De la bave des escargots à celle des escamoteurs de réalité.

Vous n’imaginez pas comme nous en avons bavé, ma petite famille et moi. Non seulement par crainte de l’inondation qui nous a obligés à grimper le long du mur de la maison du paysan trop fainéant ne serait-ce que pour semer des salades dans son jardinet, mais encore par peur de voir surgir soudain Ericzemo, le terrible hérisson qui ne ferait qu’une bouchée de nos maigres coquilles, celle de mes enfants et de ma femme dont hélas je ne partage pas le lit, du fait de mon hermaphrodisme congénital entièrement assumé.

La pluie ne cesse de tomber depuis des jours et c’est le début de quarante jours d’averses de neige, de grêle et la noyade assurée pour les escargots dont je suis. Alors pensez ! Me retrouver sans logis, avec une limace(chemise en argot) trempe sur le dos pour unique compagnie me glace le sang. Plutôt finir cuisiné dans un bon restaurant bourguignon, avec beurre, persil et ail haché menu. Et puis, inutile de compter sur Noé en cette période où Noëlle risque de voir les anglais débarquer sur nous, pauvres pêcheurs sans droit validé par les anglo-normands, sauf si elle est enceinte du Buon Padre (mais c’est une autre histoire).

Le crépi nous a permis de monter jusqu’à la sous-pente du toit, et de nous réfugier à l’abri des oiseaux à plumes noires, faux merles moqueurs, qui préfèrent en cette saison les boules de graisse. En été, nous leur donnons des boules de pétanque, mais ils les suspectent de contenir du plomb. Ils n’ont pas tort. De fait, bien calés dans les interstices du bois et des moellons qui s’effritent, nous scrutons l’eau qui monte et surtout Ericzemo, le hérisson affamé. Vu d’où nous sommes, il semble petit. Son dos est couvert de piquants qui font penser à ces piques à olives et petits fours dans les cocktails mondains. Il pourrait être l’amulette d’un fakir, un de ces piquants cactus arizonien, une plume Bossuète de Figaro, un distributeur de seringues dans une Pastorale évangélique, un piquoir de couturière, bref un animal comme les autres, un logorrhéique cannibale, vegan, carnassier, mais pas hélicicole !

En fait le véritable danger que représente pour nous Ericzemo, c’est son cousin Pork-Ethique. Une bestiole capable de t’envoyer des sagaies empoisonnées comme ça, pif paf, sans que ça nuise à sa réputation (mais il paraît que non, selon Wiki). Un pork-éthique qui veut rendre aux limaces blanches bien cravatées l’art du costard et du parapluie, refusant les inondations invasives de migrants sur son territoire, son littoral littéraire, cette terre d’Histoire , mélange de Charles et de Martel, mélange savoureux qu’il martèle à tout propos, ce frère d’Ericzemo qui veut labourer les terres nobles du laboureur qui réunit au chevet de sa mort ses blancs enfants, oubliant que d’autres en nombre incommensurable avaient eux-mêmes labouré ce sol fertile et difficile, quand lui n’avait que deux fainéants auxquels faire la leçon.

Et s’il est parfois vrai que les hommes heureux n’ont point de chemise, nous, les escargots, sous nos fragiles habitacles, à bien même respecter la pluie dans les jardins aimerions sans conteste que l’on ne nous gave pas de toutes ces salades qui ne nourrissent ni les escargots ni les hérissons, les vrais, qui, il faut le signaler, hibernent en ce moment (juste quelques crottes devant les gamelles des chats).

10 12 2021

AK

6 commentaires sur “De la bave des escargots à celle des escamoteurs de réalité.

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