Maga-lie

Depuis quelques jours, j’ai du mal à m’endormir auprès de ma compagne Magalie. Dans l’intimité je lui susurre à l’oreille « comment veux-tu qu’on le fasse, ce soir, Maga ? », mais maintenant je ne peux plus. Depuis que le septuagénaire a endossé son leadership au-delà des océans, la tête ornée de sa casquette rouge sur laquelle est inscrit Make America Great Again, soit le doux diminutif de ma chérie : Maga. C’est la continuité d’un complot fait pour me déboussoler, m’anéantir, et ce de longue date. Car ce n’est que maintenant que je me rends compte que « white spirit » signifie « esprit blanc », donc que le complotisme est devenu réalité, après s’être dissimulé dans les gondoles des supermarchés pendant des décennies. L’esprit blanc lave-t-il plus propre que l’évangélisme les cerveaux et le nettoyage ethnique rend-il les têtes plates après les avoir frotté avec un chiffon sur les microphones et les platines du discours politico-graveleux ?

En tant qu’homme j’avoue avoir parfois dit à Magalie des mots un peu suspects, tels que sentir, venir, exploser, jouir. Mais c’était entre nous, donc rien de répréhensible, juste faire les oies devant le Capitole (le Toulousain un peu zinzin).

Je disais bien à Magalie échange parfois ton livre de chevet contre un disque plus récent des Goguettes par exemple, mais elle me reprochait de devoir tout le temps sacrifier son émission télé favorite (la vie des animaux) quand le tsunami médiatique de casquettes rouges inondait notre canapé depuis l’écran. Alors, dans ces moments de tension qu’ont tous les couples, et toutes les nations, on éteignait le poste, laissant l’incertitude sur les publicités, si le KKK lavait plus blanc que blanc, si Elon Musk mangeait des animaux domestiques ou des hommes, des femmes et des bébés métis ou noirs, si le canard au pouvoir en janvier préférerait les dindes botoxées et sèvrerait de graines l’U et l’EU aux poulets enfermés dans leurs poulaillers nationaux. Ah, éteindre tous ces réseaux sociaux pour pisser dans le lavabo quand la nuit noire coupe le jus, quand l’eau potable devient si rare et le mercure si haut, qu’il faut tout bidonner pour se sentir puissant et posséder l’eau courante en haut de sa Tower, au détriment de Magalie qui me surprend et dit soudain :

« Chéri, sais-tu qu’il y a des inondations catastrophiques au Sud Soudan ? Alors, s’il te plaît, n’oublies pas de fermer le robinet quand tu auras fini, et passe un coup de serpillière, tu pisses partout. Demain, je t’achèterai une casquette rouge et y ferai broder un beau « Magalie, pour la vie. »

Ce à quoi je lui ai répondu : « surtout pas ! Achète moi un chapeau, c’est super mieux pour faire la manche après la messe des évangéliques. »

« Qu’importe, mon amour, toi et moi savons bien que ce soir encore, nous dormirons ensemble, dans de beaux drames, ici et là. »

10 11 2024

AK

4 commentaires sur “Maga-lie

  1. C’est un dilemme intenable : garder les yeux dans le noir, en une longue nuit d’insomnie, à ressasser ces drames outre-atlantiques… ou fermer les yeux, et faire comme si de n’est rien était ?

    Quand cela arrive, c’est le dessin qui me sauve…

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    •  » garder les yeux dans le noir », heu, garder les yeux « ouverts » dans le noir, sinon on baisse les paupières et on fait un gros dodo avec des drones qui sifflent une chanson dans nos oreilles pleines d’acouphènes russes (et iraniennes, et coréennes etc)

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