L’homme seul

L’homme seul que tu vois passer dans la rue

Observe le bien : il est sans avenir, sans souvenirs,

Car pour vivre une vie il faut des témoins, des rires

Et des femmes en jupes et grands chapeaux,

Maquillées parfois ou lingères à peau blanche

Une jeunesse qui traverse les pleurs et les guerres

Un lit sous les étoiles, un appentis, un grenier

Des amours des escaliers des marchands de misère,

Des témoins.

Et l’homme seul n’a rien de tout cela.

Son unique bagage est une page blanche

Une enveloppe, un linceul, tout ce que l’on dévore

Quand la nuit de son écriture rédige l’absence

De sentiments envers autrui, de rires sarcastiques,

Quand il pense, observe le bien, réussir sa vie

Aux dépens des témoins qui l’ignorent, ces passants

Dont il se fiche éperdument, des femmes

Dont les jupes froufroutent et le font éternuer

Les canons interdits des appels aux amours

Les chats suspendus aux gouttières, les rats

Qui dansent sur les poubelles et la jeunesse

Des étoiles qui virevoltent dans le néant

L’homme seul a connu tout cela quand

Il était nu.

Mais que vaut un souvenir quand nul ne le partage,

Quand le monde s’absente de ces mille sentiers

Où la vie combattait pour qu’ensemble on survive,

Ces moments que l’on savait par avance illusoires,

Quand un seul pion sorti de l’échiquier ne perdait pas

L’envie de gagner la partie, entre les pleurs et les guerres,

Mais observez le bien : cet homme est un roi,

Un roi nu

Un être qui écrit sur un linceul

La page blanche qui lui ressemble ,

Un dictateur, un solitaire.

23 10 2024

AK

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