Les fonds de tiroir : 2 cours du CNED 1988 (voici le premier)

(Photo d’illustration : festival de reportages à Bourisp, vallée d’Aure (65) 2022, photo prise en extérieur dans le village)

1988 : cours du CNED pour un emploi futur..

Devoir 1, Série 1, sujet : Rédiger un rapport

(en italiques mes rajouts d’alors)

Projet d’aménagement de la zone 3B et problèmes inhérents à ce projet (depuis le début de la mousson).

Le mois de juin a vu le temps se détériorer sur la plaine de la Bécasse. Les rivières ont progressivement atteint un niveau alarmant avant de se stabiliser à la côte 300, ce qui n’a pas manqué de poser quelques problèmes majeurs : ravitaillement, humidification des matériels et instabilité des performances.

L’érosion des rives et le charroi des eaux emportant troncs et débris divers (dont une grand-mère centenaire et son perroquet) ont également brisé quelques bases et repères devenus, de par le niveau actuel des eaux, irréparables momentanément.

Le personnel indigène ne dispose que de quelques barques et Zodiacs, d’où accroissement de l’absentéisme. Quant à l’information, tant postale que télégraphique, elle ne s’opère que par bribes. Le facteur ne passe qu’une fois par semaine et son penchant pour le poisson risque de poser, à court terme, un grave préjudice à l’entreprise : non seulement il est fréquent de trouver des crustacés dans le rare courrier, et encore celui-ci est-il réduit à une pâte molle d’où les mots ont des difficultés à s’extraire. Quant au téléphone, télex, télécopie, trois hommes se relaient jour et nuit pour réparer les coupures dûes à l’inondation.

Néanmoins le moral des hommes reste bon, malgré la situation précaire ; le service des Visiteuses (*) instauré par le capitaine Pantaléon Pantoja fonctionne à merveille.

Devant une telle situation, diverses mesures ont été et seront prises:

En premier lieu, déplacer les postes à risques afin d’éviter une détérioration trop importante des matériels (ordinateurs, théodolites, plans). Les services ci-après mentionnés ont été transférés dans le bâtiment C, servant jusqu’alors de dépôt. Les caractéristiques de ce bâtiment sont excellentes : local sain, étanche, altimétriquement non inondable, lumineux.

Y ont été transférés :

le service informatique

le service transmission

le secrétariat et la comptabilité

le cuisinier (il déprimait en préparant des écrevisses à la nage)

le service des cartes et tirages de plans

la machine à café et son mécano.

En second lieu, la consolidation des rives de la rivière Cœlacanthe, aux points névralgiques où sont ancrées des bases de travail, telles que stations topos, bornes, points géodésiques haubanés, ; réparation des emplacements endommagés, là où c’est encore possible, afin de pouvoir reprendre le lever sur des zones moindrement affectées.

En troisième lieu, deux employés de l’entreprise seront chargés des liaisons terrestres et maritimes. Ils s’occuperont du ravitaillement des trois secteurs que compte la zone 3B, de coordonner les informations et de pourvoir à la distribution du courrier et des notes internes. Pour ce faire, il sera mis à leur disposition un Zodiac en parfait état, une bicyclette sans chaîne (modèle chinois dit « acatène »), une trousse de survie et une balise Argos. Ceci afin de remédier pour partie aux malaises (physiques et moraux) que suscitait la venue du facteur au sein de l’entreprise.

En corollaire, un service de réparation de pagaies et canots sera mis en place le 15 du mois afin de réduire l’absentéisme croissant des autochtones qui, d’une façon logique parce qu’ancestrale ,semblent s’en retourner vers la pêche traditionnelle plutôt que vers le travail salarié que nous leur offrons.

Enfin, le services des Visiteuses demeure et il a été envoyé à la famille de la grand-mère centenaire condoléances et un bouquet d’immortelles.

En conclusion, les mesures prises devraient permettre de réduire le retard dû aux inondations à une semaine. La tranche de travaux prévue dans le planning doit être bouclée dans les temps, sauf cas de force majeure.

(*) Allusion au roman de Mario Vargas Llosa : « Pantaléon et les Visiteuses » (NRF Gallimard)

note : bien sûr, le rapport à établir n’avait rien à voir avec l’exotisme mis en scène ici. Vu que cela était censé se passer sur l’Hexagone, avec ses autorisations et contraintes administratives…

Commentaire de la correctrice : « j’ai personnellement beaucoup apprécié votre humour mais un jour d’examen…vous prenez un risque ! »

Un bon 16/20 tout de même, mais j’ai eu plus tard l’examen (il fallait le Bac, ou au moins le niveau -d’où les cours en différentes matières- car j’avais quitté le lycée à la rentrée en terminale) avec une note de 10/20, limite mais admis.

Motards en couleurs (5)

De fait, nous sommes retournés tranquillement au port où nous avions débarqué(Seyðisfjörður )… et retour en Europe du Nord, avec la houle qui vous accueille de la proue à la poupe tout au long du voyage. Débarquement ‘(sans escale) : Bergen, Norvège.

La première impression en débarquant au port était que ça picolait dur dans les bistrots. Ambiance pas très festive, plutôt agressive et bagarreuse , bref, un port. Le lendemain, ce parfum de vivre qui nous animait fit que nous prîmes la route du Jutland, traversâmes le Danemark dans la foulée, toute plate et vitesse dans le vent (90 km/h), puis descendîmes du nord au sud l’Allemagne, piquetant de sardines notre canadienne dans des campings pleins de nains de jardins. À l’époque, j’ai souvenir que chaque petite ville avait son industrie en ordre de marche. Sur cette période (septembre 1980-mai 1981), le flou. Ni l’un ni l’autre (Z et moi) ne s’accorde vraiment sur la chronologie ; de plus, je n’ai plus mes papiers concernant mon cursus professionnel. Donc, je continue mon récit avec ma mémoire défaillante…

Nous trouvâmes refuge à Paris, rue de Flandre, dans le 19eme, où vivait depuis des décennies la grand-mère de Z., Marguerite . Celle-ci avait récupéré un petit appartement au 1er étage, dont elle était propriétaire, comme de la sous-pente au-dessus où elle avait longtemps vécu, ne pouvant se débarrasser des locataires du dessous. Mamie Marguerite est un autre histoire. Cette mamie m’aimait bien (sans être un gendre idéal) et elle nous laissa nous installer sous les combles, avec WC au fond du couloir (et douche chez elle). Bref, on retrouva du travail (moi dans un cabinet d’architectes aux Mercuriales et Zabou standardiste rue des Boulets dans le onzième (l’époque n’est pas certaine).

Mêmes boulots qu’avant et toujours ce parfum de vivre sans destination précise. Pendant quelques mois je livrais des plans d’architectes à la Défense alors en construction permanente. Un week-end en bons parisiens nous allâmes voir la mer, à saint Malo, rôder un brin sur la côte normande. Tape-Cul se faufilait entre les remparts automobiles qui fuyaient pour quelques heures la capitale.

Et puis, comme pour tout provincial , Paris n’est qu’un spectacle, une ville qu’en mûrissant on cherche à quitter : elle devient lumière puis les paupières se ferment. Dans d’autres lieux, sous alors d’autres horizons, plus calmes et moins accaparants, moins captifs et snobinards , la vie se fait vivante.

Ainsi, nous sommes revenus dans le Béarn et par miracle avons pu toucher le chômage. Zabou suivait des cours d’italien par correspondance. C’est en lisant « les îles » de Jean Grenier que nous décidâmes d’aller en Italie, voir les îles Borromées et nous installer au bord du lac Majeur. Ce fut un aller-retour rapide de reconnaissance des lieux (prix et opportunité d’un petit logement à louer), avec quelques balades et visites touristiques. Une fois revenus au bercail, avec nos économies parisiennes et les allocations de chômage, plus ici et là de petits boulots, nous nous payâmes la grande classe (pour nous) : une MZ 250 rouge avec son side-car, toute neuve ! (le prix était celui d’un scooter, environ 1500 euros, de mémoire). Il me fallut un temps d’adaptation pour maîtriser la bestiole, ce qui n’était pas évident du tout. Quelques semaines passèrent et le 10 mai 1981, jour de l’élection de Mitterrand (pure coïncidence) nous partîmes vivre pour de bon en Italie, sur les rives du lac Majeur.

« Faut-il le dire? Faut-il l’avouer? Transplanté dans un pays du Nord, la vie me fut lourde et sans poésie ; sans poésie, je veux dire sans cette surprise qui fait qu’à chaque instant l’on découvre un aspect nouveau à ce qui est parfaitement monotone. Et moi, je découvrais un aspect monotone à ce qui était pour moi nouveau…

Je me tournais vers ce qui pouvait le plus me rattacher à la nature : aux animaux qui passaient dans la rue (les chevaux et les chiens), aux arbres -il y en avait bien peu- enfin jusqu’aux plantes qui poussent derrière les vitrines des fleuristes. Quel étonnement le jour où je vis l’enseigne de l’un d’eux : « Aux îles Borromées ». « 

(« les îles » de Jean Grenier, collection l’Imaginaire, Gallimard)

Motards en couleurs (4)

Tous les motards avaient pris la route du Nord de l’île. Nous prîmes celle du Sud.

En fait de route,il s’agissait plutôt d’une piste. Seules les entrées des (rares) petites villes étaient goudronnées. Ces pistes étaient relativement larges et au milieu un petit monticule de cailloutis volcanique remplaçait les lignes axiales, ce qui rendait périlleux tout dépassement pour un deux-roues. Mais ce premier jour nous ne croisâmes qu’un véhicule autochtone,qui venait en sens inverse. Je roulais à petite allure, mal assuré par l’état de la chaussée. Unique gadin de ce périple de plus d’une quinzaine de jours, sur ce parcours qui faisait le tour de l’Islande en un tracé principal pour de petits engins non équipés pour s’aventurer dans les régions plus sauvages et les glaciers.

À vol d’oiseau, Hofn se situait à environ 50km. Nous y arrivâmes à la tombée du jour, parcourant les fjords qui jalonnaient le parcours et rallongeaient notre parcours de nombreux contournements. Sans doute la plus agréable petite ville de notre périple après notre départ de Seyðisfjörður . Le tourisme était encore peu répandu en Islande, et les visiteurs trouvaient dans les collèges des hébergements, salles de sport etc offerts aux passagers temporaires. Une station service pour Tape-Cul et un vaste dortoir pour nos sacs de couchage.

Le lendemain nous nous remîmes en selle ; de ce village au bord de la mer nous filâmes vers Vik. Durant la route un épais brouillard nous entoura, aucune visibilité et soudain Tape-Cul fit un énorme pet et s’immobilisa. En cette période, la température atteignait à peine les 14° par beau temps en pleine journée. Zabou avait mis ses chaussures dans des emballages en plastique issus des petits supermarchés de Hofn. Et là, perdus dans ce nulle part, en plein brouillard froid et la moto en panne, nous attendîmes que quelque chose advienne.

On avait trop tiré sur la mécanique, mais elle se réveilla. Nous vîmes en descendant un panneau indiquant une pente à 20%. Imaginez deux adultes d’environ 60 kg chacun et des bagages d’environ 30, sur le dos d’une petite bécane achetée pour faire coursier à Paname , qui se retrouve là, avec deux rêveurs(e) sur le dos et leur matos restreint bien loin des milliers de rues de la capitale et de sa banlieue .Tape-cul aurait pu se dire (aidé par l’IA) que son destin aurait été meilleur dans un atelier de mécanique (sous licence Kawasaki) mais bon, il fallait continuer l’aventure et la bécane de nouveau respira sous le kick de démarrage, ce refrain des vieux moteurs qui soudain ronronnent. Route tranquille jusqu’à Vik, quelques voitures dans les deux sens, mais le paysage que nous observions prenait son temps et accaparait nos yeux dans cet espace grandiose. La vie sauvage, les prairies des fermes isolées, le temps toujours nuageux, et ma compagne qui me ceinturait de crainte qu’un éléphant gris de fumées surgisse d’un volcan en éruption

Quelques jours plus tard Reykjavik s’offrit, ville colorée et agréable qui comptait alors 100 000 habitants, soit la moitié de.la population de l’île. nous y passâmes une semaine, logeant à l’auberge de jeunesse (avec piscine à 30°), La ville était élégante et festive, les jours les plus longs parcouraient les rues, , mais nous reprîmes notre petite moto pour prendre la route du Nord, mieux entretenue question bitume ((base américaine de Kéflavik) pour remonter sur Akureyri, avec l’espoir de trouver un cargo pour le Canada. Mais la liste d’attente était démesurée, niveau temps. De fait, nous sommes retournés tranquillement au port où nous avions débarqué… et retour en Europe du Nord, avec la houle qui vous accueille de la proue à la poupe tout au long du voyage. Débarquement ‘(sans escale) : Bergen, Norvège.

Pour se détendre les labos chinois dissèquent les frites occidentales.

Si l’on en croit cet article paru ce jour dans « la Dépêche » :

Manger des frites serait-il vraiment source de dépression et d’anxiété ?

En-tête de l’article : « Selon une étude chinoise, publiée ce lundi 24 avril, des chercheurs auraient établi un lien entre anxiété et consommation de pommes de terre frites. En cause, l’acrylamide, une substance chimique produite lors de la friture, qui conduirait à une neuro-inflammation. « 

Cette information m’a alarmée, et j’ai pu contacter par téléphone quelques humoristes belges. Bilan : ils sont effondrés, ils croulent, et certains m’ont même conseillé de n’en parler à personne, du moins le temps qu’ils changent de slip et de pantalon, tant ils ont ri(z). Néanmoins, le principe est assez fallacieux. Pour qui se rend au supermarché de son bled ou de sa métropole, sont proposées aux clients de nombreuses variétés de patates bien loin de la famine irlandaise (. À l’époque, le mildiou anéantit presque intégralement les cultures locales de pommes de terre, qui constituaient la nourriture de base de l’immense majorité de la population, la paysannerie irlandaise.). Les chinois veulent-ils donc investir la Bindje, dans un premier temps ?

Bon, soyons (scientifiquement) sérieux : « Ce n’est un secret pour personne, manger des frites est loin d’être bon pour la santé. À tel point que certains experts recommandent de ne surtout pas dépasser une portion quotidienne de six frites. » (article)

Les moules mourront-elles de tristesse, se demande un expert gastronomique. Devra-t-on privilégier la purée pour vendre des dentiers made in China aux résidents des EHPAD européens ? La question est posée dans l’assiette des possibilités. Le sel sera fourni par les routes de l’À- soi, ou par cargos de friandises Tik Tok, bien plus goûteuses que les Tic Tac rafraîchissantes de l’actuel occident (entre autres bonbons à sucer).

Enfin, le printemps correspond à l’ouverture des « Vide Grenier » et autres manifestations où on expose tout ce dont on veut se débarrasser quand les gosses mesurent en taille (pas en thaÏ) plus que leurs parents (ça fait peur !). Imaginez si nous devions nous débarrasser de tout ce qui provient de la Chine (sans parler du marché aux puces de saint Ouen). Eh bien, nous serions culs nus. Pour avoir vendu, depuis des décennies notre production nationale à des financiers sans scrupule œuvrant pour des nations sans vergogne.

Van Gogh était sans doute un peu ciglé mais il roupillait dans des bottes de foin européennes. Mais impossible de savoir si ce sont les frites qui entre–teintent sa dépression et son anxiété…

29 04 2023

AK

Photo : Bourisp 2022 (en attendant votre visite de mi-juin à fin juillet!, accès libre et gratuit).

Cette année, je citerai le nom des photographes qui en sont les auteurs.

Motards en couleurs (3)

Mais ce coup-ci, on prenait le bateau, un grand bateau qui suivait notre rêve : l’Islande.

La mer d’Irlande avait été une approche de la mer du Nord. Trois jours de traversée sous une houle dense faisait valser le paquebot, ses passagers, ses marchandises et ses véhicules arrimés. Tape-cul se faisait des copines dans la soute. Une escale rapide aux îles Féroé, et dans la brume fraîche ne rien voir de cette île aux fêtes assez sanguinaires ( Le grindadráp(aussi appelé grind) est une chasse aux cétacés traditionnelle dont l’existence est relatée depuis 1584mais remonte sans doute à bien plus longtemps quand le manque de ressources de l’archipel était avéré. Cette tradition très contestée en Europe continue à être pratiquée dans les îles, située à mi-chemin de l’Écosse et de l’Islande.

Puis nous croisâmes sur l’horizon mouvant des plateformes pétrolières et le bastingage devint le dernier refuge à l’absorption d’air frais que ce voyage menait. La proue du bateau s’enfonçant dans les vagues ; mieux valait s’allonger sur n’importe quel siège pour l’oublier tant la mer tanguait dans un somptueux tango dont nous ignorions l’intensité.

Enfin nous arrivâmes à Seyðisfjörður , port qui se situe à l’extrême opposé de Reykjavik, géographiquement.

Juin 1980 : il est presque minuit, il fait encore jour. Les voitures et les camions sortent, puis les motos. Douane. Contrôle des passeports . Notre MZ125 ne démarre pas. Silence complet de la mécanique. Ont débarqué avec nous des motards de différents pays : des allemands, des hollandais, des français, des espagnols et des italiens. Environ douze ou quinze. Pas un pour laisser tomber l’assistance à ce couple en rade. Chacun y met internationalement du sien, durant plusieurs heures, cherchant la raison de la panne à laquelle nous sommes soumis.

Ce fut un festival international d’interventions très assidues et vraiment aimables et techniques. Or, la panne se révéla : la batterie était à plat.

Nous reprîmes la route le lendemain, avec dans nos sacoches d’ancien coursier nos trois câbles emportés au cas où (freins, embrayage) et peut-être un pneu de secours, du petit matos pour réparer une crevaison, une clef à bougie… Tous les motards avaient pris la route du Nord de l’île. Nous prîmes celle du Sud.

(À suivre)

26 04 2023

AK

Les motards en couleurs (2)

« Nous avons quitté Paris. Notre Tape-cul avait envie d’aller en Islande. D’aller voir ailleurs, comme dans l’expression « si t’es pas content vas te…». C’était une bonne idée.Alors, nous y sommes allés. En 1980. »

Une moto, quelle que soit son cube, c’est l’aventure avec les éléments extérieurs , sans pare-brise ni essuie-glaces, juste la route, parfois glissante, et des pannes que chacun dans le périple apprend à réparer. Contrôle technique et cambouis. De nos jours, l’électronique a rendu inaccessible la moindre intervention manuelle. Mais dans les champs du possible, on pouvait rater un virage et se remettre en selle. Nous sommes remontés du Béarn jusqu’à Roscoff, et avons pris un bateau qui nous a mené à Cork. La mer d’Irlande était un premier test maritime. Ce port du sud de l’Irlande sentait la désindustrialisation à plein nez. Nous avons repris la route le lendemain, oubliant parfois de rouler à gauche sur les routes étroites, où par ailleurs il n’y avait pas plus de véhicules que de charrettes à bras. Un étrange territoire, quelques montagnes, quelques villages, quelques panneaux indiquant le plus haut pub de l’Irlande, ; les irlandais ne manquent pas d’Eire. Les arrêts nombreux dus à nos fesses en miettes nous plongeaient dans des pubs assez déserts, et les églises alors le dimanche semblaient rassembler une nombreuse population, surtout dans le sud de l’Irlande libre. Bon, on parle de ta petite moto et des deux pingouins qui la chevauchent, pas du pilote. OK. Donc remontée , entre Limerick, Galway, Sligo et la frontière avec l’Ulster. Changement d’ambiance : les pubs pleins de monde, fumées de pipes et de cigarettes, échanges bruyants. À l’extérieur, sacs de sable colmatant les fenêtres des commissariats et tapis berlinois en béton sur la chaussée, pas vraiment la joie du voyageur venu se fondre dans l’atmosphère ambiante… Une ligne existait pour rejoindre la grande île (Larne- Cairnryan), que nous prîmes. Une fois rejoint le sud de l’Écosse, nous passâmes entre Glasgow et Édimbourg, la première étant comme Cork d’aspect et grimpâmes tout au nord, suivant ainsi la boussole que le guidon de Tape-Cul nous indiquait et que mes bras dirigeaient comme un aéronef dans les vents écossais (ce qui ne les empêche en rien de porter le kilt et de cornemuser).

Nous atteignîmes enfin Thurso, tout en haut de la carte. Deux années auparavant nous nous amarrions à Saint John O groats, débarquant des îles Shetlands où nous avions coupé du poisson (églefin) et dépiauté les coquilles saint Jacques. Mais ce coup-ci, on prenait le bateau, un grand bateau qui embarquait notre rêve : l’Islande.

(la suite au prochain numéro gagnant de l’ auto-bio de Pépère K)

25 04 2023

AK

Motards en couleurs (contre le contrôle technique)

Journée des motards en colère

Quelques dérapages sur le vécu dont je suis sorti sain et sauf : ma vie de motocycliste.

J’ai commencé à piloter (hormis les mobs des copains de mon frère, qui avait quatre ans de plus) vers l’âge de 17 ans, en partant, sans permis, sur un vieux scooter du père de mon aimée d’alors, avec son accord (celui du paternel). C’était une rude machine à conduire, mais notre couple a pris la route, du fin fond du Béarn jusqu’à l’abbaye de Cluny, en Bourgogne, ou se tenait un grand rassemblement de jeunes, un truc initié sans doute par des curés mais où se brassaient plein de nations et l’amitié internationale de croyants et de non croyants, dont nous étions. Pourquoi étions-nous allés là-bas, je l’ai oublié. Je me souviens surtout du Mistral dans la vallée du Rhône et de ses poussées abusives contre l’engin. En fait, j’apprenais l’avenir: tiens bon la route !

Celui-ci vînt à Paris, quand un ami coursier me prêta sa mobylette pour trouver du travail. Il venait d’acheter un scooter et exerçait le même métier, mieux rémunéré. J’ai trouvé du boulot, en roulant à six heures du mat’ rue du 4 septembre, où se trouvait le siège de France Soir, et ses petites annonces de travail : premiers arrivés, souvent premiers servis. De fait, j’ai connu Paris à mobylette. Et puis, fortune faite, avec la mère de mes enfants (disons Zabou), standardiste à l’époque, nous avons quitté Paris pour simplement vivre cet autre chose : découvrir en y étant le monde au présent. C’était encore possible. Cendrars nous convoqua et nous prîmes le Transsibérien. Tour du Monde pour lequel nos économies s’échappèrent de la durée envisagée. Nous partions, nous vivrions ici là et là-bas, mais sans ressources locales (logement, travail etc) le rêve s’étiola. Donc, nous nous retrouvâmes à Paname, quelques petits mois plus tard. À chercher de nouveau du travail. Comme nous étions français et blancs, on trouva un meublé pas cher. Il y avait encore deux ou trois amis qui vivaient à Paris, mais pour le boulot rien ne se présentait, malgré la mob prêtée par le copain (ou que j’avais achetée d’occase?). Puis un jour, sur la porte de notre logement, un mot : Cette entreprise cherche un coursier. Vas-y !

J’ai été embauché. Le temps a marché, il a pris le sien sur la part du mien, c’est vrai, mais il nous aimait bien, je crois. Pourtant, Zabou et moi pensions qu’il fallait aller plus vite que ce fait-néant, la course de nos vies était encore loin de s’essouffler et le monde jamais ne regarderait ce qu’il avait perdu en route. Le boulot me plaisait mais pas ce monde (la Haute Couture). Avec mon pécule, j’achetais une MZ125 . Aussi rapide qu’une charrette à bras, mais moins chère. Deux places tape-cul sur le siège, une caisse bricolée derrière et du travail (livraison de plans, de matériel chirurgical etc) par-ci par-là ; la démerde. Entre la Défense (en cours) et la banlieue (à cette époque le Pré st Gervais, Levallois Perret étaient vides de constructions autour du périph).

Bon, c’est bien joli tout ça, mais ta MZ125, tu l’as jetée dans un fossé, avec ta Zab, en faisant croire à un accident ? (les réseaux sociaux savent tout, sauf qu’ils ne comprennent rien)

Nous avons de nouveau quitté Paris. Notre Tape-cul avait envie d’aller en Islande. D’aller voir ailleurs, comme dans l’expression « si t’es pas content vas te…». C’était une bonne idée. Alors, nous y sommes allés.

La suite au prochain numéro !

23 04 2323

AK

Blanche Gardin n’est pas une oie, et ça fait du bien !

Article « la Dépêche du Midi » de ce jour

Blanche Gardin 

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Très très cher Monsieur Bezos,

Je suis au regret de devoir refuser votre invitation à participer à la prochaine saison du jeu « LOL: Qui rit sort ! » diffusé sur votre plateforme d’Amazon. J’ai bien compris qu’il ne s’agissait que d’une seule journée de tournage, seulement voilà, ce jour-là, j’ai dentiste. Et, en tant que troisième fortune mondiale, vous le savez, il faut de bonnes dents bien longues pour réussir dans ce monde.

Il se trouve aussi que je serais gênée aux entournures (pour ne pas dire que ça me ferait carrément mal au cul) d’être payée 200 000 euros pour une journée de travail même si je perds à votre jeu, quand l’association caritative de mon choix remporterait, elle, 50 000 euros, c’est-à-dire 4 fois moins, et encore, seulement si je gagne.

Oui, ça me gêne de toucher, pour 8 heures de travail, cette somme affolante de la part d’une entreprise qui :

– Ne paye pas ses impôts en France et bénéficie même d’1 milliard d’euros de crédit d’impôts alors qu’elle fait 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

– Qui émet 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an (soit l’équivalent des émissions du Portugal) seulement avec ses data centers, sans parler des milliers de camions, d’avions…

– Qui utilise la main-d’œuvre des camps de concentration ouïghours.

– Qui détruit les emplois du petit commerce et toute la vie sociale qui va avec.

– Que les emplois qu’elle crée en en détruisant d’autres sont des emplois éreintant dans des entrepôts déshumanisés, où on traite les employés comme des robots qu’on essore en leur mettant une pression folle avec des cadences infernales et qu’on empêche de se syndiquer…

Tout ça pour quoi ? Pour qu’on puisse commander des couches pas chères depuis notre canapé en se grattant les couilles. Oui, ça me gêne.

D’autre part, en tant qu’actrice et auteure de films, je caresse le rêve un peu fou que mes futurs projets puissent sortir dans une salle de cinéma. J’ai bien conscience que le niveau de dissonance cognitive est très élevé à notre époque, mais vous conviendrez que faire de la publicité pour votre plateforme (puisque c’est de cela qu’il s’agit je crois) reviendrait à me tirer une balle dans le pied. Je n’ai pas envie que dans dix ans plus personne n’aille au cinéma et qu’on soit tous en train de mater des séries sur le canap’ en se faisant livrer des burgers par des sans-papiers qui pédalent sous la pluie.

Si toutefois, me lisant, vous tombiez des nues, ou de l’espace (je connais pas votre emploi du temps ces jours-ci) en découvrant des choses dont vous n’étiez pas au courant et qui vous peinent, et que ça vous donne envie de repenser entièrement votre entreprise, alors peut-être que vous pourriez me réinviter ultérieurement. Et que je pourrais accepter. Lol.

Pensées noires et blanche négritude

Pendant des décennies on défie l’âge qui descend

Les escaliers, les maladies et les concierges immobiles

Puis tombe le verdict : la vieillesse et les maladies

Qui en racontent plus que tout langage codé

La Mort s’installe au rez de chaussée

Et les envies de vivre disparaissent sans bruit

Dans le silence des souterrains. L’œil devient noir,

Le nègre renverse les colonies absurdement blanches

Et l’âme des prêcheurs se noie dans l’eau évangélique.

Il est temps de partir, cesser de se morfondre

Allonge-toi sur le jour qui se lève, tu en es la lumière

Mais aussi la misère qui parade quand les orages éclatent

L’aube blanche n’est qu’un trou, une semence féodale

Que la terre désormais refuse d’engendrer

La Mort s’installe au rez-de -chaussée

L’eau manque et tes pieds sales se lessivent de boue

Mais marcher reste un fruit que nul autre dévore

Car tu avances depuis des décennies, défiant l’âge

Qui grandit plus vite que cette ombre qui ourle

Chaque pas , raconte plus que tout langage codé

La vie qui t’appartient et jamais ne se refuse

Que tu sois nègre ou blanc, les pupilles sont noires

Quand l’avenir s’ouvre sur les routes insensées

Puis tombe le verdict : impossible de t’accompagner

Le jour se lève et ce matin j’en suis incapable,

Le monde des souterrains est venu en costume

Chanter des thrènes et les regrets que je n’ai pas

Cortège évangélique de pilleurs d’héritages

Dieu a tout pris il ne reste que mon vieux dentier

Mes fausses dents noires des colonies blanches

Mon rire est encore dans mes pets de saint Elme,

Le verdict est tombé : la vieillesse , puis mourir dans son lit.

La concierge immobile, sur le palier, balai en main,

Regarde passer les ambulanciers . Il y a du monde

Dans l’escalier, elle devra balayer les pétales, les bouquets

Qui en racontent plus que tout langage codé :

Il n’est rien arrivé. Ces vieux-là, c’est du passé.

18 04 2023

AK

Roast beef texan

Extrait du journal Paris Normandie : « Une explosion et l’incendie en découlant ont tué 18.000 vaches dans une exploitation de Dimmit, au Texas (USA) dans la nuit du 10 au 11 avril. On ignore encore l’origine de ce drame mais le shérif du comté de Castro a déclaré à la chaîne CBS qu’un système d’évacuation du fumier des étables pourrait avoir surchauffé. »

(intermède : https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/etats-unis-18-000-vaches-tuees-dans-l-explosion-d-une-ferme-au-texas_AD-202304140076.html)

18000 vaches d’un pète (comme on dit ici), dix huit fois plus que celles qui pâturent sur le plateau des Mille vaches du massif Central, dont l’urine ruissèle poétiquement vers l’Atlantique. Vaches laitières texanes qui ne voient certainement pas souvent ni les jours ni les champs, sans doute, juste bonnes à faire des milk-shakes et des hamburgers quand leurs pis se tarissent.

En 2015, nous étions partis vers les mêmes dérives :Reporterre, les reportages de L214 ont mis à l’évidence bon nombre de pratiques allant à l’encontre du bien être animal. Bon, d’accord, notre chat est bien gras (mais je doute de son appétit pour les croquettes Nestlé depuis le scandale du talc Morhange avec le lait des nourrissons). Donc, la faim m’autorise à manger le chat. Mais Minou, loin d’être con, a filé dans le jardin (et encore plus loin). Que dirais-tu d’un bon steak au barbecue ? occupe-toi du charbon de bois, Jason et toi, Jordan, va donner les crottes du chat à Betty, mais n’ouvre pas la porte du placard, compris?

Les faits divers sont à nos existences le révélateur de la connerie qu’on a pu éviter, même si parfois on s’est fait arnaquer par un bonimenteur. Le problème de la mala vita est comme le plateau des Mille Vaches: il coule jour après jour d’un massif central où l’individu se liquéfie et parfois répand sa merde par manque d’éducation, de savoir, de connaissance du monde auquel il devrait se confronter pour pleinement exister, revendiquer, pour vivre en connaissance de causes à défendre. La déglingue, elle se visite dans les EHPAD, dans l’ignorance et dans le manque d’intérêt que l’administration, inondée de dossiers, ne peut satisfaire.

Soudain, Minou réapparut. Il avait bonne mine et dans ses gestes semblait d’accord pour qu’on le sacrifiât.

Ma compagne le saisit avec tendresse et lui coupa les moustaches. Puis elle l’étendit doucement entre un parapluie et une machine à coudre sur une table à dissection. Avec un scalpel offert par un indien Cherokee elle découpa le chat et n’en garda que la chair, laissant Minou dans sa forme primaire. Les os furent remplacés par une farce dont ma compagne avait le secret, qui donnait au chat toute sa volupté (sauf les poils, mais la recette était en cours). La redingote viendrait au moment du service. (Lapin dans son costume de chasse, une recette de Willy Schraen).

Nothing else tonight et c’est tant mieux, non ?

14 04 2023

AK