les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Texte issu du site : https://www.poemes.co/
À TU ET A TOI
Toi qui n’es rien ni personne
toi
je t’appelle sans te nommer
car tu n’es pas le dieu
ni le masque scellé sur les choses,
mais les choses elles-mêmes
et davantage encore : leur cendre, leur fumée.
Toi
qui es tout,
qui n’es plus, qui n’es pas :
peut-être seulement
l’ombre de l’homme
qui grandit sur la paroi de la montagne
le soir.
Toi qui te dérobes et fuis
d’arbre en arbre
sous le portique interminable
d’une aurore condamnée
d’avance.
Toi
que j’appelle en vain
au combat de la parole
à travers d’innombrables murmures
je tends l’oreille
et ne distingue rien.
Toi qui gardes le silence
toujours
et moi qui parle encore
avant de devenir sourd et aveugle
immobile muet
(ce qui est dit : la mort),
Je vais hors de moi-même en tâtonnant
cherchant ce qui peut me répondre,
« toi »,
peut-être simplement
le souffle de ma bouche
formant ce mot.
Toi
je te connais je te redoute
tu es la pierre et l’asphalte
les arbres menacés
les bêtes condamnées
les hommes torturés.
Tu
es le jour et la nuit
le grondement d’avions invisibles
pluie et brume
les cités satellites
perspectives démentes
les gazomètres les tas d’ordures
les ruines les cimetières
les solitudes glacées je ne sais où.
Tu
grognes dans les rumeurs épaisses des autos des camions des gares dans le hurlement des sirènes l’alerte du travail les bombes pour les familles.
Tu
es un amas de couleurs
où le rouge se perd devient grisaille
tu es le monceau des instants
accumulés dans l’innommable,
la boue et la poussière,
Tu ne ressembles à personne
mais tout compose ta figure.
Tout :
le piétinement des armées
la masse immense de la douleur
tout ce qui pour naître et renaître
s’accouple à l’agonie,
même les prés délicieux
les forêts frissonnantes
la folie du soleil l’éphémère clarté
le roulement du tonnerre les torrents,
tout
cela ne fait qu’un seul être
qui m’engloutit ; je vais du même pas
que les fourmis sur le sable.
Toi
je te vois je t’entends
je souffre de ton poids sur mes épaules
tu es tout : le visible,
l’invisible.
connaissance inconnue
et sans nom.
Faut-il parler aux murs ?
Aux vivants qui n’écoutent pas ?
À qui m’adresserais -je
sinon à un sourd
comme moi ?
Tu
es ce que je sais,
que j’ai su et oublié,
que je connais pourtant mieux que moi-même,
de ce côté où je cherche la voie
le vide où tout recommence.
Jean Tardieu

Jean Tardieu, né le 1er novembre 1903 à Saint-Germain-de-Joux, dans l’Ain et mort le 27 janvier 1995 à Créteil, dans le Val-de-Marne, est un écrivain et poète français, inventeur extrêmement fécond, qui s’est essayé à produire dans tous les genres et tous les tons : humoriste aussi bien que métaphysicien, dramaturge et poète lyrique ou formaliste, il a déployé en plus de soixante ans une créativité exceptionnelle, faisant alterner une poétique classique avec le vers libre ou les tentatives audacieuses de l’écriture informelle. Avec une inquiétude métaphysique dissimulée sous l’humour, Jean Tardieu n’a cessé de se « demander sans fin comment on peut écrire quelque chose qui ait un sens ».
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Tardieu#L’%C5%93uvre
Oulipo au feu… Photo Bourisp 2021 (en bas) (prochain festival du reportage du 4/07 au 15/08/2024)
Photo prise à Bilbao pour l’illustration (au-dessus)

J’aime beaucoup Jean Tardieu !
D’ailleurs, pour mon poème mis en musique de ce mois, j’ai hésité à prendrer « la môme néant ».
Bonne journée, illustre Karouge.
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Bon, eh bien à partir de ce soir je m’invite chez toi (enfin, sur ton site!). Je crois que j’ai de quoi ouvrir mes esgourdes et mes mirettes tant je n’écoute plus de musique classique depuis quelques années ( non non, inutile de compter sur MES doigts). J’achèterai ton bouquin dès que j’aurai (repris) mes marques musicales.
le site de l’imprimeur « TheBookEdition » (https://www.thebookedition.com/fr/compositeurs-et-compositrices-p-392462.html)
Bonne soirée Maëstro !
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Un conseil, quand tu te sentiras prêt à acheter mon livre, ne passe pas par thebookedition, demande le moi. Je le vends au prix qu’il m’a coûté chez l’imprimeur, soit 12 €, auquel il faut rajouter 6 € de frais postaux. Et en plus, tu auras droit à une dédicace !
Elle est pas belle, la vie ?
Sinon pour Jean Tardieu, je l’ai également cité récemment dans un autre article, celui sur la compositrice Sophie Lacaze, qui a mis en musique certains poèmes de « l’Espace et la Flûte », un recueil de poèmes illustrés par Picasso.
Bonne soirée, illustre Karouge.
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C’est noté sur ma partition ! J’ai vu l’article consacré à Sophie Lacaze. En plus elle est née à Tarbes !
Bonne soirée à toi.
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