les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Je suis parti d’ici dit le soldat, mais je ne pensais pas en arriver là. J’aurais du rebrousser chemin, camarade, mais pour moi revenir chez moi est plus risqué que de mourir ici, même si j’ignore aujourd’hui où je suis.
« mais, mon ami, ici tu es n’importe où » répondit son camarade. « Ici, c’est le front, ne pense plus à rien, tire au milieu du visage de ton frère, cet ennemi, et surtout oublies d’où tu viens, car tu n’y retourneras pas ! ».
Pour réconforter son camarade, il ouvrit un carnet sale qu’il tenait dans sa vareuse, à l’abri des bombardements. Il dit : « c’est un poème.Je l’ai écrit en mars à ma fiancée, mais aussi à ma mère.Veux-tu que je te le lise, Sergueï ? »
Son compagnon ne s’appelait pas Sergueï, mais hocha la tête en signe d’acquiescement .
« Il s’appelle Moï Lioubov. Je l’ai écrit hier soir. Tu me diras ce que tu en penses, Sergueï ». Le gars ferma les yeux, grognant « allez, lis, ne m’emmerde pas! la poésie n’est pas mon domaine, j’étais un scientifique. Genre 1+1 font 3, dans les algorithmes. Et maintenant mon sang coule , bordel ! La plaie ne cicatrise pas! » Alors lis-moi ton poème foireux, comme l’est cette guerre » .
Le soldat ouvrit son carnet. Par chance il avait écrit à la mine de plomb son texte, qui survivait ainsi à l’humidité de la tranchée. Le papier du carnet s’écornait sous la chaleur de sa vareuse, mais les feuillets restaient lisibles. Il commença :
« Ma chérie, toi qui es ma seule et véritable patrie,
Tu me manques tant que j’en perds l’appétit et le rire
Nous avons franchi les frontières de l’absurde
Pourtant je pense à toi, je combats pour survivre
Mais nullement pour conquérir un monde plus tranquille
Notre Nation est vaste, alors quel est ce jeu de quilles
Quelle partie se perd sur l’échiquier, quel déséquilibre
S’est-il abattu dans l’ouragan des souffrances inutiles,
Ma chérie, moï Lioubov, qui a déchiré notre destin
Qui a pris la place d’un avenir serein, est-ce l’oiseau
De mauvaise augure ou le fou sur l’échiquier mondial
Je ne sais, mon amour, mais je compte les jours
Qui me séparent de toi , de ma mère, des mille patries.
Dans lesquelles les gens vivent tranquilles. »
Sergueï à la fin de l’écoute, leva son index droit. « Tu sais qu’ils peuvent te fusiller pour avoir écrit ça ». »Mais non Sergueï, cette nuit je vais déserter. Mes combats sont ailleurs, la poésie n’est qu’une arme aux mains de la démocratie. Un peu plus tard dans la nuit on entendit des coups de fusil mitrailleur marteler l’univers. Au petit matin on ne trouva personne. Seule la guerre engendre des cadavres songea le déserteur, mais la vie : jamais !
01 10 2022
AK
https://languesdefeu.hypotheses.org/839
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ce complément d’information fort appréciable.
Juste cet extrait : « Que ta langue s’attache à ton palais ! s’écria Lébédev dans un brusque mouvement de frayeur. Et, se précipitant vers l’enfant qui dormait dans les bras de la jeune fille, il traça au-dessus de lui, d’un air égaré, plusieurs signes de croix. – Seigneur, garde-la ! Seigneur, protège-la ! Ce bébé est ma propre fille Lioubov, ajouta-t-il en s’adressant au prince. Elle est née, en très légitime mariage, de ma femme Élèna, morte en couches. Et ce vanneau, c’est ma fille Véra, qui est en deuil. Et celui-ci, celui-ci.. oh ! celui-ci… »
Я люблю тебя, любовь моя!
J’aimeJ’aime