Motards en couleurs (5)

De fait, nous sommes retournés tranquillement au port où nous avions débarqué(Seyðisfjörður )… et retour en Europe du Nord, avec la houle qui vous accueille de la proue à la poupe tout au long du voyage. Débarquement ‘(sans escale) : Bergen, Norvège.

La première impression en débarquant au port était que ça picolait dur dans les bistrots. Ambiance pas très festive, plutôt agressive et bagarreuse , bref, un port. Le lendemain, ce parfum de vivre qui nous animait fit que nous prîmes la route du Jutland, traversâmes le Danemark dans la foulée, toute plate et vitesse dans le vent (90 km/h), puis descendîmes du nord au sud l’Allemagne, piquetant de sardines notre canadienne dans des campings pleins de nains de jardins. À l’époque, j’ai souvenir que chaque petite ville avait son industrie en ordre de marche. Sur cette période (septembre 1980-mai 1981), le flou. Ni l’un ni l’autre (Z et moi) ne s’accorde vraiment sur la chronologie ; de plus, je n’ai plus mes papiers concernant mon cursus professionnel. Donc, je continue mon récit avec ma mémoire défaillante…

Nous trouvâmes refuge à Paris, rue de Flandre, dans le 19eme, où vivait depuis des décennies la grand-mère de Z., Marguerite . Celle-ci avait récupéré un petit appartement au 1er étage, dont elle était propriétaire, comme de la sous-pente au-dessus où elle avait longtemps vécu, ne pouvant se débarrasser des locataires du dessous. Mamie Marguerite est un autre histoire. Cette mamie m’aimait bien (sans être un gendre idéal) et elle nous laissa nous installer sous les combles, avec WC au fond du couloir (et douche chez elle). Bref, on retrouva du travail (moi dans un cabinet d’architectes aux Mercuriales et Zabou standardiste rue des Boulets dans le onzième (l’époque n’est pas certaine).

Mêmes boulots qu’avant et toujours ce parfum de vivre sans destination précise. Pendant quelques mois je livrais des plans d’architectes à la Défense alors en construction permanente. Un week-end en bons parisiens nous allâmes voir la mer, à saint Malo, rôder un brin sur la côte normande. Tape-Cul se faufilait entre les remparts automobiles qui fuyaient pour quelques heures la capitale.

Et puis, comme pour tout provincial , Paris n’est qu’un spectacle, une ville qu’en mûrissant on cherche à quitter : elle devient lumière puis les paupières se ferment. Dans d’autres lieux, sous alors d’autres horizons, plus calmes et moins accaparants, moins captifs et snobinards , la vie se fait vivante.

Ainsi, nous sommes revenus dans le Béarn et par miracle avons pu toucher le chômage. Zabou suivait des cours d’italien par correspondance. C’est en lisant « les îles » de Jean Grenier que nous décidâmes d’aller en Italie, voir les îles Borromées et nous installer au bord du lac Majeur. Ce fut un aller-retour rapide de reconnaissance des lieux (prix et opportunité d’un petit logement à louer), avec quelques balades et visites touristiques. Une fois revenus au bercail, avec nos économies parisiennes et les allocations de chômage, plus ici et là de petits boulots, nous nous payâmes la grande classe (pour nous) : une MZ 250 rouge avec son side-car, toute neuve ! (le prix était celui d’un scooter, environ 1500 euros, de mémoire). Il me fallut un temps d’adaptation pour maîtriser la bestiole, ce qui n’était pas évident du tout. Quelques semaines passèrent et le 10 mai 1981, jour de l’élection de Mitterrand (pure coïncidence) nous partîmes vivre pour de bon en Italie, sur les rives du lac Majeur.

« Faut-il le dire? Faut-il l’avouer? Transplanté dans un pays du Nord, la vie me fut lourde et sans poésie ; sans poésie, je veux dire sans cette surprise qui fait qu’à chaque instant l’on découvre un aspect nouveau à ce qui est parfaitement monotone. Et moi, je découvrais un aspect monotone à ce qui était pour moi nouveau…

Je me tournais vers ce qui pouvait le plus me rattacher à la nature : aux animaux qui passaient dans la rue (les chevaux et les chiens), aux arbres -il y en avait bien peu- enfin jusqu’aux plantes qui poussent derrière les vitrines des fleuristes. Quel étonnement le jour où je vis l’enseigne de l’un d’eux : « Aux îles Borromées ». « 

(« les îles » de Jean Grenier, collection l’Imaginaire, Gallimard)

2 commentaires sur “Motards en couleurs (5)

  1. La honte sur toi § Mettre la douce Z dans un pot de fleur (même si la fleur est belle) accroché à une moto ! Toi la toisant, elle se taisant, respirant les gaz d’échappement et ta suffisance. La honte, vous dis-je.

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