les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Cela faisait sept ans depuis que l’homme
Avait planté sa graine dans le ventre de sa femme
Le lendemain il s’était levé à l’aube, avait creusé un trou
Aussi profond qu’une nuit d’amour, comme
Quand un combattant revient vivant du carnage
Et c’est en souriant qu’il avait planté l’arbre chétif
Qu’il regardait ce matin-là, tenant son fils par la main.
Le gosse mesurait sous la toise à peine trois pommes
L’arbre déjà six mètres sous le vent, les tempêtes,
Et quand l’enfant aurait dix ans, l’arbre regorgerait de fruits.
La femme avait vieilli et l’homme restait meurtri
Pourtant, malgré ces temps difficiles, leur fils riait
Ignorant l’origine de sa vie sous l’arbre où il jouait.
La nature de l’homme et celle, végétale, des amours
Peu à peu développaient leurs ramures et leurs bras
Le temps des saisons des jeux sous les frondaisons
Gagnaient ce que l’homme perdait et l’arbre en jouait
L’enfant avait grandi, forci, et dans sept ans sans doute
Il planterait à son tour une graine dans le ventre
D’une femme rencontrée au bal du village ou à Pigalle,
Serait-il capable à son tour de creuser un trou
Et d’y planter heureux un tronc chétif d’arbrisseau
Nul ne le sait. L’arbre du jardin avait connu l’enfant
Le couple d’humains qui lui avaient donné sève et vie
Maintenant pourtant les temps avaient changé
Les saisons devenaient uniformes et, unique évolution,
Le chaos bradait l’apocalypse et les rires enfantins
Devenaient des cris d’alarme, des sirènes hurlantes
Quand l’arbre, du haut de ses quinze mètres
Regorgeait de fruits mûrs que personne ne récoltait
La vie avait conquis les larmes par les armes
Et l’enfant devenu mâture dut se résoudre un soir
(Que cette histoire est triste, mais elle devient la nôtre)
Portant dans une main un jerrican d’essence frelatée
Dans l’autre une tronçonneuse par magie efficiente
Au pied de l’arbre que les guerres avaient meurtri
Tira sur la cordelette pour démarrer le supplice
Condamnant l’arbre à mort-mort, comme à Burgos
Du temps des procès sous la dictature de Franco,
Mais à sa grande surprise, l’arbre était parti.
Dans la nuit des temps présents il avait disparu
Où était-il maintenant ? Sur un fleuve d’Afrique,
Dans les méandres de sa nostalgie, loin du jardin
Pensait-il encore à ce gamin qui jouait à son pied
Ou savait-il déjà qu’un jour on le tronçonnerait,
Comme on tranche l’esprit des hommes démunis
Dans le fût des fusils et que la gloire les embellit
Mais l’arbre de vie suivait sa propre généalogie
On en rencontre parfois un ou deux dans les jardins
Ils ne demandent rien aux hommes qui s’entre-tuent
Ils sont simplement là où on a besoin d’eux.
18 10 2024
AK
J’aime bien ton arbre qui vit sa vie, illustre Karouge.
Bonne soirée.
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