les babillages de Chinette, les coloriages de Chinou
Les rats des villes, épuisés de la vie qu’on leur menait dans les catacombes des mégapoles, décidèrent d’aller s’installer chez leurs cousins campagnards. La nourriture, si elle n’était pas plus abondante, entretenait un choix de produits frais qui ne sentaient pas l’eau de Javel, et la boisson un chouïa moindre de chlore car à la campagne l’eau des piscines est intimement liée à celle du temps qu’il fait.
S’en vint donc une colonie de rats destinée à analyser la possibilité d’installation de familles et de possibles créneaux pour vivre avec les autochtones de ce petit pays agricole.
Un peu chamboulés d’avoir voyagé entre les bogies du train, ils organisèrent leur pérégrination en longeant le cours d’eau qui remontait sur une vingtaine de kilomètres vers le lieu où ils voulaient s’installer de façon pérenne. Il se raconte qu’un rat peut parcourir dix km s’il sent un morceau de fromage et 800 s’il veut vivre à plein temps dans la campagne. Ils finirent ainsi par accéder à la source, par le ru qui lui versait l’aumône. Ils furent alors saisis d’une fièvre festive, d’un délire orgiaque que certains naturalistes nommèrent « rût », ou encore « rut-à-bagas », selon les pays. Les rats dansaient, s’enivraient d’eau de source, copulaient en chantant des chansons paillardes et des cantiques pour que naissent bien vite des rejetons qui augmenteraient la colonie de leurs joyeux babils.
Avant l’aube, précédant les renards qui tourniquent autour des poulaillers, le chef de la confrérie envoya deux éclaireurs aux alentours du lieu où ils avaient gaiement partouzé. Le patelin était, comme il a été dit, entouré de champs cultivés. Ils s’engagèrent donc dans le sillon le plus discret d’un labour. Le maïs avait été récolté quinze jours plus tôt et les paysans hersaient le sol pour que la terre absorbe les fanes et les pieds broyés (de maïs), qui ne sont ni le nom d’une rivière irlandaise (Fane), ni celui d’un cochon dodu (se baignant dans la vinaigrette). Comme le dit l’adage, tous les sillons mènent au cœur des villages, il suffit de choisir le bon.
Petit rappel historique : quasiment tous les bourgs étaient dotés de murailles censées les protéger des envahisseurs, des ennemis, ici des Maures et des Cagots. Paris elle-même avait ses fortifications. Dans le cas présent, une enceinte de pierres maçonnées avec de la bouse de vache entourait le village. Ces parois avaient une hauteur suffisante pour empêcher que les nains de jardin n’envahissent le centre ville, semant la zizanie et le charivari dans la population. Nombre jeunes femmes avaient eues par le Passé des enfants qui ne grandissaient plus dès l’âge de douze ans, atteignant à peine et sur la pointe des pieds les interrupteurs des lampes des rustiques cuisinettes.
Les rats sont des animaux intelligents, sans distinguo. Les traces hors sillons des tracteurs forcément menaient à la porte de la citadelle dédiée à l’entreposage des céréales, un vaste hangar muni de silos permettant d’assécher le grain afin qu’il ne moisisse pas. Autant dire que devant cette montagne de nourriture les rats firent bombance et de nouveau s’abandonnèrent au stupre et à la luxure. Incorrigibles !
Ce récit, parfaitement véridique, ne peut conduire qu’à ce qu’il advînt historiquement : la rencontre des rats des villes et ceux des campagnes. Tout d’abord, il faut savoir que les rats campagnards avaient pour alliés les membres de l’ONJ (Organisation des Nains de Jardin), qui comptait une centaine de membres et s’opposait fermement aux nouveaux venus, (chats, belettes, loups, renards et juments de Michao, sans parler des ratounets parigots qui feraient monter les prix des poulaillers et de l’immobilier vétuste). Quant à la partie adverse, dont l’hymne était « Métro c’est trop », seul leur désir consistait à s’établir en paix tout en chassant leurs homologues de leur territoire. À l’instar des humains d’un pays du Moyen Orient, qu’en tant que narrateur je ne citerai pas.
Ce texte nécessitera certainement une suite, qu’en tant qu’ancien rat de bibliothèque, je tenterai d’écrire, mais en semaine, car comme chacun sait, le dimanche Dieu se repose.
11 09 2022
AK
Délicieux ! j’attends la suite pour rire un peu 🙂 merci – amicalement
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mon clapier ne contenant, avant la reproduction prochaine par photocopie, qu’une petite quatraine (femelle du quatrain chez les animaux) de lapins, je les pose et te les offre (attention pas de surenchère !)
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