Jules Laforgue a collaboré à des revues telles que la Revue indépendante, le Décadent, la Vogue, le Symboliste, la Vie moderne, l’Illustration. Il était proche d’écrivains et de critiques comme Édouard Dujardin et Félix Fénéon.
Il jouait avec les mots et en créait fréquemment. Il dessinait. C’était un passionné de musique. Il refusait toute règle de forme pour l’écriture de ses vers. Sa poésie, mais aussi sa prose, se caractérisent ainsi par une coupe multiforme15. Empreints de spleen, d’un sentiment de malheur et d’une vaine recherche d’évasion, ses écrits témoignent d’une grande lucidité.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Laforgue
poèmes tirés du site : https://www.poetica.fr/
Penser qu’on vivra jamais dans cet astre,
Parfois me flanque un coup dans l’épigastre.
Ah ! tout pour toi, Lune, quand tu t’avances
Aux soirs d’août par les féeries du silence !
Et quand tu roules, démâtée, au large
A travers les brisants noirs des nuages !
Oh ! monter, perdu, m’étancher à même
Ta vasque de béatifiants baptêmes !
Astre atteint de cécité, fatal phare
Des vols migrateurs des plaintifs Icares !
Oeil stérile comme le suicide,
Nous sommes le congrès des las, préside ;
Crâne glacé, raille les calvities
De nos incurables bureaucraties ;
O pilule des léthargies finales,
Infuse-toi dans nos durs encéphales !
O Diane à la chlamyde très-dorique,
L’Amour cuve, prend ton carquois et pique
Ah ! d’un trait inoculant l’être aptère,
Les coeurs de bonne volonté sur terre !
Astre lavé par d’inouïs déluges,
Qu’un de tes chastes rayons fébrifuges,
Ce soir, pour inonder mes draps, dévie,
Que je m’y lave les mains de la vie !
Jules Laforgue

L’Homme et sa compagne sont serfs
De corps, tourbillonnants cloaques
Aux mailles de harpes de nerfs
Serves de tout et que détraque
Un fier répertoire d’attaques.
Voyez l’homme, voyez !
Si ça n’fait pas pitié !
Propre et correct en ses ressorts,
S’assaisonnant de modes vaines,
Il s’admire, ce brave corps,
Et s’endimanche pour sa peine,
Quand il a bien sué la semaine.
Et sa compagne ! allons,
Ma bell’, nous nous valons.
Faudrait le voir, touchant et nu
Dans un décor d’oiseaux, de roses ;
Ses tics réflexes d’ingénu,
Ses plis pris de mondaines poses ;
Bref, sur beau fond vert, sa chlorose.
Voyez l’Homme, voyez !
Si ça n’fait pas pitié !
Les Vertus et les Voluptés
Détraquant d’un rien sa machine,
Il ne vit que pour disputer
Ce domaine à rentes divines
Aux lois de mort qui le taquinent.
Et sa compagne ! allons,
Ma bell’, nous nous valons.
Il se soutient de mets pleins d’art,
Se drogue, se tond, se parfume,
Se truffe tant, qu’il meurt trop tard ;
Et la cuisine se résume
En mille infections posthumes.
Oh ! ce couple, voyez !
Non, ça fait trop pitié.
Mais ce microbe subversif
Ne compte pas pour la Substance,
Dont les déluges corrosifs
Renoient vite pour l’Innocence
Ces fols germes de conscience.
Nature est sans pitié
Pour son petit dernier.
Jules Laforgue, Les Complaintes

photo wikipedia
J’ai écrit bien des pages où n’apparaissait nul dialogue (tirets, guillemets-). Je devais me parler dans un langage sans miroir, me demander pourquoi as-tu laissé la porte ouverte et répondre in petto pour avoir le plaisir de la fermer, comme ma gueule. C’est alors que j’ai senti que le monde animal se rebiffait contre les humains. Les hommes avaient colonisé, perverti, pollué et détruit la nature, pour leur plaisir, se moquant éperdument du reste, des impacts et de l’aspect criminogène à l’encontre de ceux qui permettaient leur propre survie. Je n’ai pas suivi cette lente évolution des animaux, des insectes et encore moins des virus. Trop vieux pour le listing. Alors, qu’en est-il aujourd’hui , si l’on sort des émissions télévisuelles qui nous condamnent à l’ignorance crasse du malheur qui nous attend ? Bon, le frelon asiatique, avec ses grappes énormes, le moustique tigre, qui se reproduit par accouchements prolifiques dans les moindres étendues d’eau, les fourmis électriques, minuscules bestioles d’un 1,5 mm, des femmes qui surveillent vos oreilles dès que l’on parle d’ailes, et de ce bourdon qui les réjouit quand elles parlent des hommes. Bon, OK, j ‘ai écrit bien des pages où n’apparaissait nul dialogue.
Sauf que je parle avec mes chats, que je siffle les pies et que parfois un avion ou un hélicoptère vrombit au-dessus de ma tête. J’ai alors cette sensation de ne parler à aucune personne humaine. Je me dis : pourquoi as-tu laissé la porte ouverte et répondre pour avoir le plaisir de la fermer, comme ma gueule : genre antichambre de la pétoche ! (Si je la ferme, tout explose, disent les vieux singes)
Ce que le monde m’a appris, hormis savoir lire, écrire, et me penser en homme libre de son futur, c’est de croire en un Dieu, illusoire et mercantile, et la demande est forte , tous sont prêts à tricher pour s’asseoir à la table . Les animaux, eux, en ont marre. Les petits volatiles coordonnent les premières attaques, puis viennent les loustics, rats et animaux de basse-cour (oies, canards, pintades…). Les renards ne culbutent plus les poules, les coqs, ces lâches, quittent le drapeau national pour combattre dans des enclos lointains où parient les hommes, les ergots ensanglantés ils font la fortune des abrutis, comme les arènes voient le taureau s’abattre sous l’estocade et les banderilles des picadors. Les animaux en ont marre et les hommes aveugles ne voient plus que le fric, l’or et le Pouvoir si proche de leurs ongles noirs, de leurs armes meurtrières.
Les chats de la maison, voici quelques jours, se sont réunis autour de la table ronde du jardin. Une réunion informelle à laquelle ils m’ont convié, pour que je sache, m’ont-ils dit, que la révolte était proche, ici même comme ailleurs dans le vaste monde. Il était loin le temps où la petite chienne Laïka avait été envoyée dans l’espace, les chiens s’unissaient à présent aux chats, les chats aux lynx, les lynx aux ours et les ours aux éléphants qui gardaient en mémoire l’époque sombre d’Hannibal et des cornacs qui franchirent Pyrénées et Alpes pour guerroyer contre Rome. Aujourd’hui les éléphants remplissent les cimetières, et pour les plus célèbres, le Panthéon. Mais ceux qui étaient appelés socialistes ont disparu ad vitam aeternam. La discussion entre les quatre chats (je me contentais d’écouter) sans trop dévoiler la stratégie d’ensemble, revenait sans cesse sur la question simple et claire : comment se débarrasser de la bête humaine? Comment asservir l’Homme pour le rendre utile à la prospérité du monde, autant animal que végétal ? Comment annihiler cette propension à dévaliser la nature, à affamer la majeure partie de sa propre engeance ? Les hommes avaient des mains, des idées et des horizons que les chats ne niaient pas, mais le drame venait de l’égoïsme, de la corruption qu’ils pratiquaient entre eux, niant toute existence devenue subalterne quant à leurs vices devenus religions. Le fantasme d’un Dieu qui leur ressemblait, et surtout son contraire, véhiculait dans leur esprit une foi destructrice. C’est alors qu’ils se tournèrent vers moi. Patapouf, qui menait la discussion, regarda Petit Lion, Pirouette et Bouboule avant de se tourner vers moi. Tous ronronnaient. Le message qui m’était adressé était clair : existe-t-il un Dieu dans la cervelle des humains ? Un silence s’instaura. Et dans un miaulement affreux, je répondis : non.
Alors les pies, ces infatigables journalistes, qui nous observaient s’envolèrent répandre le scoop que j’avais suscité dans les journaux: Dieu n’existe pas. Mais jamais ne parut dans les articles qui virent le jour cette question : « pourquoi as-tu laissé la porte ouverte et répondre une fois pour toutes pour avoir le plaisir de la fermer, comme ma gueule. »
01 11 2022
AK
Poèmes en vrac 1987-1988
J’écoute le coucou dans les bois : coucou ! Coucou ! Coucou !
J’écoute le coucou dans les prés : coucou!coucou!coucou !
Tiens, déjà six heures. Il faut que je rentre.
……
objet trouvé
Tu as perdu l’amour
La Terre tourne
Le vent détrousse l’immobile
Objet trouvé
Ton ventre est doux
Sur l’oreiller.
………
Dehors une petite pluie fine et filandreuse
Baise le macadam gris et frais de tes talons aiguilles
Et ton ventre, Misia, passe et passe ,
Et tes jarrets pleins d’ecchymoses
Sous l’averse s’accordent aux couleurs blêmes
De tes nuits blanches, de ton teint de rose fanée.
………..
Tes yeux n’ont pas changé de couleur
Ils ont changé de regard
Elle est venue, l’heure,
Avec ses souvenirs
Son bouquet d’iris
Au rendez-vous de l’âge
Les fleurs avaient flétri
Malgré les larmes des jours
Et les poisons
Les poisons de ton corps
L’incandescence des jours
Les bouquets de jouvence
L’homme est revenu sur ses traces
Et il a trouvé son midi
Malgré déjà quatorze heures
De retards, mais
Tes yeux n’ont pas changé de couleur.
(1988, AK)
……..
Il y a l’oiseau
Et, bien plus loin,à des lustres
Une branche nue.
(faux haïku)
………………..
À « l’aubépine »
Deux joyeuses copines
Assises en tailleur
Sur un brin d’aubépine
S’amusent au Tirailleur
Un jeu pareil
Ne se joue pas qu’avec les oreilles
Pas besoin d’appareil
Je dis ça pour les vieilles
Au Tirailleur
On s’tire ici
On s’taille ailleurs
C’est sans merci.
Deux jeunes coquines
Aux tailles cintrées
Sur un bout d’aubépine
Se trémoussent au Tire un Trait
Un jeu pareil
Devrait faire merveille
Pas besoin de peinture
Je dis ça pour les Pures
Au Tire un Trait
On s’traite on street
On tire des traites
C’est très concret.
Deux belles latines
Aux charmes flous
Sur un tas d’aubépine
S’entraînent à Voilà le Loup
Un jeu pareil
Ne se joue pas en plein sommeil
Pas besoin de moutons
Je dis ça pour les cons
Au V’là le Loup
On se taille des vestes
On se tire des coupes
C’est vachement leste
Deux vieilles lapines
La fesse gigolotte
Sur un fond d’aubépine
Se cuisinent au parfum d’échalote
Un jeu pareil
C’est du barbeau dans de l’oseille
Pas besoin de carotte
Je dis ça pour les Cairotes
À l’échalote
On navigue entre Marie et Charlotte
On se taille des bavettes
On s’enfile, on se pelote
C’est que tricot-fricot
Deux oranges sanguines
Maquillées en fleurs de Paradis
Sur un air d’aubépine
Interprètent un « Ce que j’en dis »
Un jeu pareil
On ne s’en souvient plus au réveil
Pas besoin de psychocauser
Je dis ça pour les fauchés
On s’tire en douce
On s’taille sans bruit
C’est comme avec la Rousse
Quand elle débarque dans ce boxon…
(1986)
AK
(la Rousse : argot, les flics)
Lionel avait perdu ce temps qui lui était précieux
Dans cette mare, à bout. Il cherchait l’endroit
Où étaient tombés ses yeux quand il avait trébuché
Lorsque, cheminant vers midi le long du splendide canal
Un bigleux par le reflet du verre trouva les lunettes
Sur le chemin de halage qu’avait suivi Lionel.
Un seul problème : le découvreur avait marché dessus
Mais la monture ressemblait à celle d’origine
Seuls les verres étaient brisés et la facture , ô pauvre !
Dit Lionel, est plus importante que la prunelle de mes yeux.
Le quidam du chemin de halage, un vieil homme,
Lui proposa de mentir, disant que ses lunettes
S’étaient brisées dans les toilettes, ou sur l’évier
De sa chaumière, arguant du fait que veuf
Ouvrier maçon et locataire, presque retraité
Il était désormais incapable d’y faire le ménage.
Lionel chercha alors un vitrier expérimenté
Dont sept ans de malheurs conjugaux
Avaient fait la réputation, voire la renommée,
De cent couples brisés par les aléas de la vie
Dont il avait recollé les morceaux, les carafes en cristal,
Jusqu’aux armoires à glace, les disputes insensées,
Tous les éclats de voix et ces bris de verres
Par ses mains habiles furent, dit t-il, réconciliées.
Mais Lionel, qui en semaine maniait la truelle
Sur les chantiers n’avait pour pauvre mutuelle
Que ses mains caleuses et ses prunelles grises
Le bigleux sur le chemin de halage avait disparu
Pas même le temps de le remercier, pensa Lionel,
Alors il repensa aux toilettes de chantier
Où pissaient et chiaient les ouvriers, un genre
De mare à boues réservée aux esclaves pudiques
Et, à califourchon sur le siège à la turque,
Il se souvint qu’un jour, gamin,au bout du palier
Il avait découvert ce qu’était le monde qui l’attendait.
29 10 2022
AK
En me réveillant de ma (courte) sieste, une de plus dans ma longue vie, m’est revenue cette chanson, Sarah, de Serge Reggiani…
Si vous la rencontrez bizarrement parée
Traînant dans le ruisseau un talon déchaussé
Et la tête et l’œil bas comme un pigeon blessé
Monsieur, ne crachez pas de juron ni d’ordure
Au visage fardé de cette pauvre impure
Que déesse famine a par un soir d’hiver
Contrainte à relever ses jupons en plein air
Cette bohème-là, c’est mon bien, ma richesse
Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse… ( Baudelaire)
La femme qui est dans mon lit
N’a plus 20 ans depuis longtemps
Les yeux cernés
Par les années
La bouche usée
Par les baisers
Trop souvent, mais
Trop mal donnés
Le teint blafard
Malgré le fard
Plus pâle qu’une
Tâche de lune
La femme qui est dans mon lit
N’a plus 20 ans depuis longtemps
Les seins si lourds
De trop d’amour
Ne portent pas
Le nom d’appas
Le corps lassé
Trop caressé
Trop souvent, mais
Trop mal aimé
Le dos voûté
Semble porter
Des souvenirs
Qu’elle a dû fuir
La femme qui est dans mon lit
N’a plus 20 ans depuis longtemps
Ne riez pas
N’y touchez pas
Gardez vos larmes
Et vos sarcasmes
Lorsque la nuit
Nous réunit
Son corps, ses mains
S’offrent aux miens
Et c’est son cœur
Couvert de pleurs
Et de blessures
Qui me rassure. »
Image de couverture : festival photo à Bourisp 2020 (?)
Je me présente, je m’appelle Henri (Caud), j’ai tout raté dans ma vie. Je pense que c’est sans doute parce que je menais une vie normale. J’avais des rêves plein la tête : vendre des robes avec mon pote Nino Ferrer, partir en voiture (Citroën) avec Nicolas Bouvier, ou en goélette avec Victor Segalen, mais comme l’albatros sur le pont de ces navires gris que l’on nomme destroyers, j’ai pris la fuite, désertant le temps présent, quittant ma nation mes amis et mon passeport périmé.
Mais dites-moi d’où vient cette lueur moscovite. Frappez frappez frappez ! Éteignez les lumières, annihilez les radiateurs, faites que la nuit gouverne ce pays de nazis, nous qui sommes au chaud dans nos datchas et nos palais aux murs tapissés de dorures nanties de médailles criminelles. À une époque, je voulais être russe, j’ai même fait des stages de pâtisserie entre deux babouchkas. Puis j’ai voulu être un de ces héros du cuirassé Potemkine, mais surtout pour jouer le rôle du gosse dans la poussette dévalant le grand escalier d’Odessa. Maintenant je reçois sur internet des spams qui m’offrent des nuits d’amour avec de jeunes ukrainiennes. Pourquoi tant de pourritures se sont-elles installées dans ce que nous pensions naïvement être la liberté d’échanger et de s’instruire sur internet, dans un monde qui serait ouvert, multipolaire, sans limite, à cette utopie de rendre les gens heureux, multiples dans leurs cultures, leurs couleurs de peau.
La vie, l’amour, la mort. La dystopie de l’Homme heureux s’est répandue sous le joug des décérébreurs, et la corruption a pris le pouvoir sur le peuple infantilisé. À dix sept ans je commençais à fumer, conscient de vivre à mes risques et périls, moi, Henri Caud, et si j’ai quitté le lycée, à vrai dire, c’était pour mieux plonger dans ce monde libre. C’était encore une vie normale. Elle est partie. L’hiver a mis ses griffes de grizzli et ses médailles sur la poitrine du général Cornuto (dit Hiver), sur la bataille des communications, des tweets et d’instagram, de télégram, des réseaux sociaux qui se nourrissent de mots frelatés, de courtes phrases agressives, qui n’engendrent que haines et menaces de morts. J’aurais aimé être un artiste, mais Laziza ne voulait pas, et vous savez, les femmes sont plus autoritaires que les hommes quand le garde-manger vous scrute au fond du réfrigérateur, et qu’il ne reste qu’une demie fesse de la belle mère dans le congélateur et que la sœur supérieure a battu le beurre bondieusard.
Comment se dire alors qu’appartenir au genre humain est supportable ? À qui parler sous le manguier, avec qui manger quand des salauds tentent de faire table rase sur une nation qui ne demande que vivre en pleine indépendance, et pourquoi en sommes nous arrivés là, si ce n’est pas le silence la peur et l’abnégation initiée par notre ignorance crasse. Éternel jardin des Hespérides, la Terre refuse de livrer ses fruits savoureux car personne, sauf Hercule (soutien du vent d’OTAN), n’a le courage de tuer ces faux dieux pour enfin les cueillir à pleines mains. Pas de Tantale, pas de scandale dit le Zeus du Kremlin. L’hiver approche, nous avons un peu de temps pour punir les innocents aux mains vides.
Les dieux punirent Tantale d’une condamnation qui deviendra le célèbre « supplice de Tantale » : passer l’éternité dans le Tartareà souffrir un triple supplice : Homèredans l’Odyssée20et Télèsdans ses diatribesracontent que Tantale est placé au milieu d’un fleuve et sous des arbres fruitiers, mais le cours du fleuve s’assèche quand il se penche pour en boire, et le vent éloigne les branches de l’arbre quand il tend la main pour en attraper les fruits.
Et moi, Henri Caud, qui a tout raté dans ma vie, qu’est-ce que je suis ? Désormais, je suis tel un vieux croûton jeté dans la marmite d’un monde immangeable, attendant que la demie fesse d’une belle-mère cuise à feu doux, sous l’œil attentif de Laziza, drapée du haut en bas par d’infâmes mollahs…Supplique de la dalle et faim de liberté.
23 10 2022 AK
Depuis trois mois dans les rues du bourg je croise un chat noir, encore jeune par sa morphologie. Il traverse parfois ma route mais rien n’indique qu’il me jette un sort à chaque carrefour, au contraire. J’ai croisé dans ma vie des chats de cette couleur, aux motifs aussi ardents que les tableaux de Soulages, mais j’évite, désormais, de rouler la nuit. D’ailleurs, pourquoi sortirais-je alors que sommeille à mes côtés une femme aux yeux gris, et dont la chevelure blanchit nuit après nuit ? Parfois, dans mon sommeil, le chat paraît. Ses griffes sont longues et peintes de colorants toxiques. Le rouge et le noir, le vert et le bleu turquoise, parfois rien, quand je dors bien (sieste).
Un de ces soirs idiots, je ne saurais dire pourquoi, j’ai pris un chemin de balade que je n’avais encore jamais emprunté. Pas un de ces sentiers qui mènent à une gare, à la monotonie des horaires que l’on suit parfois toute sa laborieuse vie durant, non. C’était celui du petit chat noir, celui peut-être qui s’était installé dans ma tête, ou parcourait mes rêves en quête de souris sottes. Il faut nourrir les rêves comme on nourrit les chats. À différents moments de la journée, ou de la vie. Nourritures terrestres, Nathanaël (Gide).
La journée, durant mes promenades diurnes, nous menait, le chat et moi, dans des ruelles et sur la grand place où, le jour du marché, passaient les ménagères venues faire leurs emplettes. Assis sur un banc, nous conversions au sujet de ces passantes aux cabas remplis de victuailles, détaillant leur allure, la cambrure des reins,, leurs seins, leurs fesses, soupirant parfois sur la beauté des unes et râlant sur le laisser-aller d’autres. Mais nous étions toujours contents de voir bouger la vie devant nos yeux. J’observais les femmes du bourg et le jeune chat noir suivait mon regard. Il était comme une ombre, un jeu de piste, un trait de crayon à mine de plomb qui, sans que je le sache, dessinait mon parcours d’être vivant.
La nuit, quand les soirs d’automne s’installent dans l’éteignoir des maigres lampadaires, ses yeux brillants me guidaient. Nous marchions. Lui avait quatre pattes et moi deux. Pour identifier notre cheminement il posait de temps en temps sa queue au sol, qui nous indiquait la direction à prendre. Mais quelle direction, tant se promener n’a pas de but précis. Lui le savait. Les animaux connaissent tous les recoins des hommes, leurs mystères comme leurs ministères. La nuit alors alluma sa bougie : la lune. Et à cette heure tardive où les humains regardent de fausses étoiles sur leurs écrans, nous arrivâmes au cimetière du village. Le silence régnait. Une fois dans l’enceinte un feulement digne d’une lamentation haïtienne de Toto Bissainthe, d’une thrène d’Angélique Ionatos, lentement parvint à mes oreilles. Le jeune chat me devança et alla prévenir une vingtaine de matous et de minettes de mon arrivée. Le silence à nouveau fut complet. Puis les chants repartirent, lamentations et cris de colère, dans ce cimetière qui allait accueillir une semaine plus tard sa cargaison de chrysanthèmes en pots.
Ce fut, je dois l’admettre, un moment unique : les morts qui dormaient depuis des années, voire des décennies, se réveillèrent. Soudain ce fut une fête de la bière mais sans cadavres de bouteilles, la mort recyclait les disparus et des feux de saint Elme éclaboussèrent le ciel pour une fois étoilé ; le jeune chat noir but jusqu’à en être gris , mais pour ce qui était de me ramener à mon logis, je ne pus compter sur lui. Ni sur ces félins qui dansaient sur les tombes, avant l’invasion des pots de chrysanthèmes. Assez ébloui moi-même, je saisis la queue d’un chat qui passait par là. Visiblement, il savait où j’habitais car il marcha devant moi tout au long du trajet. Mon épouse m’attendait. C’est toujours agréable d’avoir quelqu’un qui vous attend, surtout quand elle passe la nuit à se faire des cheveux blancs et n’a pas les yeux gris, mais noisette. Mais tous les hommes savent que dans les yeux, là, quand on les regarde bien en face, il y a dans chaque œil un petit chat noir qui vous observe. Jusque dans vos rêves. Ces chats s’appellent Pupille, et sont tous orphelins . Ils portent le deuil de tous leurs congénères qui un jour traversèrent la rue , sans méfiance. Demain, ils affronteront les voitures électriques, dites silencieuses…
21 10 2022
AK
Dire qu’on est mal barrés avec le réchauffement climatique n’est pas une légende :
« En Nouvelle-Zélande, le gouvernement veut taxer les pets de vaches, ce qui provoque la colère des agriculteurs qui sont descendus dans les rues. »
La Nouvelle Zélande compte 5 millions d’habitants, 6 millions de vaches et 23 millions de moutons…sans compter les pickups, 4×4 et autres tracteurs, ni les pauvres diables venus de Tasmanie et d’Australie. Gasp !
Lisez l’article paru dans le Huffington post d’aujourd’hui, 21 octobre 2022, c’est assez savoureux. Quant au prix de la côtelette d’agneau ou de la tranche de bœuf dans nos boucheries locales, nous en avons suffisamment dans nos terroirs nationaux.
Un peu plus sur la Nouvelle Zélande (cf wikipedia), extrait :
En raison de son éloignement, l’archipel néo-zélandais constitue la dernière grande masse continentale à avoir été découverte et colonisée par les hommes. Les îles ont d’abord été peuplées entre 1280 et 1350 environ, par les Polynésiens qui ont ensuite développé une identité maorie distincte. En 1642, l’explorateur néerlandais Abel Tasman devient le premier Européen à explorer et cartographier une partie de l’archipel. De 1788 à 1840, la moitié septentrionale de l’île du Nord est intégrée à la colonie britannique de Nouvelle-Galles du Sud, située en Australie. La colonisation y est désordonnée et les Britanniques ne portent qu’un intérêt limité pour le territoire néo-zélandais.

Comme tous les lecteurs et lectrices qui me suivent habitent à Paris, à deux pas de l’Olympia, fort est de constater qu’il y en a qui ont de la chance. Mais moi aussi, à bien moindre échelle…Sur la chaîne » Olympia »,
(canal 79 sur Free), gratuite, se déroulait hier, le 19, un spectacle de la troupe québécoise Machine de cirque. Un vrai régal ! En voici quelques extraits, en attendant de les voir pour de vrai ! (on peut toujours rêver)
Pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Machine_de_cirque
C’est un miroir fait pour déplumer les alouettes,
C’est aussi un mouroir dont les oiseaux n’écriront
Ni l’Histoire ni le chant des partisans, le sang
Au bout des plumes, les oiseaux n’aiment pas ça.
Rien n’avance et tout recule, l’encre est sèche
Le bateau reste à l’ancre et le marin à terre
Hurle dans la tranchée qu’il voudrait revoir sa mer,
Mais l’alouette qui niche au fond de l’homme
Mutique luette qui ne bronche pas, se tait,
Connaît bien la musique des chants désespérés.
Les avions virevoltent et une pluie de bombes
Miroite dans l’explosion de ce que fut le monde
Personne ne s’en réjouit mais le bruit et la fureur
Sont devenus le paradis de brillants discoureurs
Qui promettent aux morts l’éternité aisée des assassins
Que là-haut un divin architecte construit sans bruit.
Dans ce temps infini qui sépare jours et nuits
Le miroir se brise et l’image en fragments fuit
Bouts d’espoirs mêlés sur des tapis de bombes
L’enfance s’enfuit sur les ailes des alouettes
Qui ont tourné le dos aux miroirs désenchantés.
AK
14 10 2022
illustration : « images singulières », festival de photos, Sète
(À un vieux singe)
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