les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
J’ignore quelle neige s’est posée sur la page. De quelle couleur est ma peau grise, de quelles odeurs la blondeur du sable m’enlise. Je m’englue, mes doigts sont des phalanges de bestioles affamées qui me dévorent . Elles sont là, s’expriment sur un clavier, me touchent et me dévorent. Je ne peux plus combattre. Tous les ans une artificielle bureaucratie me redemande qui je suis, où je vis, et de multiples machineries m’invitent à procéder à des mises à jour, renouveler des codes, faire vérifier mon identité par le facteur, payer par internet eau gaz électricité, renouveler des codes, renouveler des données, renouveler toujours car le monde qui change n’est plus de mon monde. Mais un conglomérat de gens désormais masqués, obéissants, généreux, patients, condamnés à subir brimades coups et injustices : quand ce n’est pas obligatoire c’est que c’est interdit. Plus la science, la technologie avancent, plus nous marchons à reculons.
J’en arrive à cet âge où l’on parle plus aux morts qu’aux vivants, j’ai lâché les manettes de ce jeu vidéo qu’est devenue la vie. Alors, la paix regagne mon lit, le rêve se rétablit en se réfugiant sous la couette ; et la douce ronflette de ma compagne distille le chant tiède porté par une musique sensuelle et charnelle. L’hiver du général Cornuto peut venir, je connais cette neige posée sur la page : c’est ma vie éperdue retrouvée dans un vieux catalogue de jouets oublié sous le tas de factures impayées et de menaces fumeuses. N’oubliez pas l’attestation pour mettre le nez dehors, le paradis perdu est en vente exclusivement sur internet, le roi Carnaval est un gros blond peroxydé américain, mais ici la grand messe est prêchée par le grand Manitou national une fois par mois, devant trente millions de téléspectateurs infantilisés, les stylos n’écrivent plus, les claviers sont connectés, vous pouvez leur parler, vos téléphones vous tracent , la victoire de Samothrace a des ailes mais plus de bras, à l’instar de la Vénus de Milo, qui a, elle, encore sa tête.
De quelle couleur sont nos peaux grises, l’écran tactile seul les reflètent, avec de belles images de la Nature en fuite en arrière plan, que nous léchons en bavant car nous n’avons plus de bras, le jus de cervelle est resté bloqué dans le stylo-plume que la sécheresse du monde a durci, encre de pierre pourtant jadis si précieuse, vivre le présent, s’adapter aux conditions non choisies par l’homme devenu esclave sans existence, vivre avec, nous serine-t-on…Sachant que : quand ce n’est pas obligatoire c’est que c’est interdit.
27 11 2020
AK
Si ce n’est pas obligatoire, c’est que c’est interdit !
Jolie formule, qui hélas devient de plus en plus vraie.
Ai-je encore le droit de te souhaiter une bonne soirée, illustre Karouge ?
J’aimeAimé par 1 personne
Comme le fait justement remarquer miss Do, si tu as le mot de passe à jour (le mot gentil bien sûr), tu as accès au seul et unique droit sur ce site protégé ; l’amitié !
Bonne soirée Maëstro !
J’aimeAimé par 1 personne
Alors bonne soirée, illustre Karouge ! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Mouais ! Et les mots de passe, ces sésames à nos identités, à la réactivation de la mémoire intelligente qui nous fait défaut, ces clefs souvent oubliées dans une poche de notre cervelle de plus en plus ouatée, hum, tu as oublié d’en parler ! N’oublie pas de ne pas oublier !
J’aimeAimé par 2 personnes
je vais le noter sur mon calepin…que je ne trouverai pas quand j’en aurai besoin !
J’aimeJ’aime