Les mardis de la poésie : Pierre Reverdy (1889-1960)

Poèmes tirés du site : https://www.lapoesie.org/auteur/pierre-reverdy/

Biographie (extrait wikipédia) : Le style de Pierre Reverdy participe du renouveau de l’écriture poétique au début du xxe siècle. Fervent admirateur de Mallarmé et de son fameux « coup de dés », Pierre Reverdy emprunte à Mallarmé sa forme dentelée avec un retour systématique à la ligne sur des vers en biseaux. Procédant du papier collé, forme empruntée au cubisme auquel il veut très tôt joindre la forme écrite, il cherche par ce moyen à aller au cœur des choses plutôt qu’à leur surface. Le poème sera ainsi plus une évocation de leur réalité consubstantielle par le biais de ce que les images suggèrent qu’une description ou une narration textuelle.

La Fuite du Temps

Sur les mêmes couleurs le jour file et s’éteint
La flèche d’or pur le traverse

Sur l’arbre tendre et le rayon amer
Qui fond dans la forêt épaisse

Au matin le ton est plus gris
Dans le ruisseau de feu la lame se renverse

Après le temps passé jusqu’à la nuit

L’humeur de l’homme est en détresse

Du battement du sol au déploiement de l’aile
La fuite pour saisir la vague au trot dans l’air

Même au bord du talus

Contre l’eau qui ondule

L’herbe qui suit son cours

Et l’heure apprivoisée qui sort de la pendule

Pierre Reverdy

Les Cornes du Vent

Plus épais, il avait voulu le faire plus épais pour son fils que pour lui, Roi. Et, entre la canne et la corne où se balance son chapeau et la tête vide qui rit de sa

position saugrenue, le jour se lève avec des menaces comiques, en une grimace. Holà, je te poursuis. Eh bien! je suis le plus fort et je t’aime, viendras-tu ?
Ensemble la route et le village moins longue, moins loin nous arriverons et la nuit sera gaie.
Tout mon temps pour gagner cette estime de rien qu’on me refuse encore, je combats pour un autre état et la lutte s’éternise dans la fatigue.
Je te dédie ma mort, colle ton œil à la serrure de cette chambre, vide et lugubre comme un drame, tu connaîtras l’homme qui l’habite. Les murs ont gardé son

empreinte.
Après la fuite, après la peur, sauvé de la boue j’ai fini la poursuite sous la porte cochère. Pas une lumière pour éclairer cette scène et les rideaux de ma

chambre courent sous d’autres mains. Qui est-ce?

Pierre Reverdy

Le Patineur Céleste

On a transformé le trottoir en vélodrome. Il n’y a qu’un seul coureur. Alors pourquoi court-il si vite?
On ne voit pas ses mains et le guidon remplace les pédales. Il monte.
On a peur de le voir tomber et qu’une lourde voiture l’écrase; mais au coin de la rue une glace absorbe son image qui tourne. Il est sauvé.

Pierre Reverdy

Pierre Reverdy peint par Amedeo Modigliani (1915)

Toujours L’Amour

Sous les lueurs des plantes rares
les joues roses des cerisiers
les diamants de la distance
Et les perles dont elle se pare
Sous les lustres des flaques tièdes
A travers la campagne hachée
A travers les sommeils tranchés
A travers l’eau et les ornières
les pelouses des cimetières
A travers toi
Au bout du monde
Le monde couru pas à pas
Ton amour sous la roue du soir
A peine la force de ce geste de désespoir
A peine l’eau ridée sur le cours de ton sein
Contre le parapet fragile du destin
J’aime ces flocons blancs de la pensée perdue
dans le vent de l’hiver et le printemps mordu
Mon esprit délivré de ces chaînes anciennes
Et que la rouille a dénouées
Pour me serrer plus fort aujourd’hui dans les tiennes.

Pierre Reverdy

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