il regarde, il compte combien de septièmes vagues un jour l’enseveliront d’écume blanche. Mais il finit par ne plus les compter, il s’endort ; la mer est moutonneuse, les vagues en troupeau s’agitent vers le phare qui déjà tremble sous l’écume. Comme les autres, il attend le bateau qui viendra le cueillir à la marée montante et l’emportera loin de ses souvenirs. Il a connu tous les capitaines qui se sont amarrés à sa longue vie, il connaît les récifs qui bordent la baie, les chenaux à emprunter pour quitter le port ou y entrer.
Juan regarde la mer et le soleil encore ce soir se couchera avant lui. Il sourit. Les goélands les sternes et les mouettes rient de le voir ainsi, affalé sur une bitte rouillée devenue comme lui inutile. La marée avec le soir chassera ces moqueurs que tant d’années il a nourris. C’est l’heure pour lui de baisser ses paupières, de clore ses yeux bleus, de laisser sa barbe plonger dans les eaux du trépas. Il écoute le bruit calme des vagues qui viennent s’étendre sur les galets de la plage, celle ou jadis ne venaient jamais les touristes.
Encore deux… encore une…et puis… Adieu !
25 07 2022
AK
Prenant, captivant… attristant par le fond mais excellent par la forme… Ouf, Annie nous revigore… assez.
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Merci pour ce commentaire. Je vis au pied des montagnes, l’océan se situe à 100 kms, je n’ai pas le pied marin et pourtant tout ce qui touche au domaine maritime m’inspire, sans doute par l’aspect des voyages réels ou imaginaires et des travailleurs de la mer (sur le Péquod dirigé par le capitaine Achab !). En attendant, je reste sur la plage, mon intrépidité ne m’entraîne qu’au bout des estacades (pourvues de protections latérales solides et en bois de préférence !)
Bon dimanche !
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Pourquoi ai-je l’impression que le ton de ta réponse n’est pas des plus sympas ? Je te fais un compliment et tu me renvoies la 🐳… Oui, passons un excellent dimanche quelle que soit la marée. 🌊 Sans embruns … Au ☀️ de L’Aminautié 💐
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Il n’y a rien d’antipathique dans ma réponse, j’expose simplement mon lieu de vie et ma peur de l’eau (salée), c’est tout et c’est simple. Il ne faut pas chercher des sens qui ne sont pas de mise. Bonne soirée !
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Bien noté. Merci. Bonne semaine.
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