O tempora, o mores!

Comme tous les hommes de ma génération et sans doute les futures j’ai pris la route de la vie et y ai trouvé les mille vies qu’elle contenait. Pas de boussole, pas de parcours , de GPS et de résultats probants ni de récompense à l’arrivée. D’ailleurs, aucune médaille ne m’a été remise, notamment celle du Parfait Ennui, que l’on distribue dans les salons de l’existence laborieuse. Mais il faut l’avouer, l’unique chose que j’aie perdue, c’est le temps qu’il me faut vivre en sinistre compagnie de la vieillesse des autres, moi qui suis encore dans les fleurs du large, mais non dans les vagues largesses de mon porte-monnaie. Exemples de débours : la naissance d’un nouveau-né (pour sa Sophie-girafe), ou le mariage de ma fille aînée (pour sa jarretière constellée de faux diamants), ou l’anniversaire de tante Adèle (morte en cuisinant les fourmis dans la poêle), ou la saint Valentine (repeinte de maquillages toxiques à petits prix), qui ne correspondent en rien à mon propre vécu, depuis qu’au volant de mon bolide (une Aston Martin achetée à un dénommé Ernest S.) j’ai fait le vide dans ma tête. Bref, je suis égoïste, seule ma vie compte et tant que je dompte cette drôlesse, je peux dormir avec Morphée autant qu’avec la Vénus de Milo. Mes bras sont cassés et parfois tombent mais mes caresses restent pleines de douceurs encore. L’enfance naïve des lectures de contes s’est assujettie aux comptes et aux factures de l’adulte ; pourtant la route agençait lignes droites et carrefours, géométries de PPCM et PGCD (salut Euclide!). Rouler sa bosse, faire le plein et quand la réalité perdait ses illusoires, marcher à pied, face à l’avenir qui pointait à l’horizon. Pas de désillusion, juste avancer sous les premiers nuages, loin des mirages, les yeux rougis de sable parfois, les langues de bois qui déclaraient que la médaille du Parfait Ennui était pour ceux qui la méritaient pour leur travail de miséreux sans diplômes, de cette vie charbonnière qu’ils n’avaient jamais envisagée hors de leurs mines pathétiques. Oui. Au volant de mon bolide j’étais plus rapide que la petite mort qu’insuffle la vitesse mais je tenais cet imbécile volant qui allait droit dans le néant. Les chevaux-vapeur ne reviendraient qu’après la mort des mules endimanchées tirant le corbillard. Comme tous les hommes de ma génération, ni fleurs ni couronnes, juste un pétard fatidique qui m’emporte dans sa fumée jubilatoire : cendre carnavalesque et poudre (de rires). Je léguerai aux enfants du monde mon porte-monnaie vidé de tout espoir pour eux de vivre heureux, comme la tante Adèle et la Vénus de Milo, l’une au musée l’autre au fourneau. Perte de temps : ô tempora, ô mores!

09 02 2023

AK

« « O tempora, o mores » est un incipit et une locution latine pouvant être traduite par « Quelle époque ! Quelles mœurs ! » ou bien par « Ô temps, ô mœurs ». Elle figure dans plusieurs œuvres de Cicéron.

Son emploi traduit l’indignation — parfois ironique — de celui qui l’utilise, vis-à-vis des mœurs de son époque. »

Photo de tête d’article : festival de photos de reportages internationaux de Bourisp (Saint Lary) prise lors de ma visite. Le festival se déroule de mi-juillet à mi-août chaque année, et est vivement conseillé aux bretons qui vont franchir les Pyrénées pour voir ce qu’il se passe chez nos voisins méridionaux !

9 commentaires sur “O tempora, o mores!

    • Oh lala ! Pas de tourterelles dites de Turquie, elles me cassent les oreilles et ont envahi une partie du petit pays. Ici, pies, merles rouges-gorges et passereaux divers suffisent à pousser la chansonnette pour me réjouir. Quant aux frites, Chinette étant native de Liège, c’est pas deux bains la veille qu’elle changera ses habitudes !

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