Vestes et doublures

Quand j’étais petit je me retournais souvent dans la rue pour vérifier que je n’étais pas suivi par une religieuse, un petit russe ou un suisse (helvète ou vaticanais), ce qui fait de moi un être paranoïaque atteint de grossophobie pâtissière depuis l’enfance. Plus tard, ayant atteint la majorité électorale, je regardais avec délectation tous les porteurs de vestes, riant de voir le grand nombre de ceux qui la retournaient sans crier gare. C’était un temps que l’on pourrait nommer l’air du temps, ou le vent de folie, ou encore la mode des suicidaires, les vêtements passant du rouge au noir, comme le sont les blousons réversibles antipluies quand on se promène dans la campagne (sélective) et que le temps est incertain, voire orageux. Par ailleurs, je dois avouer que ces deux couleurs dominaient alors, le rose étant depuis longtemps passé de mode et le vert dans l’ombre des placards avec les fruits de la discorde. Me concernant, j’avais perdu le goût des pâtisseries et avais maigri de façon significative, ne pesant sur la balance que les quelques pépins de ma pomme d’Adam qui me réduisaient au silence, à la pâleur d’un bulletin blanc. J’avais beau retourner dans ma tête mille sentiments, cent idées et une simple logique, le monde entier paraissait jouer dans mon cerveau aux échecs, combat féroce entre l’utopie et la dystopie, troupes félonnes de part et d’autre poussant ses pions, ses atours verbaux, ses cavaliers masqués et surtout ses fous furieux dans des engagements terribles, en ce combat douteux qu’était celui de la démocratie contre le fascisme. Lequel des deux joueurs mettrait il le roi let ? Y aurait-il une revanche, un combat singulier à armes égales ou faudrait il attendre le retournement de l’un pactisant avec l’autre ? Kasparov (exilé depuis 2013 en Croatie) contre Deep blue (le futur Trump du Néant) ?

Hier, dans la métropole, j’ai erré dans les rues quand le soir est tombé dans les urnes. J’avais intentionnellement évité les bars de mon quartier, entre le bar De Là, (devise vin et vaincre à volonté) et celui du Bar Toi d’Là, dans lequel on buvait encore du thé en fumant la chicha il y a peu, lieu tout à coup désert . Je n’ai pas compris sur le moment cette relation entre ces deux couleurs, le rouge et le noir, ni le sens exact du grand remplacement lié au tsunami de l’extrême droite, non, j’ai perdu la notion des couleurs républicaines, je refuse les racontars des uns et des autres, mais une chose est sûre : je connais les périodes que mes parents ont vécues, tous les retournements de l’Histoire contemporaine et en bon athée, jamais je ne retournerai ma veste, quelle que soit la paroisse.

16 06 2024

AK

2 commentaires sur “Vestes et doublures

  1. Pourtant il va bien falloir choisir parmi tous ces menteurs avides de pouvoir et suffisants. Comme je l’ai vu passer sur un réseau, cette phrase : «  moi je voterai pour ma machine à laver, au moins elle suit son programme
    ! »

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